L'incroyable tour de force du TORO


Saison 1982-83, comme on l'a vu dans le sujet Platini, roi de Rome, la Juventus a lancé en cette fin d'exercice, un incroyable sprint pour rattraper l'AS Rome du Baron Liddas et conserver sa couronne de champion d'Italie. Mais lors du Derby della Mole et à cinq journées du terme, la page est définitivement tournée et la Juventus peut faire un deuil du Scudetto qu'elle ambitionnait encore à la veille de ce derby turinois. Un derby toujours aussi passionné et coloré, avec l'imagination Granata en prime. Un spectacle dans le spectacle, la tribune Maratona, où prennent habituellement place les tifosi du Toro, était véritablement fantastique à regarder avec des banderoles géantes,son énorme taureau déployé dans le ciel. Mais surtout on se souviendra de ce 184ème Derby della Mole comme l'un des plus retentissants faits saillants que le Calcio ait jamais vécu depuis ses origines. Pensez-donc à la 65ème minute, quand Platini inscrivait le deuxième but, que son penalty eut été repoussé une première fois par l'excellent gardien Terraneo, on était à mille lieux de penser que l'on verrait encore quelque chose d’intéressant dans ce derby. Mais le propre des rencontres de ce genre est précisément de fustiger l'amour propre des acteurs et l'imprévisible s'est donc produit quand on s'y attendait le moins. 

En effet, à partir du moment où ils eurent deux buts de retard, Paolo Rossi ayant inscrit le premier but de manière très opportune à la quinzième minute, les Grenats réagirent énergiquement poussés par une ambiance qui va devenir incroyable au fur et à mesure des événements. Ce fut proprement renversant. La juve, qui avait fait tout le jeu depuis le début, qui était indiscutablement la meilleure, connut alors un petit moment de panique comme elle n'en a sûrement jamais vécu dans toute sa glorieuse histoire. Quatre minutes à peine, mais quatre minutes suffisantes pour transformer une victoire prometteuse en défaite retentissante, pour transformer le Stadio Communale en une arène brûlante. Donc, cette Juve qui avait la différence, qui aurait d'ailleurs pu mener plus largement si Boniek avait été plus efficace, gardait toutes ses chances dans la course au titre car dans le même moment le leader romain, qui menait longtemps 2-1 sur le terrain de Florence, fut rejointe sur le fil. Mais le vent de folie qui souffla sur la défense bianconera fut tel que même des vieux briscards comme Zoff et Scirea n'y résistèrent pas. Il y eut d'abord ce but de la tête obtenu par Dossena à la 70ème minute qui raccourcissait les distances, mais qui ne semblait tout de même pas devoir changer le cours des événements. 

But au demeurant méritoire de la part du stratège du Torino, assurément l'un des meilleurs meneurs de jeu de la Péninsule. 70ème minute : le grand coup de lessive ne faisait que commencer. Deux minutes plus tard, le jeune Bonesso, qui venait de remplacer Borghi, surgissait à point nommé pour reprendre habillement de la tête un centre de son jeune camarade Beruatto, lui même lancé sur le flanc gauche par son gardien Terraneo, qui avait subtilisé la balla à Bettega, qui était à deux doigts de tuer le match. Dino Zoff, pris à contre-pied, ne put que constater les dégâts. 2-2. Déjà le délire dans les tribunes. Mais le plus fort fut bien le troisième but, sorte de prodigieux bouquet final, qui se situa encore deux minutes après, quand Van de Korput centra au profit de Torrisi, encore un jeune espoir de l'école Granata. Lequel Torrisi reprit la balle au vol d'une façon spectaculaire. Zoff, encore une fois, n'avait pas bronché. 3-2 pour le challenger. 60 000 spectateurs n'en croyaient pas leurs yeux. Et pourtant, il fallait se rendre à l'évidence : en 360 secondes, la grande Juventus, qui n'a ordinairement pas l'habitude de faire des cadeaux au plan défensif, venait de concéder trois buts.

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