La revanche de la Juve sur le Toro

Le derbissimo Scudetto


Dans le dernier sujet sur le match France vs Angleterre de 1984, on avait évoqué ce derby de Turin qui eut lieu 3 jours avant que Platini offre un brillant succès face à la perfide Albion. Il est temps de revenir sur ce derby turinois du 26 février 1984 si particulier. Particulier pour deux raisons. Tout d'abord car personne n'a oublié que c'est le Toro qui a privé la Juve l'an dernier du Scudetto en stoppant net la Vieille Dame dans son sprint derrière l'AS Roma du Baron Liddas (Voir le sujet "l'incroyable coup de force du Toro"). Mais surtout en cette fin d'hiver, le 186ème Derby della Mole est peut-être le plus attendu de l'histoire. Au-delà de l'incroyable scénario de l'année précédente c'est tout simplement un derbissimo historique qui voit le premier du championnat (la Juve) affronter le second (le Toro donc). Toute l'Italie attend de voir ce moment, voir comment cette Juventus emmené pas un Platini intenable va t'elle passer son plus sérieux obstacle ? Bien entendu le Stadio Communale est en fusion bien avant l'heure H. Les supporters Granata qui avaient pesé de tous leurs poids lors du derby de l'année précédente ont décidé de récidiver, banderoles géantes aux couleurs et à la gloire du Torino et surtout une pluie de feux de Bengale multicolores qui vont repousser le coup d'envoi. Une passion typiquement turinoise mais décuplée par l'enjeu qui d'ordinaire est déjà surprenante pour les non-initiés. Du coté des tifosi Bianconeri, on n’est pas en reste mais surtout, pour nous français du jamais vu dans les tribunes du Calcio. En effet dans la tribune Filadelfia (du nom de l'ancien stade du Grand Toro situé à 500 mètres du Stadio Communale et qui va peut-être renaître de ses cendres dans les prochaines années. On en parle bientôt sur OSP) on peut voir les tifosi de la Juve brandir, au milieu de cette marée bianconera, plusieurs drapeaux tricolores, bleu blanc, rouge dans cet océan noir et blanc. C'était en fait comme un présage.
Car il faut bien le dire : si ce derby qui n'engendra longtemps que morosité prit la formidable tournure que même les chaines de télévisions française vont relater le dimanche soir aux journaux télévisés (fait rarissime à l'époque voir unique de parler d'un match d'un championnat étranger), c'est bien parce qu'il y avait un personnage hors du commun dans les rangs bianconeri : Michel PLATINI. Un Michel PLATINI qui s'est à présent mis entièrement dans son personnage. Un personnage à la manière italienne, puisque digne lui aussi, de figurer dans la divine comédie. On le verra bien lorsqu'il inscrira le deuxième but décisif, le deuxième but qui changeait le cours de l'histoire, le capitaine de l'équipe de France se précipita résolument vers les tribunes où étaient rassemblés les supporters bianconeri. Ce Platini-là, inconnu en France, est assurément un autre homme et pour tout dire un monstre sacré comme seul le Calcio peut en enfanter. Mais dans trois mois, toute la France va le découvrir ce Platoche de feu, lors du championnat d'Europe. Bref, ce Platini à l'italienne, qui a trouvé chaussure à son pied à Turin et qui semble d'ailleurs s'en féliciter, fait maintenant la pluie et le beau temps tous les dimanches ainsi que l'a clairement démontré le face à face avec le Torino.
Il avait pourtant mal démarré pour la Juve ce derby qui allait décider de l'issue de championnat 83/84. Derby qui, en cas de défaite bianconera, aurait relancé la bataille pour le Scudetto. Et qui, par la magie de Platini, a pour ainsi dire assuré avant l'heure le triomphe de la "Vecchia Signora". Deux buts de Platini, deux buts absolument fantastiques, l'un de la tête en pleine extension, au nez à la barbe des défenseurs "Granata" complètements figés, l'autre sur coup franc. Un coup franc comme il les aime. A la limite de la surface, légèrement décalé sur la gauche. Frappe du plat du pied façon feuille morte et un ballon virevoltant achevant sa course dans les filets à hauteur du premier poteau. Un doublé de la tête et sur coup franc, le même scénario trois jours plus tard face aux anglais avec l'équipe de France, Platini est  définitivement Platinissimo. La Juve avait refait son handicap et le spectacle, lui, avait pris une dimension à la mesure de l’événementC'était, en quelque sorte, le contraire de ce qui s'était passé l'an dernier à pareille époque quand le Torino en quatre minutes avait refait un handicap de deux buts, l'emportant par 3-2. Cette fois, c'est l'équipe Granata qui a frappé la première, mais la Juve a eu le dernier mot grâce à un doublé de son roi Platini. Un Platini qui a parallèlement profité de la circonstance pour rejoindre l'autre roi du calcio, le brésilien ZICO en tête des buteurs. Un Platini que plus rien n'arrête, qui en est à quatorze buts pour ses quatorze derniers matchs. On comprend que la presse italienne et française de l'époque soit à court d'épithètes pour célébrer les prouesses du français. Un Platini joyeux après la rencontre et gonflé à bloc avant d'affronter les anglais comme il le dit lors du rassemblement des bleus : « Quand on gagne le derbissimo, c'est toujours merveilleux. Bellissimo, comme diraient les Italiens. Je pense qu'à présent la Juve est bien lancée sur la voie qui conduit au couronnement que nous attendons tous, que nous désirons de tout notre cœur après nos malheurs de la saison écoulée ». Platini verra juste car c'est la Juve qui fait une opération incroyable au classement. Écartant à six points son grand rival du Torino mais qui tient aussi à même distance, le tenant du titre l'AS Roma qui a été tenu en échec, dans le même temps, lors du derby romain face à la Lazio (2-2).  1984 sera définitivement l'année Platini, le meilleur joueur de la planète.


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