Le jour où Rob WITSCHGE mit fin à la carrière de Pape FALL

Il faut remonter à la saison 1987-88 et l’histoire entre les deux hommes est assez savoureuse je trouve, surtout l’anecdote finale. En fait il faut remonter le temps jusqu’au 6 avril 1988 et une demi finale de coupe d’Europe des Vainqueurs de coupes entre l’Olympique de Marseille et l’Ajax d’Amsterdam, tenante du titre. C’est le match aller et il a lieu au Stade Vélodrome qui, bien entendu, est plein à craquer. Rob WITSCHGE se souvient parfaitement de ce match si particulier pour lui. Pour Witschge le match a commencé dès l’entrée dans le couloir du stade avant de pénétrer sur la pelouse. Les joueurs de l’Ajax attendaient le signal de l’arbitre et Rob Witschge se souvient des vibrations du Vélodrome, mais surtout d’un brouhaha incompréhensible avec la voix nasillarde et hurlante du speaker du stade qui résonnait dans le couloir. Puis et surtout l’entrée sur la pelouse au son de la chanson de Rocky III « Eye of the tiger ». Pour les hollandais, ce sera le moment clé du match car ça va les décrisper totalement comme le raconte l’ancien stéphanois. « On savait que Marseille avait un nouveau président, Bernard Tapie qui voulait transformer le foot en spectacle. Les feux d’artifices ont explosés quand on a foulé la pelouse et la sono vomissait la chanson de Rocky. Ils voulaient qu’on rentre comme des boxeurs ? En tout cas nous on s’est marrés et c’est à ce moment que j’ai dit aux gars "On ne peut pas mal jouer ce soir ! ". En fait on a commencé le match totalement relaxé alors qu’en face ils étaient crispés comme pas possible ». Les faits donnent raison à WITSCHGE même si il est facile de fanfaronner des années après surtout quand le score vous est favorable mais il n’empêche que l’Ajax retourne aux vestiaires à la pause avec un score mérité de 2-0 grâce à un doublé de l’homme du jour, Rob Witschge. Côté marseillais cette mi-temps a eu de sacré dommages collatéraux et surtout pour l’arrière droit Pape Fall. Le défenseur sénégalais était en charge de l’ailier gauche de l’Ajax pendant les 45 premières minutes, il sera sorti à la pause et ne portera plus jamais le maillot marseillais. Sa faute avoir laissé filé dans son dos par deux fois un Witchge qui n’en demandait pas tant pour inscrire un fatidique doublé. Voici les deux buts en vidéos :


Quelques années plus tard, voici la ligne de défense de l’ex-marseillais mis au ban des accusés si rapidement : « On a un peu vite oublié que les actions venaient de l'autre aile, rappelle Pape Fall. Moi, je n'ai jamais été débordé, mais quand les centres sont arrivés, l'équipe a été prise à contre-pied et j'ai été devancé par l'ailier néerlandais. Après, on m'a tout mis sur le dos, j'ai servi de bouc émissaire, mais c'est toute l'équipe qui avait sombré, ne supportant pas la forte pression de l'enjeu ».

Sur le premier but ce n’est pas faux, pour moi le gros fautif est Claude Lowitz qui perd son ballon tout seul et qui roule parfaitement dans la course de Van ‘t Schip pour un centre parfait sur Witschge. OK là notre défenseur sénégalais il ne peut pas grand-chose. Par contre sur le second, sur le centre de Danny Blind, il est carrément pris de vitesse pas l’ailier de l’Ajax. En tout cas il rejoint l’analyse de son adversaire direct sur le fait que l’OM n’a pas supporté l’enjeu de cette demi-finale de coupe d’Europe. Pourtant jusqu’ici l’aventure phocéenne était un comte de fée pour Fall. International sénégalais et recruté au FGIB Dourbiel par Michel Hidalgo pour suppléer William Ayache en cas d’indisponibilité il aura sorti une quinzaine de match en championnat et cette sortie fût la 3ème en coupe d’Europe mais aussi la dernière. En tout cas si sa présence pour certains fût une surprise ce soir-là, ce ne fut pas le cas de Rob Witschge. Ce dernier raconte que dans l’avion, Ronald Spelbos (blessé, il était out jusqu’à la fin de la saison) l’avait briefé sur le jeu de Fall, lui qui était venu superviser l’OM lors des dernières sorties du club phocéen (accompagnant Bruins, l’entraineur adjoint de Johann Cruyff) et avait pu voir à l’œuvre le remplaçant de William Ayache. Voici ce que Spelbos dit à Witschge la veille du match dans l’avion : « Fall n’aime pas quand son attaquant reste accroché à lui, donc colle lui aux basques et quand les centres vont arriver tu n’auras qu’un pas rapide à faire pour te retrouver devant lui car il ne pourra pas et te suivre du regard et suivre le ballon ». Bien vu monsieur Spelbos, futur entraineur (NAC Breda, Vitesse Arnhem, FC Utrecht) car c’est exactement ce qui s’est passé à deux reprises. Mais l’histoire ne s’arrête pas là. Bon bien entendu l’Ajax ce jour-là gagna facilement avec un dernier but d’un tout jeune gamin nommé Dennis Bergkamp. Tiens d’ailleurs suite aux nombreux forfaits en défense de l’Ajax en cette fin de saison, Cruyff amena un gamin de 17 ans du centre de formation pour cette demi-finale, un certain Franck De Boer, fin de la parenthèse.

Non la fin de l’histoire trouve son épilogue trois ans après. Rob Witschge joue en France, il a signé à l’AS Saint-Etienne et s’intéresse au football français,  si bien qu’un jour de repos il part assister à un match amateur dans les environs de St-Etienne. Là il y a un mec qui s’approche de lui et qui lui demande « tu me reconnais ? », Rob Witschge répond que « non, désolé je ne vois pas » et là le mec lui répond « C’est moi Fall, de Marseille, j’ai joué contre toi en 88. D’ailleurs depuis je n’ai pas joué une seule minute de plus pour l’équipe. Tu sais ce Tapie c’était un sacré caractère ». Ce qui est marrant c’est que comme il l’a raconté à Witchge, Fall sans la moindre amertume relate cette aventure auprès des journalistes et pour lui cet épisode n’a pas été un cauchemar : « Ça reste un grand moment d'avoir joué une demi-finale européenne, avec l'OM, contre l'Ajax. Et je n'ai aucune amertume, aucun sentiment de revanche ». Pourtant malgré des débuts et des piges correctes avec l’OM, la carrière de Pape Fall s’est bien enterrée ce jour-là. On le verra la saison suivante à Caen mais il redescendra vite dans les divisions amateurs et finira sa carrière aux Etats-Unis à Cincinnati. Pourtant on l’a revu dans le paysage du foot français ces dernières saisons car depuis 2009 il est l’entraineur adjoint de Caen. C’est d’abord son ami Franck Dumas qui l’appelé pour remplacer Patrick Parizon puis il est resté en place quand Patrice Garande a pris la suite aux commandes du Stade Malherbe cet été après la relégation. En tout cas quand Witschge raconte l’histoire des retrouvailles au bord d’un terrain de CFA, je le trouve énormément respectueux de son ancien adversaire, car a aucun moment il ne lui fera la remarque « normal que je t’ai pas reconnu, la dernière fois qu’on s’est croisé t’étais toujours  derrière moi ». Avouez que cela aurait été petit.

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