Le jour où l’Europe à découvert SCHEVCHENKO

Andriy Shevchenko (ou Chevtchenko) vient de raccrocher définitivement les crampons et se lance dans une nouvelle carrière, celle de la politique. A l’heure du bilan, difficile de dresser un portrait de ce joueur immense, ballon d’or 2004 et qui a tout gagné avec le Milan AC. Alors plutôt que de se lancer dans un sujet dantesque et exhaustif sur sa carrière j’ai préféré revenir sur un match. Celui qui le fera connaitre aux yeux du monde entier où un soir de novembre 1997, à tout juste 21 ans, le jeune Andriy Shevchenko allait inscrire un triplé en une mi-temps au Camp Nou face à un Barcelone atomisé 4-0 finalement devant son public. Le Dynamo de Kiev à cette époque vivait une période pleine d’espoir avec le retour du maitre à bord, le grand Valery Lobanovski (Voir le sujet l’URSS 1986-88 l’œuvre de l’architecte Lobanovski). Dans un tout nouveau championnat d’Ukraine, le Dynamo grâce à une génération exceptionnelle de jeunes joueurs ukrainiens domine la scène nationale, sans trop de concurrence à l’époque c’est vrai. Champion national, la jeune équipe découvre la ligue des champions avec bien des difficultés n’arrivant pas à se qualifier pour les phases de poules jusqu’à l’aube de la saison 1997-98. En éliminant les danois de Brondby, Kiev se qualifie enfin pour la phase de poules et avec un passé très loin en coupe d’Europe se retrouve dans le dernier chapeau. Au menu que des gros morceaux avec le PSV Eindhoven, Newcastle et surtout le FC Barcelone dirigé par Louis Van Gaal. Avant de recevoir le Barça, Kiev amorce bien son entrée dans la compétition en allant gagné 3-1 à Eindhoven (1 but de Schevchenko) et en concédant un nul à la maison face à Newcastle 2-2 (un but de Schevchenko). Ainsi avec 4 point en deux journées, le Dynamo attend confortablement Barcelone dans son arène du stade Olimpiski. Ce soir là par une température glacière, Barcelone coule une première fois 3-0 ! Cette victoire est un coup retentissant et on parle tous déjà du retour magique de Lobanovski aux manettes. 15 jours plus tard, le 5 novembre 1997 c’est l’heure de la revanche en Catalogne. La pression est énorme sur les épaules de Louis Van Gaal et toute la presse espagnole ne parle que d’une chose, de laver l’affront subit dans le blizzard des plaines ukrainiennes ! Seulement ce soir là, le public du Camp Nou va découvrir un futur grand d’Europe ! La mi-temps est sifflée sur le score de 3-0 pour les visiteurs avec 3 buts signé de ce gamin, cet inconnu Andriy Shevchenko.  Voici ses trois buts et cette mi-temps parfaite :



