J'avais déjà évoqué
les qualités que j'appréciais chez Redondo quand j'ai présenté
l'arrière droit de ce Hall Of Fame, Javier ZANETTI. Pour moi ces
deux joueurs sont incroyables car ils ont cette faculté à jouer
avec le ballon dans les pieds et le regard porté sur le jeu, le
buste droit comme un I. Techniquement je pense que c’est le niveau
absolu, celui que tout joueur de football rêve d’atteindre un
jour : jouer sans regarder où est le ballon et toujours savoir
où il est. Et attention le tout en évoluant au plus haut niveau et
pas lors du premier tournoi de sixte de la saison corpo, c’est-à-dire
à une vitesse où dès que tu rates un peu ton contrôle tu as deux
joueurs sur le palto qui te l’ont arraché. Fernando REDONDO
c'était la classe incarné sur un terrain par son style, son volume
de jeu mais aussi par sa philosophie. Car pour Redondo le beau jeu
était une quête absolue et rien ni personne ne pouvait le détourner
de son chemin ou s'en prendre à sa liberté. Pour défendre ses
principes il enverra bananer deux sélectionneurs de son pays et
ainsi raté les coupes du monde 1990 et 1998. Pour mieux comprendre
cette philosophie qui le pousse à toujours rechercher le beau jeu,
voici un retour sur ses débuts d'Argentinos Juniors jusqu'au
couronnement de sa carrière, à savoir ses années madrilènes.
Quand il a débarqué, à
dix ans, à Argentinos Juniors, les lieux respiraient le Maradona
encore tout frais. C'était en 1980, et les coups de pinceau du génie
avaient, nettement ravalé la façade du football argentin. Comme les
autres, Fernando se régalait des odeurs ainsi répandues et des
saveurs sucrées distribuées par le maître. Il s'en souvient : « Je
suis effectivement arrivé l'année où il a quitté Argentinos.
C'est vrai que Maradona était le symbole du club, mais, très
sincèrement au fil du temps, je ne l'ai pas ressenti de cette
manière ». Déjà, le gamin se distingue des autres. Déjà
a-t-il sa propre personnalité et un avis bien tranché sur les
chemins et principes à suivre. Diego, il a connu et il a joué avec.
« Tout le monde l'admire, moi aussi. Mais je n'ai pas suivi
d'exemple. Diego, je n'ai pas l'impression, en tant que footballeur,
de lui avoir volé des choses. Parce qu'il est inimitable. Et unique.
Et parce que moi, j'ai toujours joué avec mes propres qualités ».
Comme il le dit avec poésie : « Diego n'est pas la
lueur qui a éclairé ma vocation de footballeur ». Avant
lui, le petit Fernando s'est laissé séduire par le brésilien
Falcao. « C'est son influence sur le jeu et les autres joueurs
qui me sidéraient. Peut-être alors ai-je voulu lui ressembler à ce
niveau ».
Quand on a dix ans, on ne
croit qu'à l'éphémère de l'exemple. Pourtant quand on est
Redondo, réfléchi et attentif, on apprend à décomposer sa
passion. Et lui a très vite compris. « Dans les équipes de
jeunes on rencontrait Ferrocarril et Estudiantes. Les gabarits de nos
adversaires dans la même tranche d'âge étaient imposants par
rapport aux nôtres. Nous, on était petits. On n'avait pas
trente-six moyens pour contourner ces bêtes. Il fallait jouer, faire
vivre le ballon. Tout gosse, ce principe s'est révélé à moi. Il
ne m'a plus jamais quitté ». Ce principe de faire vivre le
ballon est la marque de l'empreinte maison, celle qu'Argentinos, des
poussins aux séniors, laisse à tous ceux qui ont bien voulu
partager un bout de chemin. Et dans cette équipe Hall Of Fame d'Old
School Panini, trois des onze titulaires sont issus de ce centre de
formation, Redondo, Maradona et Riquelme ! Redondo défendra
toujours cette philosophie de jeu qu'on inculque dès le plus jeune
âges aux cebollitas (les petits oignons, surnom des équipes
de jeune à Argentinos, en référence à l'ancienne ferme transformé
en centre de formation du club). « Mes entraîneurs m'ont posé
sur la voie de cette idée à défendre ». Il ne cessera jamais
de prêcher la bonne parole que ce soit en Argentine ou dans la
Liga. Un apôtre des temps modernes. « Jouer bien, c'est plus
important que le résultat. J'ai été élevé dans cette
certitude ». Et il peut devenir extrémiste si on cherche à
le convaincre du contraire. Parce que ses souvenirs, parce que
l'apprentissage sur le terrain au fil des expériences lui ont
apporté la confirmation.
