Mo JOHNSTON, le traitre

Dans le dernier sujet on évoquait la fin des Glasgow Rangers. Mais une disparition des Rangers voudrait aussi dire la fin du Old Firm ! Le match qui met aux prises l’une des plus grandes rivalités historiques du football. Un antagonisme qui dépasse de loin le cadre du rectangle vert car les Rangers est le club des protestants tandis que le Celtic lui est celui des catholiques. Or il y un homme qui va élever cette rivalité jusqu’au firmament, l’ex-nantais Mo JOHNSTON. Mo JOHNSTON on le connait bien en France mais le bonhomme a eu un sacré parcours. Né à Glasgow au sein d’une famille catholique, le petit Maurice débute dans un autre club catholique de Glasgow, Patrick Thistle. A 18 ans il fait ses grands débuts en Scottish League et ne vas pas y aller par 4 chemins pour faire parler de lui, il se contente d’enfiler les buts. 41 buts en deux saisons, c’est pas mal du tout pour un gamin qui n’a pas encore soufflé ses 20 bougies. De l’autre côté du mur d’Hadrien, la très riche ligue anglaise voit d’un bon œil ce jeune espoir et c’est le prometteur club de Watford présidé par le célèbre Elton JOHN qui rafle la mise. Watford qui a une jeune histoire au plus haut niveau anglais compte sur Mo Johnston pour remplacer l’étonnant Luther Blisset parti au Milan A.C (Pour ceux qui ne connaissent pas Luther Blisset et le premier mouvement des Anonymous qui a pris son nom, je vous conseille la lecture du sujet : Le Luther Blisset Project. Histoire incroyable). 

Mais revenons à notre écossais fraichement débarqué dans la banlieue londonienne. Mo réalise parfaitement son examen d’entrée et avec 23 buts il est l’une des fiertés écossaises qui brillent tant dans le championnat anglais. Mo Johnston devient un joueur majeur à 21 ans et est appelé logiquement en sélection. Fort de ce nouveau statut il rentre au pays mais par la grande porte, lui le catholique signe dans le club de ses rêves, le Celtic de sa ville natale ! Mo JOHNSTON va devenir une star, l’idole du Celtic Park ! Pour sa première saison, le Celtic remporte la coupe, Mo plante 14 fois en 27 matchs. La saison suivante il inscrit 15 pions en 32 rencontres, pas terrible  certes mais le plus important c'est qu'il permet au Celtic de ravir le titre de champion à l’ennemi juré. Nous sommes à la fin de la saison 1985-86 et arrive le mondial mexicain où Mo Johnston va pouvoir se frotter aux meilleurs attaquants du monde. Sauf que… Sauf qu’il n’avait pas prévu une chose, c’est l’arrivée en urgence d’Alex Ferguson à la tête de la sélection. Ferguson entraineur de M.U, fait une pige exceptionnelle après le décès du sélectionneur Jock Stein. Ferguson est fermement décidé à conjurer le mauvais sort qui frappe la sélection au chardon en coupe du monde. Réputés pour leur sympathie mais aussi pour un certain penchant à faire la fête, les écossais s'évaporent habituellement en même temps que les vapeurs d'alcool (voir le sujet sur les produits peu miraculeux des écossais pendant la coupe du monde 78, où les écossais n’emmenèrent pas moins de 38 caisses de whisky). Cette fois, Alex Ferguson a prévenu l'ensemble de la délégation: « Boire ou passer, il faut choisir » (ça c’est du slogan). 

Mo JOHNSTON en tout cas va lui découvrir que quand Ferguson fait une déclaration ce ne sont pas des paroles en l’air et qu’il ne badine pas avec l’autorité. Tout se passe à la fin de l’année 1985, Ferguson vient juste de reprendre l’équipe (match en décembre et Stein est décédé en septembre). L’Ecosse est en stage de préparation pour leur match de barrage face à l’Australie pour aller au Mexique. Au cours du stage les consignes de Ferguson sont claires, zéro incartade. Mo Johnston lui fera à sa guise, sortant le soir et rentrant à l’hôtel, où les écossais séjournaient, tard dans la nuit (ou tôt dans la matinée, c’est comme vous préférez). Pincé par un des assistants de Ferguson, il s’en est suivi une très vive altercation entre les deux hommes. Alex FERGUSON tranchera dans le vif, tant qu’il sera sélectionneur, Mo Johnston ne portera plus jamais le maillot écossais et regardera le mondial mexicain depuis son salon. Alex FERGUSON dans son autobiographie « Managing My Life » relate l’incident et dit qu’il avait déjà prévenu Mo JOHNSTON (ainsi que son co-équipier Frank McAvennie) auparavant, dans une précédente incartade. Les deux hommes après une soirée bien arrosée avait trouvé de bon ton de finir la soirée en compagnie de jeunes femmes aux vertus assez légères, Ferguson avait alors distribué son premier carton jaune avant l’épisode en Australie. La légende de Sir Alex FERGUSON était déjà en route…

