JO 1984, la France médaille d'or

Los Angeles 1984 - Le temps s’est arrêté un soir d’août dans la chaleur californienne, le temps s’est suspendu pour le football français en cette année 84 qui a vu atteindre un sommet inviolé, et réaliser un incroyable doublé. Championne d'Europe avec Hidalgo, championne olympique avec Michel, c'est la France qui ne sait plus où donner de la tête et qui se demande si c'est bien à elle que tant de bonheurs arrivent. « Année merveilleuse ! On ne peut pas rêver mieux. Joie, réussite, récompense. » C'est Henri Michel qui parle. « Tu vois mon rêve s'est réalisé ». Albert Rust nous hèle et nous rappelle ce rêve qu'il avait raconté un matin, à Annapolis, alors que la France s’apprêtait à rencontrer le Qatar : « Quand j’ai regardé Platini monter dans la tribune présidentielle pour recevoir le trophée de champion d’Europe, je me suis vu montant sur le podium pour recevoir la médaille d’or » C'est l'année où, en France, les rêves deviennent réalité, où l'accumulation des succès met presque mal à l'aise. Rust, le maillon, spectateur-acteur de l'européen, et pionnier en Californie Le long ruban bleu a fait le tour du monde. Sastre (président de la FFF) se défend « Non, non, nous ne sommes pas les meilleurs du monde il faut encore travailler Et il ne faut pas oublier les clubs » Les clubs qui ont prêté leurs joueurs de bon cœur mais qui y ont trouvé leur compte. Cela a coûté 750 000 Frs de dédommagement à la Fédération. Ils vont récupérer des héros qui n'en reviennent pas. D'autres non plus. Un journaliste norvégien s’approche d'Henri Michel el lui dit « J’ai du mal à y croire. Ce n'est pas la même équipe qui a joué contre la Norvège lors du premier tour ». C'est la même cependant et tellement différente. Dans le genre débuts difficiles, comment faire mieux ? Ils ont gros moral, les Français, quand ils débarquent à Annapolis, côte Est des Etats-Unis, mais si peu de moyens Vacances trop proche, entrainement foncier inadapté aux efforts de la grande compétition, ils buttent contre le Qatar, s'arrachent contre la Norvège, tremblent contre le Chili et se retrouvent enfin à Los Angeles sans trop comprendre comment, déjà bien contents d'être là. Quel rapport entre la France victorieuse du Brésil en finale et celle que le Qatar tenait en échec treize jours plus tôt ? Aucun, sinon quelques noms. Joueurs perdus, joueurs hagards. Joueurs soudés, joueurs inspirés. Moins de deux semaines pour une percée vertigineuse. Michel « La technique et le physique c'est bien mais c'est son moral qui a permis à ce groupe de réussir ».

Le voilà, le groupe, descendu de l'Olympe Chacun sa breloque, chacun sa médaille qui lui barre la poitrine. C'est Brisson qui d'abord ne comprend pas et puis qui se rend compte que tout cela est beau. C'est « Rust superlatif », qui n’arrive pas à jongler avec les mots, trop forts et répète à chaque journaliste sur on passage « Fabuleux. Génial ». Et celle coulée d'or, qui chamboule les esprits, emporte des bouffées de chaleur, de rires et de larmes. Bibard n'a pas tenu. Il pleure sur le podium. Michel fait son bilan « Douze matches, aucune défaite, toujours un but marqué ». Ce triomphe est aussi le sien au jeune coach. On ne nous l’a pas changé une fois les crampons raccrochés et Michel Hidalgo, lui rend hommage: « Equipe fantastique, homogène, volonté et talent. Coup de chapeau à Henri Michel qui a su lui Insuffler un esprit. » Gorge nouée, yeux qui piquent pour le nouveau ex-sélectionneur quand il parle de son successeur et qui conclue avec un « Ca semblait inaccessible ». Double historique qui rend hystérique quelques supporters égarés. La France, toujours la France. Echappée de la côte-est, elle se joue de l'Egypte et ridiculise la Yougoslavie trois jours plus tard durant un quart d'heure, le temps de lui marquer deux buts, puis se défait, se désagrège. Pourtant malgré l’expulsion d’un yougoslave, la France déjoue et se fait remonter à 2-2. Avec la chaleur les nerfs yougoslaves explosent et un 2ème joueur voit rouge. La prolongation se pointe à l'horizon. A 11 contre 9 au bout d'une caricature de football, l'ogre rend l'âme et la France valide son billet pour la finale avec deux buts de Guy Lacombe et Daniel Xuereb aux 106ème et 119ème minutes. Cette équipe de Yougoslavie, elle allait encore le prouver en battant l'Italie pour la 3' place, était la mieux préparée du tournoi, peut être la plus forte, mais elle n'a pas gagné malgré le talent d’un gamin Dragan Stojkovic, pourtant déjà présent lors du championnat d’Europe en France un mois plus tôt (Voir le sujet Euro 1984 : Un gamin nommé Dragan STOJKOVIC). Voici les buts de cette demi-finale épique :


