En 1979, Maradona et sa bande
remportaient au Japon la première coupe du monde juniors ; sept ans plus
tard, l’Argentine enlevait le Mundial des grands, au Mexique. En 1982, en
Australie, c’était au tour des allemands de s’imposer chez les moins de vingt ans ;
huit ans plus tard, sous la conduite de Franz Beckenbauer, ils gagnaient à Rome
le mondial italien. En 1987, une génération surdouée de yougoslaves domine le
championnat du monde juniors au Chili ; sept ans plus tard, elle n’aura
aucune chance d’être championne du monde aux Etats-Unis car elle ne sera pas
présente. La Yougoslavie n’existe plus. Elle avait pourtant fière allure cette
équipe avec Prosinečki, élu meilleur joueur du tournoi, Boban, Jarni,
Mihaijlović, Šuker, Vucević ou encore Boksic, alors trop jeune pour être
titulaire. Elle aurait eu fière allure en Amérique avec le concours de Stojković,
Savićević, Panćev, Jugović sans oublier les expérimentés Hadžibegić ou Baždarević. Elle aurait eu fière allure mais cette équipe s’est éteinte en 1992 à quelques
semaines de l’Euro suédois. La folie humaine est passée par là, dévastant des
années de passion et de travail. Le foot yougoslave, l’un des plus prolifiques
du vieux continent, s’est abîmé sur les écueils de l’histoire, oublié dans sa
détresse par les grands de ce monde.
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Debouts : Dejan Savicevic, Davor Suker, Robert Prosinecki, Dubravko Pavlicic, Dragoge Lekovic Accroupis : Dragojlub Brnovic, Zvonimir Boban, Branko Brnovic, Darko Pancev, Goran Stevanovic |
C’est au printemps 92 que le
crépuscule s’est abattu sur le football yougoslave, plus précisément au terme
d’une soirée glaciale en Hollande le 25 mars 1992. Ce soir-là 1992 c’est à
Amsterdam qu’on verra la dernière équipe de l’ex-Yougoslavie foulé une pelouse
avant l’explosion du pays et les sanctions qui priveront cette génération dorée
de championnat d’Europe et d’autres rêves plus grands. Ce match amical qui
aujourd’hui se veut historique fut l’un des plus banals et ennuyeux de son temps.
Coincés entre des fins de championnats à enjeux très forts et des demi-finales
de coupes d’Europe, l’équipe de Hollande est une équipe bis. Gullit vient de se
faire opérer, son coéquipier milanais Van Basten pourtant apte, prétextera une
douleur le matin du match l’empêchant de jouer mais tiendra sa place le
dimanche suivant avec les Rossoneri.
Il reste néanmoins la grande révélation du football néerlandais, Dennis
Bergkamp mais l’Ajax doit jouer une demi-finale de la coupe de l’UEFA la
semaine suivante, il ne sera pas de la partie. Et du côté yougoslave ?
Là aussi il n’y a pas l’équipe
habituelle mais les raisons bien qu’à l’époque semblent à peu près semblables
sont en réalité bien différente. Et pourtant quand on voit Dejan Savicević se
tenir le haut de la jambe au bout d’un quart d’heure et laisser sa place au
jeune Pedrag Mijatović, les observateurs de l’époque se disent que ce match
amical ne sert à rien et que les joueurs préfèrent se ménager pour leurs clubs
mais l’histoire se veut différente. Ivica Osim le sélectionneur yougoslave va
quelque part devoir composer une dernière sélection qui sera déjà sans croates.
Boban est suspendu depuis 1990 et surtout en 1991, une sélection non officielle
de Croatie a disputé deux matchs amicaux contre la Roumanie (victoire 2-0) et
contre les Etats-Unis (victoire 2-1). En effet en mars 1991, alors que des
troubles politiques agitent la Yougoslavie, le football croate décide de faire
sécession en mars 1991, Mladen Verdis, président el a fédération croate déclara
: «
Nous ne voulons pas la destruction de la Fédération, mais nous souhaitons
suivre l'exemple britannique et devenir une entité indépendante. Là-bas, il y a
une nation mais quatre équipes nationales. Nous n'avons rien à faire dans un
pays où la police tire sur les gens dans la rue. Il s'agit d'une décision ferme
et définitive. Nous sommes prêts à attendre des années pour obtenir
satisfaction. » Mais pourtant le sélectionneur national, Ivica OSIM, compte
rassembler les joueurs selon toutes les nationalités pour préparer le prochain
championnat d’Europe. OSIM souhaite que le foot réussisse là où la politique a
échoué.
Son capitaine, Dragan Pixie Stojković
tient le même discours avant le match contre la Hollande : « On
ne pense pas à nos malheurs, on ne parle que football. De cet Euro où nous
resterons compétitifs. Parce qu’au dernier moment nous réussirons l’union
sacrée ». Ce 25 décembre il manque à l’appel seulement 3 joueurs
sur la liste des appelés. Le premier est le slovène de la Sampdoria Srečko
Katanec et si ce dernier à l’aval de la fédération slovène pour défendre les
couleurs de la Yougoslavie en juin en Suède, son club est en passe de se
qualifier pour la finale de la première ligue des champions de l’histoire et
est resté à disposition de son club. Plus délicat est le cas des deux Roberts. Prosinečki
et Jarni tous deux des joueurs cadres de la sélection yougoslave post mondial
italien. La fédération croate n’autorise pas Prosinečki et Jarni à intégrer
l’équipe de Yougoslavie contre l’avis des principaux intéressés si on en croit
les témoignages de leurs ex-coéquipiers en sélection. Ils ne seront pas du
voyage en Hollande mais Ivica Osim ne désespère de les emmener en Suède. Donc
c’est sans croates mais avec des slovènes (Milani, Novak…), des bosniens (Hadžibegić,
Baždarević,…), des monténégrins (Brnović, Savićević …) et une majorité de
serbes, l’ossature de cette équipe étant basée sur la grande équipe de l’Etoile
Rouge de Belgrade des dernières années. Cette équipe s’inclinera 2-0 dans un
match à oublier mais ce qui inquiète son sélectionneur ce n’est pas ce match
mais comment organiser son Euro. Après ce match, aucun match amical n’est prévu
au programme. Osim face à la presse déclare : « Nous une petite
chance de jouer contre l’Inter en mai à condition de trouver une date. Et puis
on fera comme d’habitude. Improviser est une qualité typiquement
yougoslave ». Nous sommes le 25 mars 1992, le sélectionneur, les joueurs
pensent se revoir le 25 mai avant de décoller le lendemain pour la Suède et sur
place disputer 2 ou 3 matchs contre des équipes locales avant le début de la
compétition officielle. Mais le mois suivant, en avril, suite à la reconnaissance
de l'indépendance de la Bosnie par l'Union européenne, la guerre de Bosnie
éclate. En mai 1992, le Conseil de sécurité des Nations Unies par la résolution
757, met en place un embargo contre la Yougoslavie, l’UEFA suivra et la
Yougoslavie restera à quai faisant le bonheur footballistique des danois. On ne peut pas réécrire l'histoire mais en revanche on peut imaginer la sélection potentielle qu'Osim aurait pu emmener en Suède, OSP s'est prêté à cet exercice de retenir 21 joueurs de l'ex-Yougoslavie, cela donne le vertige :
Et voici en vidéo le résumé de la rencontre. La Yougoslavie s'incline 2-0 en craquant à deux reprises en quatre minutes. Kieft et Wouters qui marquent pour les bataves à la 64ème et 68ème minutes.
Sources :
France Football °2399 (31 Mars 1992)
France Football n°2491 (4 janvier 1994)
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