Un an après la coupe du monde Mo Johnston veut lui changer d’air, alors que de nombreux clubs sont sur les rangs il s’intéresse au championnat français. Il faut dire qu’après la coupe du monde notre division 1 est la ligue la plus attractive d'Europe après le Calcio. Ainsi au printemps 1987 Mo Johnston se rend à Nantes et visite les installations de la Jonelière. Une entrevue avec Jean-Claude Suaudeau mais qui ne donne pas suite immédiatement. Le tandem Budzinski-Suaudeau recherche de préférence un joueur yougoslave qu’un attaquant au style de jeu britannique (Politique de la maison + Halilhodzic legacy). Nantes est alors sur Radmilo Mihajlovic mais le club ne peut obtenir de dérogation pour signer le jeune homme qui n’est pas libéré par la fédération yougoslave. Nantes revient alors sur son premier choix et Mihajlovic deux ans plus tard ira au Bayern de Munich pour la petite histoire. Le moindre qu’on puisse dire avant la saison 1987-88 c’est que l’arrivée de l’écossais ne transcende pas Suaudeau. L’entraineur nantais le décrit ainsi : « Johnston en bon attaquant britannique, n’est certes pas brillant dans le style, mais ne possède pas un jeu simpliste pour autant. En fait, avec ce genre de joueur, c’est tellement simple que ça devient efficace. De plus, il est animé d’une grande disponibilité qui fait qu’il pèse beaucoup sur la défense adverse ». Pour ses grands débuts à la Beaujoire (2ème journée) Mo Johnston n'oublie pas qu'on a jamais deux fois l'occasion de faire une bonne première impression et il inscrit le seul but de la rencontre face à Brest à la 59ème minute. La saison de l’écossais ne sera pas évidente car il est toujours difficile de s’adapter à Nantes (voir les sujets sur Gadocha ou Oscar Victor Trossero) d’autant que le FC Nantes a perdu de sa superbe, 10ème seulement à la fin de l'exercice et un Coco Suaudeau qui jette l’éponge. C’est pour ça qu’avec 13 buts le bilan de Mo Johnston est plus que convenable. Dans un championnat devenu ultra-défensif, JPP le meilleur buteur culmine au sommet des goléadors avec seulement 19 réalisations, Mo Johnston termine 4ème meilleur buteur de division 1. La saison suivante voit arrivé Miroslav Blazevic comme entraineur mais cela ne change pas grand-chose. Mo Johnston a plus de difficultés et ne marque que 9 buts. Le football français ne lui réussit pas et il va lui faire payer. Dans les qualifications du mondial 90, l’Ecosse et la France se retrouvent dans le même groupe. Ainsi le 8 mars 1989 dans le mythique Hamden Park, l’Ecosse va faire mordre la poussière à la sélection de Platini qui peut dire adieu à ses espoirs de qualifications. Le bourreau des français ? Mo Johnston, par deux fois il trompe Bats pour un succès 2-0 plein de saveur pour le héros du jour. Voici ces deux buts, à noter sur le premier la position de Luc Sonor qui remonte tel un escargot pour mettre l’attaquant nantais hors-jeu et sur le second dans la boue d’Hamden Park une jolie « Arconada » pour Bats : 



