Le 30 Mai 1992 alors que la sélection
yougoslave dirigée par Ivica Osim est en plein stage de préparation pour l'Euro
1992, dont elle est une des grandes favorites, un teletex tombe : l'UEFA
exclut de l'Euro la sélection yougoslave 10 jours avant le début de la
compétition. Conséquence directe de la guerre et de l’embargo imposé par l’ONU.
Tout a débuté le matin même à New York où le Conseil de sécurité des Nations
Unies vote par 13 voix et 2 abstentions (Chine
et Zimbabwe) la résolution 757, instaurant un embargo contre la Yougoslavie
(Serbie et Monténégro), et prend soin d'inclure spécifiquement au paragraphe 8
alinéa b l’obligation pour les Etats « d’empêcher la participation à des
manifestations sportives sur leur territoire de personnes ou de groupes
représentant la République Fédérale de Yougoslavie ». Vu la résolution,
le comité d’urgence de la FIFA décide immédiatement de suspendre la fédération de Yougoslavie, et d’exclure, en
accord avec l’UEFA, son équipe du championnat
d’Europe qui devait commencer le 10 juin en Suède. Quant au CIO, il
s’accorde pour sa part un délai de
réflexion supplémentaire en vue des Jeux Olympiques de Barcelone qui doivent s’ouvrir fin juillet. Utilisée à l’encontre de l’Afrique du Sud de
l’apartheid, les sanctions sportives apparaissent alors comme une nouvelle option
dans l’éventail des sanctions à disposition des Nations Unies. Les sportifs yougoslaves en sont les
premières victimes et on peut réellement se poser la question, avec le recul
des années, sur la perspicacité d’une telle décision ? L’Europe et l’ONU ont
tapé fort sur les sportifs mais n’ont jamais empêché les conflits armés ni
stopper les massacres qui feront des milliers de morts. En fait la
résolution 757 est une conséquence du non respect des autres résolutions de l’ONU
qui exige depuis le début du conflit (novembre 1991) le retrait des troupes
yougoslaves et croates de Bosnie.
Je vais arrêter là sur le contexte politique
pour l’instant mais voilà la situation géo-politique à la veille de l’Euro
1992. La Yougoslavie en terme de football ça reste aussi compliqué, car jusqu’au
début de la guerre, la sélection est toujours ce brassage de joueurs croates,
serbes, bosniens, macédoniens, slovènes mais dès octobre 1991, un moi avant que
les armes parlent, les joueurs croates disparaissent de la sélection mais pas
les bosniens par exemple avec toujours par exemple la présence des Mehmed
Baždarević, Faruk
Hadžibegić ou encore Safet Susic qu’on connait si bien en France. C’est
donc une équipe de Yougoslavie sans ses joueurs croates qui se qualifie pour l’EURO
92 en remportant ses deux derniers matchs à la fin de l’année 91. Une
performance qui permet de terminer devant le Danemark et d’obtenir ainsi le
seul billet disponible pour l’Euro suédois. Pour vous donner une idée tout de
même du poids de l’absence des joueurs croates il faut savoir qu’on parle de
joueurs tels : Zvonimir Boban, Robert Prosinecki, Davor Suker, Alen
Bokscic, Robert Jarni par exemple. Un détail qui m’avait longuement échappée à
l’époque c’est que presque la moitié de l’équipe championne du monde des moins
de 20 ans en 1987 était croate, dont les deux meilleurs joueurs du tournoi
Robert Prosinecki et Zvonimir Boban (voir le sujet : La Yougoslavie,championne du monde des moins de 20 ans 1987). Et bien malgré ces absences qu’on
pourrait estimer très préjudiciable, je reste persuadé que la Yougoslavie aurait
remporté ce championnat d’Europe. Même sans ses joueurs croates bien au
contraire et je vais m’expliquer.
Plus jeune je ne comprenais pas pourquoi
la Yougoslavie, « les brésiliens de l’Europe » n’avaient jamais gagné
de compétition majeure. Mais la coupe du monde 1990 et la victoire en ligue deschampions 1991 allaient changer la donne avant que l’ONU frappe sur les
footballeurs plutôt que sur les soldats. Je me disais que cette génération
était fantastique et pendant des années, pour moi quand j’entendais parler de Dragan
Stojkovic (OM puis Vérone), Robert Prosinecki (Real Madrid), Zvonimir Boban (Milan
AC), Davor Suker (FC
Séville), Robert Jarni (Bari), Dejan Savicevic (Milan
AC), Darko Pancev (Inter
Milan), Vladimir Jugovic (Sampdoria Gênes), Sinisa Mihajlovic (AS
Rome), Alen Boksic (Olympique
de Marseille) et enfin, Pedrag Mijatovic (FC
Valence), je ne voyais que des joueurs qui étaient les meilleurs d’Europe
et qui évoluaient dans les plus grands clubs, pour moi c’étaient tous des
ex-yougoslaves et je ne savais pas faire la différence entre un croate et un
serbe ni les identifier au sein de cette équipe. Pour moi tous ensemble ils
formaient la meilleure équipe au monde. Mais avec les années et surtout en faisant
Old School Panini on a pu apprendre comment fonctionnait la sélection
yougoslave de l’intérieur sous Tito. En fait sous le régime de Tito et de ses
successeurs communistes les conflits étaient larvés mais au sein de la
sélection on pouvait alors deviner les tensions entre les différentes nationalités
qui composaient la Yougoslavie. Et quand à l’automne 1991, un terrible conflit
embrase la Yougoslavie, une guerre civile entre Croates, Bosniaques, Serbes,
Monténégrins et Slovènes cela ne fait révéler qu’au grand jour toutes les
tensions accumulées pendant 70 ans. Sept décennies après les erreurs des
traités de Versailles (1919) et Rapallo (1920), le pays rentre en guerre. Etat
au brassage ethnique et religieux multiple, la Yougoslavie n’a pas réussi à
rester cosmopolite. Les haines ethniques n’ont cessé de croître après la mort
du maréchal Tito. De l’Adriatique aux collines des Balkans, le pays subit le
joug des armes à feu.
