Le but qui changea la vie de José Luis BROWN

Un coup franc, le gardien adverse qui déjoue et, au cœur de la mêlée, une tête qui s'élève et catapulte le ballon au fond des filets. C'est une scène mille lois renouvelée chaque week-end sur tous les terrains du monde. Mais ce dimanche-là, l'homme qui tombe à genoux le corps jeté en arrière et les poings dressés exulte comme s'il venait de gagner la Coupe du monde… Il faut dire qu’il est effectivement en train de la gagner ... Jusqu'à cette minute de Joie et de larmes, José luis Brown était presque Inconnu. Un nom parmi les faire-valoir de Maradona. Les millions de gens qui le découvrent réellement à cet instant se disent qu'II vient, par son coup d'éclat, de passer à la postérité. Ils ne se doutent pas – pas tous - qu'ils sont en train d'assister à un petit miracle. Car le joueur ainsi touché par on ne sait quelle grâce divine n'aurait jamais da se trouver là. Inactif depuis sept mois, sans club, Brown avait décroché de justesse une place de remplaçant pour le Mexique lui qui n’a pas réussi à s’imposer à Boca Juniors. Le voilà titulaire, buteur pour la première fois de sa carrière internationale (et la seule fois même) et champion du monde après avoir disputé une mi-temps avec l'épaule en bouillie. Un véritable conte de fées pour ce défenseur central à la technique moyenne, cet humble soudain révélé, adulé, consacré parmi les plus grands. Tout naturellement, Brown est devenu une idole en Argentine où il symbolise la bonne surprise que constitue le titre mondial (l’Argentine avait fait une prestation catastrophique et tout le pays réclamait la démission de Bilardo encore quelques semaines avant l’ouverture du mondial). Trente millions d'Argentins s'identifient et se sentent proches de ce garçon chaleureux, souriant, constamment ému par les honneurs que sa réussite entraine. José Luis Brown, c'est l'Argentine profonde. Une Argentine qui gagne et qui est fière à en perdre la raison. Le président Alfonsin l'a bien compris, lui qui, en direct à la télévision Quelques minutes après la finale de Mexico, a félicité la sélection de son pays en ne citant qu'un seul nom, celui de « Tata Brown ». Personne, en effet, ne l'appelle José Luis. Pour tous, Il est. « El Tata ». Une marque d'affection, presque de tendresse. Un sobriquet Intraduisible sinon par « le père Brown ».


« Tata » est donc champion du monde. Au pays de Maradona, on s'est fabriqué une nouvelle vedette représentative de la force d'appoint humaine qui a aidé le dieu Diego à conquérir le monde. A ce titre, Brown est l'exemple même de la réussite de Carlos Bilardo. Celui-ci a monté une équipe avec plusieurs Brown au service de Maradona. C'était risqué en effet de confier à ce libéro discuté les clés de sa défense. Discuté, Brown l'était et c’est rien de le dire. Voici pourquoi avec un peu d'histoire pour commencer. José Luis Brown a débuté à Estudiantes de la Plata à l'âge de treize ans. Il y restera treize autres années avant d'émigrer, en 1983, en Colombie, à Medellin, puis de rentrer au pays et de signer à Boca Juniors. Là, c'est la tuile: grave blessure au genou, opération, rééducation longue et difficile. Il se retrouve à Deportivo Espanol, mais, au bout de trois matches, se fait virer sans explication. C'était avant la saison de clôture, qui précédait le mondial mexicain. A vingt-neuf ans, Brown songe alors à mettre un terme à sa carrière. « C'était pratiquement décidé dans ma tête, raconte-t-il. J'avais vécu tant de désillusions, tant de mensonges, j'avais été déçu par tant de gens. Sans le soutien de ma famille, j'aurais laissé tomber ». Pendant sept mois, Brown s'est donc entrainé le plus souvent tout seul. Durement. Avec un objectif : être présent au Mondial mexicain, dans l'ombre du grandissime Daniel Passarella. « Je savais que Bilardo me conservait sa confiance. C'était très Important. Il a été mon entraineur lors de ma dernière saison à Estudiantes ». Ce détail s'est avéré déterminant au moment du choix. Contre toute attente, Bilardo a préféré Brown à Enzo Trossero pour l'expédition mexicaine. Une option que le patron argentin justifie ainsi : « Chez nous, toutes les équipes jouent ligne. Il n'a que deux argentins qui évoluent en véritables libéros, Passarella et Brown… » Le système de jeu de Bilardo a offert sa première chance à « Tata ». La seconde viendra de la blessure du titulaire Indiscutable qu'était Passarella. « Quand, deux heures seulement avant de rencontrer la Corée, Bilardo m'a dit Que je jouerai, j'ai cru mourir. J'ai demandé de l'aide à dieu. Celui qui m'a le plus mis en confiance, c'est Daniel lui-même. Il m'a expliqué tout ce que j'allais vivre et ses prévisions se sont révélées exactes. Cela m'a facilité la tâche. Je savais que les gens ne croyaient pas en moi, qu'Ils étaient prêts à me descendre au moindre faux pas. J'étais un joueur sans équipe à qui on confiait une responsabilité énorme. Certains essayaient même de m'opposer à Passarella. J'ai pour lui une Immense admiration. Bien sûr, je suis de Bilardo et il est de Menotti. Mais nous nous entendons parfaitement. Nous faisions même chambre commune ». 

