Mexico 86 : Zbigniew BONIEK

Saison 1985-86, l’ordinateur de la fédération italienne de football avait programmé pour le 16 mars la vingt-cinquième journée du championnat. Indéniablement, le sommet du championnat entre l'A.S. Roma et la Juventus de Turin qui polarisait l'attention de tous les amateurs de football de l’autre côté des Alpes. A plus d'un titre d'ailleurs : d'abord elle donnait aux Romains l'occasion de battre enfin son rival turinois, ce qui n'était plus arrivé depuis le 17 décembre 1978 ; ensuite un succès des « Giallorossi » relancerait le championnat, enfin, et c'est ce qui nous intéresse, un match dans le match (non moins passionnant) puisqu'il allait opposer deux amis dans la vie, Michel Platini et « Zibi » Boniek. Ami dans la vie mais comme vous allez le voir dans le sujet qui suit, un Boniek qui a la dent dure contre les dirigeants de la Juventus et qui ne mâche pas ses mots, même à l’encontre de Platini, même si il ne l’accuse de rien directement. Voici la présentation d’une future vedette de la coupe du monde 86, Zbigniew Boniek juste avant le coup d’envoi du mondial. Du côté du Stadio Olimpico, la célèbre arène romaine, était devenue, depuis septembre 1985, le fief de Zbigniew Boniek, le Polonais de Rome le plus célèbre à l’époque après le pape Jean-Paul II. La période d'adaptation à sa nouvelle équipe, à un autre environnement, allait être relativement longue. Mais au mois de décembre, le « Cavallo Matto » (le « Cheval fou ») de la Juventus allait devenir la coqueluche du public romain. Complètement métamorphosé, Boniek allait largement contribuer à la spectaculaire remontée de l'A.S. Roma, qui revenait à trois longueurs de la Juventus. Cinq buts en cinq matches, il y avait longtemps que cela ne lui était pas arrivé. « Il Ciclone » (nouveau surnom de Boniek à Roma qu’il n’est pas besoin de traduire), est en train d'effectuer sa meilleure saison dans le Calcio. Le jour du sommet face à la Juve, les tribunes étaient archicombles. Une foule bariolée, toute acquise aux « Giallorossi ». L'ambiance extraordinaire était annonciatrice d'un spectacle grandiose. Les supporters locaux n'eurent pas à attendre longtemps pour libérer leur enthousiasme, puisque dès la quatrième minute, le « vieux » Graziani, d'une magnifique tête plongeante, donnait l'avantage à l'A.S. Roma. Boniek se démenait comme un beau diable. 

Il avait à cœur de briller contre ses anciens partenaires. A la fin du premier quart d'heure, dans son style percutant, il transperçait la défense turinoise pour venir buter sur Tacconi. Malheureux dans la finition, le Polonais allait se révéler au milieu de terrain, où il accomplit un travail de titan. Certes, il ne fut pas en réussite dans ce match bien particulier, s'élevant rarement au-dessus de ses partenaires. Mais la Roma c'est une véritable équipe où l'homogénéité prime sur le talent individuel. Tout est au service de la collectivité. On joue pour l'équipe et non pour soi. Le résultat est éloquent et se passe de commentaire. Et ce n'est pas la Juventus qui le contredira. Cela faisait longtemps qu'elle n'avait connu pareille humiliation. Un véritable calvaire pour la troupe de Michel Platini en cette période de carême (Victoire 3-0 au final de l’AS Roma). Le lendemain, à froid, Boniek savourait sa joie d'avoir joué un bon tour à ses anciens partenaires: « Je suis heureux aujourd'hui d'avoir contribué au succès de mon équipe, et même si je n'ai pas marqué, je pense avoir rempli ma part de travail. Cette victoire, j'en rêvais depuis de longues semaines. C'était très important pour le moral. Mais quel dommage que nous ayons laissé échapper deux points à Vérone la semaine précédente, sans cela le titre serait aujourd'hui à notre portée. » Tout cela est dit avec calme, sans animosité dans les propos. Pourtant Boniek se trompe car au lendemain de cette victoire la Roma va enchainer les succès et doubler la Juve à 3 journées de la fin pour se placer en tête du calcio. Et pourtant ! Et pourtant l’AS Roma ne sera pas championne cette année là, laissant filer un scudetto dans un des plus incroyables retournements de situation en Italie. Après avoir relevé l’insurmontable en rattrapant et dépassant la Juve, l’As Roma va laisser filer le scudetto en s’inclinant 3-2 au Stade Olympique face à Lecce puis en s’inclinant lors de l’ultime journée à Come. La peur de gagner qui fait chuter les romains face à deux des équipes les plus modestes du calcio (Lecce dernier de série A et Côme qui l’a été une bonne partie de la saison). Fin de la parenthèse sur cette saison romaine pleine de paradoxes. 
Le chapitre Boniek-Juventus lui est définitivement clos. C'est de l'histoire ancienne. A Rome, une nouvelle vie a commencé pour « Zibi » et sa famille. A Turin, bien qu'il fût souvent le principal artisan des succès de la Juventus en matches de Coupe d'Europe, il évoluait dans l'ombre de Michel Platini. Mais il n'a aucun regret : « C'est vrai qu'avec la Juventus j'ai remporté les plus grands succès comme le Scudetto, la Coupe et la Coupe d'Europe des Champions par exemple. Que pouvais-je espérer d'autre sinon renouveler les mêmes succès. Mais ils n'auraient plus la même saveur. Lutter pour les mêmes trophées, c'est un défi, certes, mais dans une autre équipe, une autre ville, un autre environnement. C'est mon but et l'une des principales raisons de mon départ de la Juventus. » Quelles furent alors les autres raisons? Boniek ne veut pas trop s'étendre sur la question. 