Pour gagner cette année, il faut porter le maillot français. La finale arrive. Le Brésil en face aborde un esprit revanchard : « C'est la finale qui nous a été volée lors de la Coupe du monde 1982 » déclare le sélectionneur brésilien, Jay Picerni. L’argument est assez fallacieux, car le Brésil ne s’est pas fait voler, il s’est fait éliminer pris à son propre jeu (voir le sujet : Comment le Brésil n’a pas été champion du monde 82). Et puis le Brésil n'est rien d'autre que l'équipe de l'international de Porto Alegre, renforcée par un meneur de jeu de Flamengo.

La France elle a une stratégie en cette finale, d’abord faire la tortue puis sortir les griffes une fois l’orage passé. Une mi-temps derrière et l'autre devant. A la reprise, magnifique tête et but de Brisson: « J'ai fait de l'athlétisme quand j'étais plus jeune. J'ai participé aux Championnats de France cadets de triple saut. J'avais sauté 14,50 mètres voilà pour la détente ». Ceci explique cela car il est vrai que sur ce but, Brisson vole au dessus des défenseurs brésiliens ; qui décidément ont bien du mal à contrer le jeu de tête des français au football, n’est ce pas Zizou ? Et ça continue encore et encore comme chantait Cabrel. Coup de pied et but de Xuereb : « J'ai su, dès que Bijotat a frappé, que le gardien relâcherait le ballon. J'ai suivi, j'ai tiré, j'ai marqué ». Dire qu'il y en a qui croient que c'est difficile de gagner une médaille d'or ! Du chemin de croix au chemin de rose, la France olympique trace la voie de l'exploit, et faut-il le dire, relègue Platini, Fernandez, Giresse, Tigana et l'Europe au rang des souvenirs en cette fin d’été. « Sur un nuage » dit Hidalgo. Mais quel nuage? On ne voit que du bleu, du bleu intense, du bleu pur. « On ne sait plus comment on va redescendre sur terre» dit Hidalgo. « Au Coliseum, dit Bijotat, on avait la chair de poule lors de la remise des médailles aux athlètes, alors imaginez ce que cela a été quand c'est nous qui avons reçu les médailles. » Bijotat c'est le « mec plus ultra » (comme le chante Michel Blanc cette-fois ci) de l'équipe.

C'est aussi le problème du football français qui cantonne certains de ses meilleurs éléments dans des rôles secondaires. On comptait sur Touré, mais Touré s'est blessé. Bijotat est apparu. Apparition miraculeuse. Un grand meneur de jeu qui nait sous nos yeux d'abord incrédules, puis émerveillés. La médaille au cou, il prend tout de haut: « J'ai rigolé quand j'ai lu que j'avais épaté les journalistes. Je ne pense pas avoir joué au-dessus de mon niveau, mais la presse a fait plus attention à moi ». Bon en insistant un peu, en grattant un chouïa les journalistes obtiennent des aveux plus sincères du joueur de Monaco : « Je n'avais pas joué depuis longtemps à ce poste. Je suis plus fait pour lui, quand je suis bien physiquement. Mais ma vraie place c'est numéro 8. Un 8 peut être un grand meneur de jeu alors que le 10 est plus un buteur. Il est vrai aussi que lorsque je joue en 10 je marque plus. Trois matches en 10, ça m'a ouvert les yeux. J'étais bien à ce poste avec des gars pareils autour de moi ». Bijotat ne veut faire de peine à personne. Disons-le pour lui. La France compte un grand numéro 10 de plus et déjà que ça se bouscule au portillon chez les A mais ceci est une autre histoire. Les Olympiques ont disparu après ce titre et encore Bijotat : « C'est triste, c'est une fin. Nous étions une bande de copains, toujours contents de nous retrouver. Nous allons nous disloquer ». Il parle encore de ce match de Murcie, première étape (1er match des éliminatoires pour les Olympiques en Espagne et victoire 1-0 des bleus). Moments de folie qui créèrent une équipe. Michel aussi se souvient de Murcie: « Je pense à ceux du départ. A Pilorget, à Rubio aussi, qui faisait la transition avec ceux de Montréal. A tous ceux qui étaient à Murcie et qui ont acquis là-bas l'esprit olympique. » Remember Murcie, Jeannol : « Ce premier match a tout fait éclater. On s'est demandé ce qu'on faisait là, au milieu de cette foule hostile et indisciplinée. Michel en a profité pour cimenter un groupe. Puis tout s'est enchaîné ». De Murcie au podium. Le grand voyage et une mentalité.

