J’avais déjà parlé de ce joueur
dans un sujet sur l’ex cannois Norbert NACHTWEIH, qui avait pour point commun
avec Lutz EIGENDORF, d’être également né en RDA et d’être passé, tout comme lui,
à l’ouest de façon clandestine. Si l’histoire de Nachtweith se termine façon happy
end sur la Croisette avec le regroupement familial après la chute du Mur de
Berlin, pour Lutz Eigendorf, l’histoire est tragique et va se terminer comme
dans un mauvais film d’espionnage, par son assassinat par les services secrets
de l’ex-RDA. Tout commence le 20 mars 1979. Lutz Eigendorf joue alors au Dynamo
de Berlin, l'équipe vedette de l'Allemagne de l'Est, placée sous la protection
personnelle du chef de la Stasi. Ce jour-là, toute l'équipe se rend à
Kaiserslautern, en Allemagne de l'Ouest, pour un match amical contre la
prestigieuse équipe locale. Au retour, le bus s'arrête et laisse un peu de
temps aux joueurs pour faire quelques achats. Lutz Eigendorf en profite pour
s'échapper. Lutz Eigendorf n’a pas encore 23 ans et il est considéré comme l’un
des meilleurs espoirs du pays celui qu’on commence à surnommer le « Beckenbauer de l'Est ». Mais
contrairement à Nachtweith ou d’autres de ses compatriotes de l’époque,
Eigendorf évolue dans un club qu’on ne peut quitter aussi facilement.
En effet
le Dynamo de Berlin était à l’époque sous le patronage de la Stasi, qui était
le service de police politique, de renseignement et d’espionnage de la RDA. Son
départ à l’ouest, les communistes ne vont jamais lui pardonner. Erich Mielke,
le grand chef de la Stasi, se serait personnellement chargé du dossier. En
1981, le redoutable ministre aurait déclaré à un sportif est-allemand: «Si
je le veux, Eigendorf ne jouera plus au football». Et il va joindre les
actes à la parole. Eigendorf devient joueur professionnel en Bundesliga avec
Kaiserslautern puis l’Eintracht Brunswick, mais il ne deviendra pas le nouveau
Beckenbauer, c'est que le gaillard prend un peu trop goût aux facilités de la
vie de l'Ouest, son entraîneur à Kaiserslautern dira qu'il était plus préoccupé
de passer son brevet de pilote que de participer aux entraînements du club. Il
faut dire que l’ex allemand de l’est apprécie les voitures de courses et cela lui
sera fatal. Car pendant tout ce temps, il est observé de très près par deux
espions que la Stasi a envoyé de l'Est, ainsi que par deux collaborateurs
informels recrutés à l'Ouest. Ils l'épient, le photographient et envoient leurs
rapports directement au chef de la Stasi. Et c’est pire de l’autre côté du mur
dans son ex-foyer. Sa femme et sa fille, restée au pays, étaient sous
étroite surveillance par la police, les avocats de la Stasi ont prononcé
son divorce et ont remarié madame à un type qui se révélera être un agent
secret, chargé de surveiller si l’ex joueur du Dynamo reprenait contact avec sa
dulcinée.
Tout ceci nous le savons désormais avec la publication au début des
années 2000 de nombreux documents de la Stasi et c’est parmi ces documents qu’on
va comprendre un peu mieux ce qui est arrivé Lutz Eigendorf le 5 mars 1983. Ce
soir-là, il dîne dans un restaurant de Braunschweig. Peu avant 23 heures, il
veut gagner son domicile et monte dans son Alfa-Roméo coupé sport. Dans un
virage, il en perd la maîtrise et percute un arbre. Le rapport de police
constate qu'il a 2,2 gr/‰ d'alcool dans le sang. Pour arriver à une telle dose,
il aurait dû boire quelque quatre litres de bière ou deux litres de vin or les
témoins qui étaient avec lui au restaurant ne disent l’avoir vu prendre qu’une
seule bière. Mais là où l’histoire devient floue c’est que dans les archives de
la Stati à la date du 5 mars 1983 on trouve dans un rapport sur l’utilisation
de poisons qu'apparaît le nom du footballeur. D’autres mots sont inscrits en face
de Lutz Eigendorf. Voici une traduction de l’extrait de ce rapport : « Statistiques
d'accident ? Evanoui sous influence extérieure ? Ebloui, Eigendorf. »
Pour le journaliste allemand, Heribert Schwan, auteur d’un documentaire sur l’assassinat
d’Eigendorf, c’est la preuve que sa mort était tout sauf accidentelle. Pour lui,
le footballeur aurait été empoisonné au restaurant et que, sur le chemin du
retour, la Stasi l’aurait ébloui pour qu’il perde le contrôle du véhicule. D'autres
indices plaident pour cette thèse. Un lieutenant de la Stasi chargé du dossier
Eigendorf a ainsi reçu une prime de 1000 DM (850 francs) le jour de son décès.
Un ancien champion de boxe, qui l'avait traqué, a reçu quant à lui quelque 2300
DM durant cette période. Une histoire qui fait froid dans le dos et encore plus
quand on voit l’état de son Alfa Roméo après le crash
Sources :
Le temps.ch
Telegraph.co.uk
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