Et grâce à mon ami Johann qui nous écrit de super papiers
sur Drago VABEC, on comprend mieux la situation à l’intérieure de la sélection
durant les années 70 grâce aux témoignages et révélations de l’ancien
international. Je vous conseille la lecture des sujets sur Vabec : LesRatés Old School Panini : Drago VABEC et Le but de Drago Vabec contre la Suède: un chef d'œuvre. Pour rédiger ces articles, Johann a eu la chance de discuter
par téléphone avec Vabec sur ces questions « tabous » à l’époque du
choix des sélectionnées et par exemple l’absence de Vabec à l’Euro 76 ou à la
coupe du monde 82. Pour résumer la situation voici ce que dit Vabec tout
simplement : « Vous savez, quand un joueur de Hajduk n'était pas
sélectionné, ce qui se passait, c'était qu'il y en avait six d'autres qui ne
voulaient pas venir jouer non plus. » De manière plus directe il l'a exprimé
ainsi plus récemment, dans un français simpliste : « J'étais seul contre cinq
ou six joueurs de l'Hajduk, c'était très dur pour moi ». Et en plus de l’influence
des grands clubs il y faut ajouter le contexte géographique, ainsi Vabec ne
joue pas la fameuse demi-finale de l’Euro 1976 face à la RFA car la rencontre
avait lieu à Belgrade et il verra de chez lui Dragan DZAJIC, vedette de l’Etoile
Rouge, enflammé le public du Marakana. Vabec, assez lucide, voir fataliste juge
sans amertume ce choix du sélectionneur : « Si le match avait eu lieu à Zagreb,
j'aurais sûrement été titulaire. A l'époque, c'était comme ça...». Grâce à ce témoignage
j’ai appris que pendant des années la sélection yougoslave était gangréné pas
les clans et les clivages. Et finalement ce sont des équipes avec moins de
talent individuels (en nombre car individuellement les joueurs sont les mêmes
comme le dira si bien Aimé Jacquet avant une causerie d’un certain France-Croatie
du 08 juillet 1998) qui après l’éclatement de la Yougoslavie vont aller plus
loin que leurs prédécesseurs dans les grandes compétitions. On a vu après les
sanctions internationales des équipes de Croatie, de Yougoslavie (Serbie et
Monténégro), Slovénie, Bosnie toujours aussi talentueuse mais beaucoup plus
combattive et solidaires. Alors certes il y a eu du talent de dispersé mais en
contrepartie le sentiment d’identité, d’appartenance au maillot était eux
beaucoup plus fort.
La Yougoslavie avait
une équipe un peu vieille en 1998 et pourtant je suis sûr que si Mijatovic
marque son penalty en 1/8ème de finale ils éliminent les Pays-Bas
futur demi-finaliste. Mais en 1992 la question ne se pose même pas, l’équipe
était composé de jeunes joueurs au sommet de leur art, dont la majorité faisait
partie de l’Etoile Rouge de Belgrade un an plus tôt qui avait remporté la coupe
d’Europe des clubs champions. Alors combiné au fait qu’on avait une génération
exceptionnelle de techniciens surdoués, que de par le conflit les clivages
entre croates et serbes étaient balayés et que sur le terrain, les joueurs
yougoslaves allaient se battre pour les leurs qui étaient sous le poids de l’embargo
de l’ONU depuis plus de 6 mois, pour toutes ces raisons il est sûr, il est
évident que les yougoslaves allaient remporter cet Euro. D’autant qu’au final
ce sont leur remplaçants qu’ils avaient éliminés pendant les éliminatoires qui allaient
remporter cet Euro suédois. Les croates de 1998 en sont la meilleures
illustration et leur capitaine Boban n’a pas eu de plus grande fierté, dit-il,
que de porter le brassard lors de ce mondial. Il déclara également que bien
qu'il jouât à fond et avec respect pour l'équipe de Yougoslavie, jouer un jour
pour la sélection croate et y entendre son hymne national était son plus grand
rêve et quand on entendait les propos d’un Dragan Stojkovic ou d'un Mihajlovic ils
étaient tout à fait semblable. Le problème du foot yougoslave aujourd’hui n’est
pas né de l’éclatement du pays mais du manque de moyens, l’arrêt Bosman à faire
fuir les meilleurs joueurs et les différents championnats ne font pas recette.
Pire, la formation yougoslave si brillante, par fautes de moyen est quasi en
train de disparaitre mais ceci est une autre histoire…En attendant je vous
laisse admirer cette équipe de Yougoslavie qui était programmé pour gagner l’Euro
1992 et même sans les joueurs croates, quelle allure (cliquer sur l’image pour la voir de façon optimale et en taille originale)
Que des joueurs qui ont fait une superbe carrière...ils auraient pu être dangereux à l'Euro 92 !!
RépondreSupprimerquand on voit leur carrière a posteriori on pourrait parler de Dream Team du football
RépondreSupprimersquadra superba
RépondreSupprimerSi
RépondreSupprimerMoi non à l'époque je n'est jamais compris pk il ont étais exclu a l'époque...
RépondreSupprimerCette équipe étais la favorite de l'Euro 1992 ( même Jean Pierre Papin la dis et redis )
Dommage qu'il n'ont pas pu disputer cette Euro car c'étais surement les brésiliens de l'Europe et ils auraient pu faire très mal à l'époque.
une bonne équipe mais les yougoslaves ont toujours été très inconstants dans les compétitions
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