Cependant, quand on le pousse dans ses derniers retranchements, il finit par avouer: « Ce qui me chagrine, c'est qu'on n'ait pas apprécié mes services à leur juste valeur. Car je pense avoir mérité davantage de reconnaissance après mes matches de Coupe d'Europe où j'ai fait pencher la balance plus d'une fois, mais ce sont les autres qui ramassaient les lauriers. A la Juventus tout gravitait autour de trois personnes, le président Boniperti, l'entraîneur Trapattoni et bien sûr Michel Platini. J'avais parfois l’impression d'être de trop, la cinquième roue du carrosse, en sorte.» Sollicité par tous les grands clubs européens, Boniek a finalement choisi le club du sénateur Dino Viola. Ce dernier a dû débourser pour cela 12 millions de francs. De cette façon, la Juventus était rentrée dans ses frais, puisque c'est le montant qu'elle avait réglé à la Fédération polonaise en avril 1982. Bonne opération, donc. A Rome, la famille Boniek habite un luxueux appartement, meublé avec beaucoup de goût, qui est situé dans le quartier résidentiel de la Ville éternelle, à deux pas de la célèbre Villa Borghese. Véritable coin de paradis On comprend mieux les raisons qui ont guidé le Polonais dans son choix. Mais pourquoi Rome, justement? « J’avais une dette envers ce club, confie Zibi. Il y a cinq ans les dirigeants m'avaient invité à Rome avec mon épouse. Nous étions même parvenus à un accord. Il ne restait plus qu'à obtenir l'aval de la Fédération polonaise. Mais Agnelli, le président de la Juventus veillait au grain. Et comme sa société avait des ramifications en Pologne, il avait fini par convaincre les autorités polonaises de me céder à son club. Bien sûr, si je l'avais vraiment voulu, je serais resté sur mes positions, mais je ne voulais pas envenimer les choses et compromettre peut-être la suite de ma carrière. Et puisque mon pays avait à gagner dans cette transaction, pourquoi ne pas l'aider ? Ainsi trois ans après, c'est un juste retour des choses. Je crois avoir fait un bon choix. Car Rome était l'équipe la plus indiquée pour réaliser mes plans. La mieux, armée aussi pour rivaliser avec la Juventus. Je reste sensible au charme de cette ville. Sa chaleur humaine, qui contraste avec la froideur des gens du nord de l'Italie. » En effet nulle part il ne passe inaperçu dans la ville éternelle, les commerçants sortant même dans la rue pour saluer leur nouvelle idole. Il ne fait aucun doute qu'en quelques mois Boniek est devenu le nouveau roi du football romain. « Si je devais comparer la Juventus et la Roma, confie Zibi, je dirais que le premier, c'est la rigueur bon chic, bon genre, tandis que le second c'est la décontraction même. La joie du succès est nettement plus vive à Rome. Mais cela est dû aux mentalités différentes. Au nord, on est plus ordonné, plus organisé, au sud, les gens ont plus de tempérament. » 

