Paninomorphologie - Claude PAPI

4 juin 1972. Le nouveau Parc des Princes accueille sa première finale de Coupe. Finale méditerranéenne Marseille-Bastia. Sur le banc de touche corse, un jeune homme ronge son frein. Mal remis d'une blessure, il est passé à côté de sa première apothéose dans le temps où Victor Lorenzi tentait de ceindre l'écharpe bleue du SECB au tour du cou de Georges Pompidou ... 13 juin 1981. Retour au Parc des Princes pour Bastia. Sa deuxième finale sera la bonne. Le lendemain. La Corse en liesse tirera plus de cartouches qu'on n'en consomma à Austerlitz pour accueillir dame Coupe qui a, pour la première fois, « franchi l'onde », Une seule note discordante dans cet hymne au football insulaire: le remplaçant de 1972 n'était même pas sur la touche. Hors circuit pour insuffisance physique ! Entre ces deux dates clés qui sont aujourd'hui les points de repère d'une fantastique épopée, celle du Petit Poucet bastiais devenu ogre européen, apparaît clairement en filigrane la destinée tragique de celui qui, dix ans durant, allait être la figure de proue, le symbole vivant, la cellule vitale, le guide constant du SEBC de la légende dont chacun se souvient. Lion entre les lions, roturier anobli par le football, Bonaparte moderne immortalisé par la campagne de Torino, tout aussi bien apte à tirer le glaive qu'à pourfendre l'ennemi de son fleuret, Claude Papi avait uniquement contre lui d'être né sous une mauvaise étoile. 

Le monde du sport et la Corse pleurent depuis l'un des chevaliers sans peur et sans reproche de notre temps, « condottiere » reconnaissable à sa toison éparse que ni les rugueux impératifs du football moderne ni les vicissitudes de notre société dévorante, ni le légendaire tempérament corse ne purent détourner de sa vocation première. Il était venu au monde là-bas, à l'ombre du donjon célèbre de Porto-Vecchio, avec un ballon dans les pieds. Il en est parti brutalement, prématurément, tragiquement, avec une balle de tennis à la main (Rupture d’anévrisme sur un court de tennis) , terrassé par sa mauvaise fée et mort sur la scène à l'âge où commence l'existence sans heurts et sans nuages des footballeurs qui ont su mener leur barque. Technicien émérite, capitaine au long cours, stratège éclairé. Claude Papi venait tout juste de troquer la tunique azurée de ses merveilleux souvenirs européens pour le complet-cravate de l'homme d'affaires prospère et pour mieux jouir de l'affection des siens, de Maddy, sa compagne, de ses deux petites filles . Son havre de paix s'appelait « Albitreccia », sur les hauteurs de Bastia. Son espoir s'étendait de Porto-Vecchio, berceau de la famille, à Miomo, où il faisait construire, où il aimait à tâter la raquette. Les voyages, la vie trépidante, les rumeurs de la ville, il en avait assez soupé. Papi, le chef d'orchestre, était devenu l'homme sage et retiré sous sa tente, le père tranquille qu'il rêvait d'être déjà au temps où il écumait l'Europe à la tête des hordes de Furiani. Jeune retraité on le voyait encore au stade Armand-Cesari. Souriant, détendu, de moins en moins de cheveux et de plus en plus de philosophie : « Mais que reviendrais-je faire dans un pareil contexte ? Dans la vie, voyez-vous, il faut toujours savoir ce que l'on veut. Pour moi, le football, c'est du passé. Il m'a certes comblé et m'a grandement aidé à préparer ma reconversion. A présent, je ne regrette rien. Et surtout pas, bien sûr, d'être resté fidèle jusqu'au bout à Bastia, à la Corse. Ce que j'ai ressenti ici, je ne l'aurais certainement vécu nulle part ailleurs. La page est maintenant tournée. J'ai ma conscience pour moi. Pas question donc de remettre ça. Surtout dans l'état où le foot m'a laissé. Je ne rendrais service à personne et surtout pas à moi en acceptant de rejouer…sur une jambe ! Je suis un autre homme. Heureux. Tourné vers l'avenir. Sans pour autant oublier le football et ce qu'il m'a donné. » 

Papi mort, l'affreuse nouvelle a glacé Bastia comme le « libecciu » hivernal qui arrache les toitures de la vieille ville et répand son souffle lugubre, dévastateur, réfrigérant, de Toga à Lupinu. Nouvelle incroyable, effroyable, injuste, que personne ne voulait, ne veut accepter et pourtant…C'est Jean-Marie Courtin, l'ex-pro devenu policier en Principauté, qui nous confiait après l’effroyable nouvelle : « Papi n'était pas qu'un remarquable meneur, un patron capable d'orienter la manœuvre, de peser sur le jeu, de créer, d'inventer ou de conclure. C'était aussi et peut-être surtout un gentleman du football. Jamais un mauvais geste, toujours le meilleur esprit, même quand, autour de lui, ça bardait ! Le football et rien que le football, qu'il honorait en toutes circonstances. Vraiment un seigneur ». Bien que porté naturellement à jouer et à faire jouer, à concevoir et au besoin à finir - plus de 120 buts officiels dans sa carrière active ! - Claude Papi n'oubliait jamais ses origines. Issu du contexte restreint que l'on sait, il n'en fut que plus fier de pouvoir faire monter si haut le légendaire pavillon à tête de Maure. Les grands moyens physiques avaient beau le rebuter - question d'esprit et aussi de constitution -, il n'en fut pas moins l'un des plus acharnés à soutenir la lutte jour après jour, à faire en sorte que le football corse en général et le SEBC en particulier poursuivent leur essor, élargissent le champ de leurs conquêtes. Il était arrivé au temps où la promotion footballistique de l'Ile tenait essentiellement aux exploits de l'inoubliable Gazélec de Cahuzac. Et quand « l'homme de fer » d'Ajaccio débarqua à Bastia, Claude se mit aussitôt à son service. Corps et âme. On sait ce Qu'il en résulta: une finale de Coupe d'Europe, deux finales de Coupe de France, quatre demi-finales, l'attaque-mitrailleuse de 1977 (Dzajic-Félix, Papi, Zimako, quel quatuor !) et toutes ces heures exaltantes, qui firent si souvent « exploser » Furiani. Le nom de Papi reste le plus étroitement lié à cette fabuleuse aventure, à l'étonnante montée au firmament du football le plus déshérité de France et de Navarre ... Quand quelqu'un cherchait à le confesser, lui qui ne goûtait guère les honneurs et les flonflons, il estimait avoir tout dit avec ce rappel : « Pour moi, le sommet des sommets s'est situé le 13 avril 1978 lorsque j'ai inscrit, à douze minutes de la fin, le but qui éliminait les Grasshoppers de Zurich et nous ouvrait les portes de l'apothéose européenne. Des moments comme ça valent tous les sacrifices, toutes les consécrations » . Ce jour-là. Claude Papi est pour ainsi dire entré de plein pied dans la galerie des immortels. Et c'est ce Papi-là qui revivra toujours en nous. Pour le plaisir voici ce fameux but en vidéo qui envoyait le Sporting en finale de coupe d’Europe :


Et pour le mien, celui tout aussi important face au Torino dans ce qui restera le plus grand exploit du club corse en coupe d’Europe !


Enfin pour terminer, l’intégrale Panini (Etoiles du Football pour les premières années + Glowacki en 1978 pour être complet) de la carrière de Claude PAPI :

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