Lacombe, l'homme de Bochum (dernier match de poule et victoire 1-0 face à la RFA avec ce but de toulousain), l'homme de la prolongation face à la Yougoslavie. Encore un type en or : « On était plus amateur que certains. » Une façon de dire plus professionnel. On pense aux basketteurs rongés par les problèmes et l'indiscipline. On pense à tous ceux qui ont vu Los Angeles. Eux n'ont rien vu. Ils ont travaillé et sont allés au stade. Ils ont vu des podiums, toujours recommencés. Ils ont mémorisé l'or comme en d'autres temps leur grande sœur mémorisait l'altitude. Maintenant que c'est fait, ils se posent des questions. Que vont-ils devenir? Bijotat: « Sans avoir la grosse tête, je pense à l'équipe A. Mais il y a beaucoup de super-joueurs.» Les voilà orphelins. Jeannol fantasme: « Nous venons d'entrer dans les annales et dans la légende, au moment même où nous devons nous séparer. J'espère que lorsque nous aurons terminé notre carrière professionnelle, nous nous retrouverons tous pour disputer des matches. J'espére qu'avant nous pourrons tous revenir ici en vacances avec nos femmes. Los Angeles, c'est fabuleux. Nous n'avons rien vu. Nous avons gagné, on va peut-être nous considérer comme des héros, mais notre seul souvenir, c'est la médaille ». Immense souvenir. Ecrire l'histoire. Juan Samaranch, président du CIO, était aux côtés de Joao Havelange, lors de la remise des décorations. Une présence symbole. Les professionnels reconnus comme membres à part entière de la famille olympique. Ils sont là, corde au cou, médailles au bout. D'autres suivront qu'ils ne connaissent pas. Hommes étrangers, hommes de sport, hommes d'argent. Ils ont roulé pour eux. Ils ont roulé pour d'autres. La France est d'ores et déjà qualifiée pour les Jeux Olympiques de Séoul en 1988 en tant que tenante du titre. Allons, le temps ne va pas s'arrêter. Il va avancer. Secondes, minutes, heures, jours, mois, années. Et bientôt 1988 avec deux titres à défendre mais pour Michel, le plus important est le mondial mexicain et il sait qu’il pourra compter sur certains de ces médaillés d’or pour renforcer le groupe champion d’Europe et partir à la conquête du graal en terre Aztèque.

Voici les champions olympiques 1984, avec leurs précieuses médailles d'or autour du cou pour une photo historique. En haut de gauche à droite, Albert RUST, Michel BIBARD, Henri MICHEL (Entraîneur), Philippe JEANNOL, Michel BENSOUSSAN. Au milieu : Jean-Christophe THOUVENEL, Dominique BIJOTAT, José TOURE, Jean-Louis ZANON, William AYACHE, Jean-CLaude LEMOULT. En Bas : Patrick CUBAYNES, Guy LACOMBE, Patrice GARANDE, Jean-Philippe ROHR, François BRISSON, Daniel XUEREB.
Et bien sûr sur Old School Panini, l'hommage avec cette belle planche et les 16 médaillés d'or avec leurs clubs avant de partir à L.A :
Pour conclure voici un petit résumé de la finale avec les deux buts de Brisson et Xuereb et les commentaires sarcastiques de Didier ROUSTAN:

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