En venant à Rome, Boniek a pris une année sabbatique avec la Coupe d'Europe. Mais cette compétition ne semble pas trop lui manquer: « J'y jouais depuis huit ou neuf ans 'sans interruption, d'abord avec Widzew Lodz, puis avec la Juve. D'ailleurs, mon appétit n'en sera que plus aiguisé, puisque plus rien ne pourra nous empêcher de disputer la prochaine édition, pas la Coupe des Champions car la Juve est inaccessible, mais la Coupe de l'UEFA, ce qui suffira pleinement à notre bonheur. » Et sur ce qu'ils ont démontré dans le match au sommet contre la Juventus, les Romains sont capables de viser haut. Avec Tancredi, Ancelotti et Pruzzo, la Roma possède de sérieux atouts. Sans oublier l'entraîneur, le suédois Sven Goran Eriksson, dont les méthodes sont une véritable découverte pour Boniek : « Eriksson nous a imposé une tactique offensive, qu'aucune autre équipe du Calcio ne pratique, et comme nous avons une grande confiance dans ses méthodes, nous respectons à la lettre ses consignes. Et cela donne d'excellents résultats puisque nous avons la meilleure attaque du lot. Notre style plaît à tout le monde. Et, bien que les débuts en championnat aient été difficiles, nous n'avons jamais désespéré. Et aujourd'hui Eriksson récolte le fruit de son travail. Sans vouloir polémiquer, je dirai qu'à Rome je me suis véritablement épanoui, je me sens moi-même, tant sur un plan humain que sur un plan professionnel ». Cela dit, Boniek a gardé d'excellentes relations avec ses ex-coéquipiers de la Juventus, notamment Michel Platini, avec qui il a passé le réveillon de fin d'année. Rome est une ville plus animée que Turin, les tentations plus grandes, mais Boniek ne craint pas d'être pris dans l'engrenage de la dolce vita romaine. Comme on peut le constater Zbigniew Boniek, qui a fêté le 3 mars dernier ses trente ans, est un homme accompli. Pour le moment il ne veut pas trop se disperser dans d'autres activités, mais croyez-nous, l'.ami Zibi est bien trop rusé pour laisser dormir son capital. Il ne se considère pas comme un homme riche, pourtant: « Je me rends compte de la valeur de l'argent, néanmoins je n'y attache pas une importance démesurée. D'autre part je ne suis pas riche au point de ne pas savoir le montant de mon compte en banque ».

Toujours la tête sur les épaules, l'ami Zibi. Pourtant, il y pense à son avenir. Il envisage même sérieusement de mettre un terme à sa carrière internationale (il compte 72 sélections) après le Mundial mexicain. Une décision mûrement réfléchie et prise en commun accord avec Wieslawa, son épouse. Cela nous amène tout naturellement au chapitre de la Coupe du Monde où la Pologne sera présente pour la quatrième fois consécutive. On connaît les Boniek, Mlynarczyk et autres Smolarek. Mais est-ce suffisant pour jouer les premiers rôles ? « Jamais notre pays n'a abordé cette compétition dans un rôle de favori, déclare Boniek. Il en sera encore ainsi cette fois, d'autant que nous serons sérieusement handicapés en jouant le premier tour à Monterrey! Notre groupe est certainement le moins bien loti. Mais je pense qu'un stage en altitude au mois de mai, quelque part dans les Alpes certainement, devrait en partie résoudre ce problème épineux. Quant à l'équipe, je pense qu'elle sera compétitive car, outre la vieille garde, elle peut compter encore sur Buncol, toujours régulier et sur les nouveaux ». Zibi ne croit pas beaucoup à la France : « Les Français sont très vulnérables loin de leur Parc des Princes fétiche, comme on a pu s'en apercevoir en RDA ou en Bulgarie. Pour moi, les favoris du Mundial, ce sont surtout la Hongrie et la République fédérale d'Allemagne. Ces deux équipes m'ont fait la meilleure impression dernièrement. On parle beaucoup des pays sud-américains, de l'Italie et de la France, en se basant surtout sur leur passé. Mais le passé ne compte pas, seul le présent compte ». Zbigniew Boniek s'est révélé pendant la Coupe du Monde 1978 en Argentine, en marquant deux buts contre le Mexique. Quatre ans plus tard, il fut l'un des meilleurs joueurs, et quatrième buteur, du Mundial espagnol, avec quatre buts. Continuera-t-il sur sa lancée? Affaire à suivre tout l’été sur Old School Panini et le site dédié Mexico 86 

 P.S : Il s’agissait d’un portrait de Zbigniew BONIEK avant la coupe du monde 1986, mais sur le forum de foot Nostalgie vous pouvez trouver une bio plus complète, de mon ami, l’épatant Pascal, spécialiste s’il en est du foot polonais. Le topic Zbigniew BONIEK

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