SCHUMACHER, le peuple français aura ta peau

9 juillet 1982, lendemain difficile en France et réveil avec la gueule de bois pour tout le pays après ce match dantesque à Séville. La France ne disputera pas sa première finale de coupe du monde après un scénario hitchcockien mais la faute à qui ? Et oui la faute à qui ? C’est un mal, pas seulement français, mais il faut toujours trouver un bouc émissaire à une chose qu’on ne peut expliquer. Alors le bouc émissaire au lendemain de cette élimination inimaginable à 3-1, il est tout trouvé : le gardien fou Harald Schumacher ! La haine française va alors ressortir tambour battant contre le voisin allemand, 14-18, 39-45, tout va retomber sur Harald « Tony » Schumacher. Bien sûr le gardien allemand  a eu un comportement qui a dépassé la correctionnelle lors de la demi-finale. Comme il l’avouera dans son autobiographie en 1987, "Coup de sifflet", le gardien allemand confesse comme pour expier ses crimes que lui et ses coéquipiers allemands étaient chargés avant le match. Les joueurs de la Manschaft auraient pris de l’éphédrine, dont le premier symptôme est de développer l’agressivité. Voilà pourquoi Schumacher a chargé Didier Six violemment coude en avant, le poussant même juste après, sous les yeux de l’arbitre qui ne lui donnera même pas un carton jaune alors que c’était la sanction minimum.
Ensuite il y a son comportement constamment agressif sur le terrain vis-à-vis des joueurs français mais aussi vis-à-vis des spectateurs, avec des gestes d’hostilités non sanctionnés par l’arbitre. Et puis il y a cette 57ème minute où il envoie, volontairement, Patrick Battiston à l’hôpital.
Et puis surtout c’est qu’après cet attentat, Schumacher va remettre de l’huile sur le feu, comme il le dira plus tard il le regrettera mais trop tard le mal était fait :  « Après les tirs au but, je fais la fête avec mes coéquipiers, qui m'encerclent. Puis je suis sollicité par un journaliste francophone qui m'annonce que Patrick (Battiston) a perdu deux dents. Spontanément, je lui réponds que, pour me faire pardonner, je lui paierai des couronnes. Perdre deux dents, ça arrive dans le foot. Mais il n'y avait aucune moquerie de ma part, aucune provocation. Avec le recul, je conviens que j'ai eu une réaction idiote. Mais il n'y avait ni moquerie ni arrogance. En fait, j'étais soulagé qu'il n'ait perdu que deux dents, car le choc avait été très brutal. J'avais craint que ce soit bien pire, qu'il soit dans le coma. Mais j'étais alors dans un autre monde, il y avait tellement d'adrénaline en moi ». Ouais de l’adrénaline et surtout de l’éphédrine.