Au tournant de la gloire, José Luis Brown n'a pas dérapé. Il ne quittera plus l'équipe argentine jusqu'à la conquête suprême. Prudent au début, Il s'améliore au fil des matches en s'appuyant sur ses points forts habituels: le jeu de tête, le placement, la rigueur défensive et une hargne communicative. Un grand libero s'épanouit progressivement. « Je sais Que je ne suis pas le meilleur libéro du monde, dit-il juste après la coupe du monde. Je n'ai pas la personnalité de Scirea, la relance de Bossis, le brio de Morten Olsen ou de Julio. Alberto. Mais j'ai été l'un des bons spécialistes de la compétition ».C'est en finale que « Tata Brown » a définitivement éclaté à la face du monde et forgé son statut de héros national. Il raconte: « La veille, j'ai dormi trois ou quatre heures seulement. J'étais bouleversé mais concentré. Et très motivé. Je me souviens qu'à la fin des hymnes, j'ai tapé dans mes mains en disant quelque chose comme: allez les gars, on va gagner ». Et puis la vingt-deuxième minute est arrivée et Brown est entré dans l'histoire. « Avant Que Burruchaga tire le coup franc, j'ai embrassé ma médaille, celle que mon fils Juan Ignacio m'a donnée. Je me suis avancé. Pour sauter plus haut, je me suis appuyé sur Diego. Dieu a bien voulu Que je marque ». Un but qui rapporte gros et le voici en vidéo


Pour peaufiner sa légende naissante, José Luis Brown a été plus loin dans l'héroïsme. Il a joué malgré une blessure. Suprême cadeau de la providence Qui permettait au remplaçant de devenir un Champion du monde pas comme les autres : « C'est vers la fin de la première mi-temps que je me suis lait mal à l'épaule. En voulant contrer Rummenigge, je me suis lancé et je suis retombé violemment. La seconde période a été dure mais je ne voulais pas quitter mes camarades si près du but ».
Accusé d'avoir pris un risque en maintenant Brown sur le terrain, Carlos Bilardo dira : « Il n'est pas risqué d'aligner quelqu'un qui est prêt à mourir sur la pelouse ». Sa blessure, ce n'était pas du cinéma. Elle nécessitera au retour en Argentine quinze jours d'immobilisation. Un retour qui restera pour toujours gravé dans la mémoire du défenseur argentin, Qui confie: « Je ne pourrai jamais oublier la joie des gens. Elle a amplifié la mienne. Depuis le 29 juin, le soir, je n'ai pas envie d'aller me coucher. Je veux profiter de chaque seconde de mon bonheur. J'ai peur qu'II ne disparaisse. Je ne réalise pas vraiment ». Ce qu’il réalise parfaitement, c'est que les propositions d'engagement affluent maintenant de toutes parts. L'indésirable d'hier est l'objet de toutes les convoitises. Dès le lendemain de la finale, le FC Cologne avait mis trois millions de francs sur la table. Valence est ensuite venu à la relance. Les clubs argentins se sont soudain pris de passion pour leur « Tata » et ceux de Colombie, dont Millionarios, se sont souvenu de celui qu'ils avalent rejeté. L'avenir de Tata Brown, si sombre deux mois avant son bu, s’est soudain dégagé. « Je connais trop bien l'oubli, conclut-II, pour ne pas laisser passer ma chance. Il n'est pas trop tard pour rattraper le temps perdu ». Et c’est ainsi que François IVINEC, président du Stade brestois et avec le concours de Michel-Edouard LECLERC, PDG des grandes surfaces homonymes, réalise l’un des coups les plus fumants de ce mercato post-mondial complètement fou en France. L’affaire est assez compliquée toutefois, pour résumé François YVINEC arrive à convaincre plusieurs industriels de la nécessité d’avoir un grand club à Brest et en premier lieu Michel-Edouard LECLERC. C’est ce dernier qui va largement s’occuper financièrement de la venue du champion du monde dans le Finistère (ainsi que de celle du brésilien Julio César).
Brest se dote ainsi grâce à l’argent des hypermarchés Leclerc d’une charnière centrale les plus désirées d’Europe mais connait aussi en retour les joies des caprices de stars. Ainsi notre « Tata » Brown réclame ¼ d’heure avant chaque match un café froid. Le libéro champion du monde effectue qu’une seule saison dans le Finistère et malgré des débuts chaotiques, il livre plutôt un exercice satisfaisant d’un point de vue personnel même si on ne verra jamais le petit plus qu’on était en droit d’attendre vis-à-vis de son tout nouveau statut. Et puis à la fin de la saison, comme rien n’était tout à fait clair sous la présidence Yvinec et il y a un conflit ouvert entre la présidence du club et ses financeurs. La principale raison de ce conflit tiens au fait que le club était sponsorisé par un groupe d'entreprises, la SODIBA (Société des Intérets du Brest Armorique) qui a voulu imposer ses "lois" et ses hommes à Yvinec. La famille « Leclerc », qui elle est à l’origine de la venue de Brown n’est pas en reste et accorde tout son soutient à l’entraineur en place Raymond Kéruzoré mais quand Yvinec vire KERUZORÉ, Edouard LECLERC part et reprend ses billes. Dans un tel nid, elle n’est pas folle la guêpe argentine et elle file en Espagne, à Murcie (il sera remplacé par Papa Higuain mais de ça on va en reparler dans les prochains jours). Une seule saison avant que le mal du pays soit trop fort. José Luis BROWN termine sa carrière au Racing mais le cœur n’y est plus et il raccroche au bout de quelques semaines. Depuis il a entamé une carrière d’entraineur et en 2009 il est nommé à la tête de la sélection U19 de son pays, avec quelques sujets de prestiges.
Il aurait pas un peu forci par contre ?

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