Mo Johnston désormais souhaite quitter la France et aspire à un retour au Celtic de Glasgow qui lui fait miroiter un beau contrat et là, alors que tout semble être conclu, Mo Johnston va effectuer un retournement de veste magistral, l’une des plus belles trahisons de l’histoire du foot. Le transfert de Figo de Barcelone à Madrid est anecdotique à côté de l’impact du passage de Johnston, le catholique, chez l’ennemi juré les Rangers, club des protestants ! Dans un documentaire sur le Old Firm il y a quelques années je me souviendrais toujours de ce témoignage d’un écossais, fan du Celtic, vivant aux Etats-Unis. Le mec disait que son frère dès qu’il a appris la nouvelle dans les journaux du matin l’a appelé, avec le décalage horaire il l’a réveillé en plein milieu de la nuit. Le témoin raconte alors qu’il pensait que c’était grave, que ça concernait la famille mais c’était pire dit-il, mon frère m’avait appelé en plein milieu de la nuit pour m’annoncer la trahison d’un des nôtres ! Ce témoignage résume tout !! Mo Johnston est seulement le second joueur catholique à signé au Rangers depuis la seconde guerre mondiale et encore le premier était un joueur de seconde zone et surtout il ne venait pas du Celtic ! Les fans des deux clans sont abasourdis ! Alors que les Rangers lancent leur campagne d’abonnement de nombreux fans spontanément se réunissent devant les boutiques, le siège du club et brûlent leurs écharpes aux couleurs du club protestant. En face c’est pire ! Les fans du Celtic ne pardonneront jamais à leur ancienne idole, qu’ils affublent d’un sobriquet en français dans le texte : « le petite merde »

Ce surnom vient du fait que Mo Johnston avait juré qu’il ne reviendrait pas au pays après son passage en France, les fans contrairement à lui n’ont pas la mémoire courte apparemment et tiennent à lui rappeler avec ce nouveau nickname. Mais comment on en est arrivé là ? Tout simplement à cause d’un Mo Johnston lassé de ces deux années de galère à Nantes dans le ventre mou du championnat français, un championnat pas rigolo où les 0-0 sont rois. Alors qu’il sait qu’un retour en Ecosse lui serait plus lucratif par rapport au marché français si imposable, il privilégie l’aspect pécunier au challenge sportif et ne s’en cache pas. Chez les Rangers, le nouveau manager, le légendaire Graeme Souness qui a joué en sélection avec Mo Johnston apprend l’intérêt tout particulier de son ancien co-équipier. Souness bien qu’il ait terminé sa carrière aux Rangers n’est pas une figure emblématique du club, il a grandi en Angleterre et le dit clairement « du moment qu’un joueur est assez bon pour revêtir le maillot du club peut importe quel a été son parcours auparavant ». Du coup les Rangers rentrent dans la course et propose un contrat en or pour Johnston qui ne se le fait pas dire deux fois pour signer chez l’ennemi juré. Le passage d’une ancienne gloire des Celtics chez l’ennemi juré fait mal aux fans des verts et blancs mais en plus sous une seule motivation pécuniaire, cela devient impardonnable. Graeme SOUNESS quelques années après admettra que cela avait été une erreur malgré le bon bilan sportif de Johnston au Rangers mais le sport dans cette histoire n’avait plus grand-chose à faire. Souness dans son mea culpa dira : « C’est vrai, on a blessé les supporters du Celtic en signant Johnston, c’était une erreur de notre part. Personnellement j’étais marié à une catholique et mes enfants étaient catholiques, jamais je me suis dit que les différences de religion pouvaient avoir autant d’importance pour les gens ». Mo Johnston ne restera que deux saisons du côté d’Ibrox Park. Avec un bilan de 46 buts en 100 rencontres et deux championnats gagnés en deux saisons le bilan est plus que bon mais surtout il va réussir à se mettre le public des Rangers dans la poche dès son premier Old Firm sous sa nouvelle tunique. Match serré, crispé et 0-0 jusqu’à la 89ème minute, quand Mo décide de se rappeler au bon souvenir de ceux qui l’ont descendus en flèche : 


Il inscrit le seul but de la rencontre et les « petite merde » ont du fleurir dans les travées des supporters des Celtics. Mo Johnston par la suite, ira en Angleterre (Everton mais sans passer à Liverpool après, il a sûrement médité de ses erreurs) puis retour en Ecosse dans des clubs plus modestes avant de terminer aux Etats-Unis. C’est d’ailleurs aux USA qu’il effectue sa reconversion en entrainant en MLS. Jusqu’en 2010 il sera entraineur de l’équipe de Toronto mais depuis son renvoi en septembre 2010 on a plus trop de nouvelles. En tout cas il restera à jamais comme le joueur qui a marqué tout l’antagonisme existant autour du Old Firm, un antagonisme qui va dépasse largement le cadre du simple jeu.

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