Ténérife et le premier
grand saut. Première prise de position. Surtout, premier banco qui
éclaire un peu mieux la personnalité du garçon. Lorsque,
effectivement, Ténérife le demande, Fernando se fait attendre. La
peur de quitter le cocon familial, mais surtout, l'envie de connaître
les véritables intentions de ses nouveaux dirigeants. « J'ai
besoin de marcher à la confiance ». Aussi, alors que l'affaire
et le montant du transfert sont bouclés, il se ravise. Rappelle ses
interlocuteurs espagnols, seulement dix jours avant la reprise du
championnat, et leur demande une rallonge. Acceptée dans l'heure,
Redondo comprend, cette fois que l'on compte vraiment sur lui. Mais
l'histoire ne vas pas lui sourire, enfin pas tout de suite. Premier
grand match face à l'Atletico Bilbao. Mais un seul et unique match
car dès l'entame du second c'est une distention des ligaments du
genou qui le condamne à l'inactivité. Fernando s'en veut et il
pleure cette Argentine qui lui manque. Une saison en galère avant
qu'une rencontre définitive, n'établisse le lien vers la célébrité
et le faire devenir le meilleur joueur d'Europe à son poste. Cette
rencontre, c'est l'arrivée de Jorge VALDANO, au poste de nouvel
entraîneur de Ténérife. Pour Redondo ce sera un retour aux vraies
sources du jeu. Pourtant tout pourrait pousser à croire que
l'entente entre les deux hommes serait impossible avec d'un côté la
rigueur et le trempe de l’entraîneur argentin et de l'autre la
quête de liberté absolue du jeune Fernando. Redondo à conscience
de ce paradoxe et pourtant il va adhérer immédiatement aux
certitudes du coach Valdano. Il témoigne « D'un coup d’œil,
Valdano a su ce qu'il allait faire. Et c'est vraiment bizarre parce
qu'au début ça ne marchait pas trop bien. Son système dérapait,
mais nous les joueurs, on sentait que ça fonctionnerait. Oui, on
était convaincus d'être sur le bon chemin ». C'est à cette
époque que le puzzle s'est mis en place dans la tête de Redondo.
Valdano, déjà, en bougeait les pièces. « C'est un personnage
hors du commun. Il ne complique pas les choses simples. Son foot est
offensif et créatif. Il ne se soucie pas du rival ou du terrain. Il
veut jouer, c'est tout. » C'est une véritable idéologie
développé et dont Redondo se trouve soudainement, le premier
défenseur. « Je m'identifie complètement à Valdano. Mais,
très jeune, j'ai su qu'on prenait du plaisir quand on voulait
seulement jouer. J'ai enrichi, personnellement, ce goût-là ».
Même si les réalités de l'époque, le conditionnement au sujet du
résultat, le bourrage de crâne se sont révélés des barrages
difficiles à franchir. « Je crois pourtant qu'il est plus
facile de gagner en jouant bien. Et le plaisir, alors, est double ».
Des phrases, des pensées qui traduisent une passion qui ne déteint
jamais sous les autres principes en vigueur dans le foot. « Quand
on a une idée, il faut s'y tenir. Quand on sait qu'elle va séduire
le spectateur, tu te dois de continuer dans cette voie. Parce qu'il
faut voir jusqu'où tu es capable d'aller ».
Fernando REDONDO n'a
jamais reculé même s'il lui a fallu combattre les virus de cette
fin de siècle. Même s'il a pu, ou été tenté de tomber, un jour
dans les déviances et le vice. Il le dit d'ailleurs avec beaucoup de
sincérité. « J' évolue toujours de manière loyale.
Quand je dispute un ballon, c'est pour le récupérer, pas pour faire
mal à mon adversaire. Il se trouve que dans cette passion, il y a
des moments désagréables. Quand tu te retrouves en infériorité
numérique et qu'il faut stopper la montée de l'adversaire. Il faut
casser le jeu et donc faire une faute ». Et il ajoute, comme
pour mieux s'excuser : « Cette faute tu as le devoir
de la calculer. Pour ne pas faire mal ». Il a cette lucidité
mêlée d'idéal qui fait le charme de ce joueur hors norme. « Avant
un match, quel que soit l'adversaire, je me dis qu'on va avoir le
ballon, qu'il va vivre et qu'il terminera forcément sa course dans
les filets. Je ne peux pas imaginer qu'on va attendre et qu'on ne
l'aura qu'au moment où l'adversaire le perdra sur un faute
technique. Dans mon esprit ça ne peut pas exister et c'est pour ça
qu'il faut attaquer en défendant. Si tu es haut, tu restes toujours
en position pour la meilleure relance une fois que t'as récupéré
la balle ».
