La scène fût surréaliste. Nous sommes le 21 janvier 1995 et
on joue déjà la 23ème journée quand St-Etienne alors treizième au
classement reçoit les Girondins de Bordeaux, quatrième. Et pourtant bien que le
classement ne le laisse pas paraître, ce sont deux clubs en crise de confiance
qui s’affrontent. Les verts viennent de se faire éliminer de la Coupe de France
par Montpellier et chez les Girondins, la tension entre l’entraineur Toni et
les cadres du vestiaire couve depuis plusieurs semaines. Le score est de zéro à zéro à la mi-temps et
sept minutes après la reprise, arrive
cette scène incroyable. Le ballon est dans le camp stéphanois quand arrive
plein champ, le polonais de St-Etienne Piotr Swierczewski poursuivi par le
stoppeur de Bordeaux, Didier Sénac qui frappe et met à terre son adversaire
puis le piétine à plusieurs reprises rejoint par Bixente Lizarazu. Une mêlée
générale commence pour séparer les bordelais qui utilise le polonais tel un
vulgaire paillasson puis ce fut au tour de Christophe Dugarry de remettre une
avoine à Piotr Swierczewski. Mais qu’à donc fait le polonais pour mériter un tel
traitement de la part de ses adversaires ? Il y a deux versions
différentes selon les protagonistes de chaque camp. Mais en tout cas ce qui est
sûr et qu’on ne voit pas à l’image car hors champs c’est que Piotr Swierczewski
vient de frapper par derrière, d’un coup poing le joueur de Bordeaux Zinedine
Zidane qui reste au sol après la mandale du polonais. Témoin de la scène, Sénac
puis Lizarazu poursuive le polonais pour venger leur coéquipier.
Voici deux vidéos qui relatent l’incident. La première est celle
du journal télévisé de l’époque (France 3 – Rhône-Alpes). Même si le sujet est très
intéressant et parle plus de la victoire des verts qui fait du bien au
classement, le sujet évoque la bagarre mais nous en apprend pas plus sur l’origine
de l’incident. Je vous laisse regarder cela dure trois minutes.
La seconde vidéo (mise en ligne par ASSE Memories) est plus intéressante car nous avons les commentaires en direct et cela nous aide à comprendre ce qui s’est réellement passé :
Le match est commenté par la chaîne locale avec des commentateurs pro-stéphanois et pourtant d’entrée ils vont dire que le polonais Piotr Swierczewski va se faire expulser. Au vu des images dans un premier temps on peut penser que c’est lui la victime mais les commentateurs, présent au stade ont vu ce que le réalisateur ne filmait pas, à savoir que le polonais vient de mettre K-O Zinedine Zidane. Mais ce qui est intéressant c’est qu’ils ajoutent quelques secondes plus tard, qu’il s’est fait justice lui-même, Zizou ayant porté le premier coup. Bien sûr il n’y a pas d’images pour étayer ces commentaires mais, je ne sais pas pour vous mais moi je le crois sans trop de difficulté vu le casier de notre Zidane national sur le sujet. D'autant qu’en première mi-temps les duels entre les deux joueurs étaient très accrochés… Je vous laisse seul arbitre.
La suite est assez hallucinante tout de même. L’arbitre ne
sort qu’un seul carton rouge et il est pour le polonais. Les amis Senac, Lizarazu ou
encore Dugarry qui ont véritablement lynché le polonais, repartent sans le moindre carton
jaune. A noter que Swierczewski finira avec le nez cassé et des traces de
crampons sur la poitrine. Le capitaine Stéphanois Laurent Blanc pose immédiatement
une réserve auprès du délégué mais l’histoire fait tellement de bruit dans mes
médias, vu la violence des coups, que tous sont convoqués en commission de
discipline moins d'une semaine après la rencontre et les sanctions tombent :
Bixente Lizarazu : trois matchs de suspension ferme
Christophe Dugarry : quatre matchs de suspension ferme
Piotr Swierczewski : suspendu jusqu’au 15 mars 1995
soit presque deux mois
Didier Senac : suspendu jusqu’au 31 mars 1995 soit à
peu près deux mois et demi mais avec la trêve internationale, dans les faits il
n’écope que d’un match de plus que le polonais.
Les sanctions sont lourdes mais le président de la
commission de discipline, M. Jacques Riolacill, ne prend pas de pincettes pour
se justifier : « Une telle sauvagerie je n’ai jamais vu cela. Il y
avait sur le terrain, au moment des faits, un climat de haine, à l’état brut.»
De retour d’un voyage d’affaires au Mexique, le président
des Girondins, Alain Afflelou a sévèrement commenté le comportement des joueurs
bordelais impliqués dans cette bagarre. « C’est inadmissible, intolérable et
injustifiable, nous ne ferons donc pas appel des sanctions».
Didier Sénac lui veut partir et le fait savoir : « Je
ne me vois pas m’entrainer pour rien jusqu’à cette date (31 mars). En revanche
l’opportunité d’un prêt, vers la Suisse ou le Portugal, ne serait pas pour me
déplaire. Je suis en fin de carrière et il me reste peu de temps pour assouvir
ma passion ».
La réponse du président Afflelou ne tarde pas à se faire
savoir : « Je comprends la volonté de Didier de pouvoir encore jouer (il va
avoir 36 ans) et je ne m’opposerai pas à son départ, bien au contraire. Il le
mérite pour ce qu’il a apporté. Même si, pour l’heure, il n’y a aucun contact,
ça me parait être une bonne solution, car je ne sais pas comment son retour sur
les stades français sera apprécié et vécu après ce qui s’est passé.»
Finalement tout le monde va purger ses suspensions et
personne ne va partir. Si un seul l’entraineur de Bordeaux Toni juste avant le
retour de Didier Sénac. C’est Eric Guerit qui prend les rênes du club et pour
son premier match il aligne d’entrée Didier Sénac et les bordelais s’imposent
1-0 à Lescure face à Bastia, le premier avril 1995. Bordeaux terminera la
saison à septième place hors des places qualificative directement pour l’Europe.
Il faudra passer par l’Intertoto, un drôle
d’épopée pour les bordelais qui joueront pas moins de vingt matchs
européens pour s’incliner face au Bayern de Munich en finale de la coupe de l’EUFA
mais ceci est une autre histoire. Quant aux verts la saison fût longue et
pénible terminant à la dix-huitième place pour se sauver in-extremis d’une
relégation qui arrivera la saison suivante. Finalement cette soirée glaciale de
janvier fût l’un des rares moments où les verts auront réussi à s’enflammer. En
étant réduite à dix puis mené au score, les verts réaliseront l’exploit de l’emporter
à dix minutes de la fin grâce à un inconnu. Elie Baup, entraineur de l’ASSE à l’époque
était revenu sur ce match quelques années après et voici ce qu’il racontait sur
le héros du jour : « Le gars qui avait marqué le deuxième but
(Ziadi), on l’avait pris pour l’équipe de DH, parce qu’il marquait des buts en
amateur. Il avait inscrit son but de la tête, entre les bras de Gaëtan Huard.
Après, il avait couru vers les tribunes où se trouvaient ses copains du
quartier de Montreynaud. »
Voici les deux formations avec les vignettes Panini de la saison 1994-95 (cliquez sur les images pour une meilleure résolution)
Sources :
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