Les excuses arriveront trop tard et lui-même regrette des années après que la situation est dégénérée et qu’il n’est put ee rendre à l’hôpital au chevet de sa victime. Alors oui de tout ça Schumacher est coupable, oui il a participé à l’élimination des français mais à la limite plus par ses arrêts lors de la séance des tirs aux buts que lors de cette 57ème minute. Car la France ne se pas fait éliminer à la 57ème minute au contraire !! C’est avec la sortie de Battiston qu’elle a sorti les chevaux, comme si cette injustice, comme si de voir un des leurs quitté la pelouse sur le brancard les avaient révoltés. A partir de ce moment là le match devient à sens unique avec une équipe de France sublimée jusqu’au but de Giresse pour le 3-1. Mais ça l’opinion publique n’en a cure il faut un responsable et ce sera le bourreau de pauvre petit Battiston, petit soldat français abattu alors qu’il faisait son devoir et servait la patrie. Le flot de haine qui va se déverser sur Schumacher va aller bien plus loin que le cadre du jeu et du sport. Dans la presse on verra des titres sur le gardien allemand sans équivoque et qui n’ont plus rien avoir avec le football : « le tueur de français », « justice est faite » (après la victoire de l’Italie) et le plus grave à mes yeux, celui de ce sujet : « Schumacher, le peuple aura ta peau ». Et tout le monde y va même la presse non spécialisée avec pour comble ce pamphlet « guerrier » dans Paris Match du 23 juillet 82, sous la signature de Jean Cau (il faut le citer car il va loin le bonhomme) « Tout est guerre. De 1914 et de 1940. De 1982 où, pour la troisième fois en un siècle, la France rencontrait l’Allemagne dans un match capital et sur le champ de bataille de Séville. Je sais que nous dirons vite que, là,  c’était du sport, mais… Mais le fascinant, l’étrange et le troublant spectacle ! D’un côté, l’Allemagne dans la force et la puissance de ses divisions blondes et rousses. De l’autre, la France et ses héroïques "petits" ». Voici l’état du pays il y a 30 ans un lendemain d’une demi-finale à Séville. Des millions de français, qui rêvent, l’espace d’un instant qu’on guillotine la tête de Schumacher. On est loin de l’esprit sportif, il n’y a rien d’honorable et surtout il y a beaucoup de relent de racisme, bassement humain dans cette haine, cette haine de l’allemand qui ressort à la fin d’un match de foot. Cette haine est recrachée au visage de Schumacher, parce que les français n’ont pas encore digéré 14-18 et surtout 39-45 car si l’arbitre avait fait son boulot et que Schumacher ait été expulsé avant la 57ème minute,  la France aurait peut être joué la finale et là imaginons que ce soit Dino ZOFF qui envoie Battiston à l’hôpital, est-ce que la presse aurait demandé la tête du gardien italien place de Grève ? Schumacher a commis une faute très grave, il aurait du être sanctionné sur le terrain mais il n’a pas été le premier ni le dernier joueur à envoyer un autre volontairement à l’hôpital (Goikoetxea sur Maradona, Cantona sur Der Zakarian, Roy Keane sur Haaland….). Cet acte de Schumacher a été malheureux et surtout la situation a été trop loin,  d’autant que sa famille et lui-même reçoivent depuis le retour d’Espagne des lettres de menaces. Schumacher et son agent décide alors de faire une rencontre avec Battiston pour ne pas envenimer une situation. Patrick Battiston, en homme intelligent accepte la proposition du clan Schuamcher : « j'ai accepté la proposition du manager de Schumacher d'organiser une réconciliation. Je ne me suis pas posé la question de savoir si c'était bien ou pas. Personnellement, je n'aurais pas cherché à faire la démarche. Mais cela a apaisé tout le monde ».
On peut dire ce que l’on veut de Schumacher mais il reste un grand gardien et un homme honnête. Il a confessé ses crimes, avoué ses regrets mais plus important que tout il s’est racheté une conduite. A chaque fois qu’il reviendra en France, match amical en 1983 + championnat d’Europe en 1984, il ne répondra pas aux provocations et fera son métier sans fioritures et avec exemplarité pour un professionnel. Lui-même traumatisé par son acte et de tout ce qui en a découlé, il a voulu se racheté une conduite après son 8 juillet 1982 et 4 ans plus tard, lors du mondial mexicain, il a voulu montrer aux yeux du monde entier qu’il avait changé. Rangée son agressivité inutile envers les adversaires, Schumacher veut être un modèle pour les jeunes sportifs et il devient même fair-play, on se souvient tous de son geste en ¼ de finale face au Mexique où il aida Hugo Sanchez victime de crampes.
Schumacher à appris de ses erreurs et c’est là le plus important. Comme le disait le philosophe Eric CANTONA, « on a le droit de faire une connerie mais on n’a pas le droit de refaire deux fois la même ». Un dogme qu’a parfaitement appliqué Harald Schumacher.

P.S : Dans le France Football spécial 30 ans du France-RFA 1982, on y apprend une anecdote amusante sur Schumacher qui peut expliquer son comportement totalement barjot pendant plus de deux heures sur la pelouse de Sanchez Pizjuan. « Avec Schumacher et Littbarski, nous nous sommes retrouvés coincés dans l'ascenseur, raconte Klaus Fischer. Il y avait beaucoup de clients de l'hôtel avec nous, notamment des femmes qui ont commencé à paniquer. Au bout de quelques minutes, Schumacher a entrouvert la porte de toutes ses forces, entre deux étages. Il était fou de rage, chaud comme la braise. » Fischer lui-même est énervé, à en croire Littbarski : « Nous étions serrés les uns contre les autres et il a fallu attendre plus d'une quinzaine de minutes qu'on nous sorte de là. Klaus était très nerveux, il voulait se battre. » Mais le bus les a attendus. L'incident a-t-il perturbé le gardien? Arrivé au stade, il s'aperçoit qu'il a oublié son maillot à l'intérieur du bus. « Le bleu ciel, celui qui me portait chance et que j'enfilais toujours. Le bus était parti. J'ai mis quelques minutes à m'en remettre, j'étais décontenancé, tendu. Et j'ai dû enfiler un maillot rouge, le même qu'Ettori. Mais, avec mon short bleu, je ne ressemblais à rien ». Vous voyez en fait Schumacher est un grand sensible et parce que son short n’était pas assorti à son maillot il a vu rouge !

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