A la lecture de tous ces principes évoqués au
milieu des années 90, à savoir : « comme on est plus
petits il faut faire vivre le ballon, » « avoir la
position du ballon », « défendre haut », on a
l'impression d'entendre Pep Guardiola parler de son Barça quand il
raflait tout sur son passage. D'un côté Guardiola n'a jamais caché
que ses principes sont nées de ses discussions avec les plus grand
techniciens argentins (Menotti, Bielsa...) lors de son année
sabbatique en Amérique du Sud. Pour Redondo ce sera une véritable
profession de foi, conjuguée à sa pugnacité de quête de liberté,
cela peut donner des étincelles surtout avec les sélectionneurs de
son pays. Bien avant l'affaire des cheveux longs avec Passarella qui
le privera de coupe du monde en France, Redondo affirmait ses
convictions que ni rien, ni personne ne pourrait faire taire
« L'expérience ? Je ne connais pas ce mot-là. Il ne
signifie rien. Que j'ai 5 ou 50 sélections en équipe d'Argentine ne
changera rien à ma façon de sentir le jeu, mon jeu. Que ça aille
bien ou pas pour toi, de toute façon, il est essentiel de penser
toujours de la même manière ». Redondo ne dévira jamais de
ses idées parce qu'il a ce caractère, cette force intérieure qui
lui fait dire « de toute façon, jamais je ne ferais n'importe
quoi sous prétexte de l'enjeu. Non je préfère mourir avec mes
idées ».
C'est ainsi qu'une première fois il refusera de
porter la tunique de l'albiceleste lors d'une coupe du monde,
celle en Italie en 1990. Tout simplement car il ne partageait pas la
vision du sélectionneur Bilardo avec pour simple explication « Chez
nous, il y a trop de choc, trop de frictions. On s'est polarisé sur
le résultat. On a tout oublié. Et ce beau jeu qui a fait l'histoire
de notre pays ». Trop dangereux, trop subversif le gamin, se
punissant lui-même par amour du jeu mais ne regrettant rien « Je
vais passer pour un syndicaliste mais peu importe. Je me sens
représentant d'un style de jeu à défendre. Je ne joue pas pour
laisser une trace, pour que les gens se souviennent de moi. Je lutte
pour ma cause du football ». Personnellement je n'ai jamais cru
à cette histoire de cheveux trop longs avec Passarella. Pour moi
c'est un prétexte, Passarella n'a jamais été un défenseur du beau
jeu, que ce soit lorsqu'il portait les crampons ou que ce soit en
tant qu’entraîneur. Non il était impossible que ces deux là
s'entendent d'ailleurs en Argentine tout le monde en veut aux deux
hommes ! Alors qu'il était le meilleur milieu défensif
d'Europe les supporters argentins en veulent à Passarella de ne pas
le retenir pour un motif aussi futile qu'une coupe de cheveux et d'un
autre côté ils en veulent autant à Redondo de ne pas avoir
sacrifier sa chevelure sur l'autel de la cause nationale. Mais si
vraiment les cheveux étaient le problème, l'enjeu de gagner une
coupe du monde aurait du permettre de trouver une solution. Sauf que
les deux hommes avaient une vision trop opposée du football pour
trouver ce terrain d'entente car vous trouvez vous que les Batistuta
et autre Ortega avaient les cheveux courts en France au cours de
l'été 98 ?
En tout cas cela laisse
des regrets aux amoureux du football argentin car déjà que
l'Argentine fût l'une des plus belles formations de ce mondial,
alors si Redondo eut été dans leurs rangs, les argentins auraient
pu faire très très mal. Mais avec des Si on pourrait mettre
Lutèce en amphore. Fernando REDONDO lui pratiquera son football avec
son club du Real Madrid avec qui il va tout gagner. Comme Neeskens,
je juge qu'il a révolutionné le jeu au milieu de terrain car
Redondo en milieu défensif c’était la classe ultime dans un
registre où tout de même par tradition il y avait de sacré
bûcherons, censés découper le numéro 10 d’en face et casser les
attaques adverses. D’ailleurs depuis son apogée à Madrid à la
fin des années 90, Redondo a fait des émules à ce poste de milieu
défensif, pour moi Andrea Pirlo et Xabi Alonso sont les dignes
héritiers de Redondo au poste de sentinelle devant la défense mais
aussi à la fois premier relanceur et premier dépositaire du jeu de
leur équipe. Et comme pour chaque présentation de joueur de ce Hall
of Fame je choisi un moment particulier de leur carrière, pour
Fernando il n'y aucun doute possible sur ce choix. Allez pour vous
faire rêver, toute la classe de Redondo justement au théâtre des
rêves :
Redondo-Xabi-Pirlo, si on pouvait associer les trois pour un match amical ou un jubilé, je prends l'avion pour voir cela...
RépondreSupprimerJe me souviens d'un Tenerife-AJ Auxerre en UEFA, Redondo était magistral
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