Jusqu’à ce soir de novembre 1997 Shevchenko pour les ukrainiens c’était le patronyme du plus grand poète du pays, une figure dans la culture ukrainienne mais à partir de ce match, Andriy va supplanter son homonyme comme ambassadeur de l’Ukraine dans le monde entier, devenant en 2004 le 3ème joueur ukrainien a gagné un ballon d’or après Blokhine et Belanov. Au final le Dynamo de Kiev l’emporte 4-0 à Barcelone et finira premier de sa poule. En revanche Kiev se fera éliminer en ¼ de finale face à la Juve de Zidane et Deschamps. Arrachant un bon match nul à l’aller en Italie, les ukrainiens pécheront par manque d’expérience au retour et se feront piéger 3-1 par des italiens faisant parler le métier. L’année suivante tous les clubs d’Europe se précipitent pour attirer dans leurs escarcelles la pépite venue d’Ukraine mais Shevchenko veut rester au Dynamo, marqué justement par les exploits de ses glorieux ainés qui ont remportés des coupes d’Europe avec le Dynamo (C2 en 1975 avec Blokhine et 1986 avec toujours Blokhine mais aussi Belanov), le jeune Andriy a des rêves encore plus grand, gagné avec son club formateur la plus prestigieuse des coupes d’Europe ! La saison suivante, le Dynamo de Kiev est redevenu un grand d’Europe ! Le club de Lobanovski termine premier de sa poule devant Lens et Arsenal et élimine en ¼ de finale le grand favori de l’épreuve, le tenant du titre, le Réal Madrid. 1-1 à Santiago Bernabeu avec un but de l’inévitable Schevchenko et une victoire 2-0 en Ukraine avec là aussi un doublé de Schevchenko qui avec ses 3 buts vient d’éliminer la meilleure équipe d’Europe ! En demi-finale Kiev donne une leçon de football au Bayern de Munich mais oublie qu’un match se joue 90 minutes ! Alors que sur sa pelouse du stade Olimpski, les ukrainiens dominent 3-1 à 10 minutes de la fin, les joueurs de Lobanovski continuent d’attaquer et se font reprendre en fin de match 3-3 pour un scénario ressemblant au Séville de 1982. Au retour les allemands s’imposent 1-0 et brisent le rêve des ukrainiens, qui avaient fait un pacte de rester encore ensemble une saison de plus. A la fin de cet exercice tous ces brillants joueurs vont monnayer leurs talents dans les clubs les plus riches d’Europe. Rebrov signe à Tottenham, Luznhy à Arsenal et Andriy Schevchenko lui signe au Milan AC. En Lombardie le jeune ukrainien est présenté comme le nouveau Van Basten et malgré le poids de cet héritage, Schevchenko va devenir un des meilleurs joueurs de la planète mais ceci est une autre histoire…

Mexico 86 : Brésil - Espagne : 1-0

Vainqueurs de l'Espagne avec un minimum de talent et un maximum de réussite, les Brésiliens vont sans doute trouver dans cette courte victoire les ferments d'une union sacrée qui leur faisait défaut jusqu'alors. Dégagés des obligations d'un match piège, ils se posent en favoris du groupe. Malgré l'injustice d'un but refusé mais parfaitement valable, l'Espagne se retrouve dans une position qu'elle avait sans doute envisagée et qui n'est pas celle d'un condamné. Telle est la situation du groupe D à l'issue de cette première rencontre marquée pas de lourdes fautes d'arbitrages, pas les dernières.... 

C'était il y a seize ans sur la même pelouse du stade Jalisco de Guadalaraja. L'Angleterre d'un côté, le Brésil de l'autre : Banks dans les buts anglais et puis Pelé en face. Pour un coup de tête magistral du roi. Entré dans la légende. Sur ce coup-là, il y a seize années. Banks était parti du bon côté. Et le bon Gordon de Stoke City avait lancé dans l'air une phrase devenue référence. Anodine apparemment, mais juste et intelligente. « Pelé a marqué, dit l'Anglais ce jour là, mais moi j'ai effacé ce but. » (voir le sujet sur Gordon BANKS, l'arrêt du siècle). C'était seize ans. Au même endroit. .. Ce dimanche 1er juin à 13 h 00, heure locale (ah les impératifs des télévisions européennes), au stade de Jalisco, l'histoire a eu le hoquet. Un sale renvoi plutôt. Le ballon est au point de corner. Espagnol. Il s'envole, est renvoyé en catastrophe dans les pieds de Michel. Un astucieux contrôle permet au milieu de terrain madrilène de se placer en position de tir. Légèrement désaxé. Le ballon fuse de son pied droit comme il avait fusé du crâne de Pelé il y a une éternité et s'en va heurter le dessous de la barre transversale avant de rebondir une trentaine de centimètres derrière la ligne de but brésilienne. 20 cm selon la TV brésilienne à la pointe du modernisme à l'époque avec son analyse informatique en 3D ? (je sais pas si on peut appeler ça de la 3D) Il n'y a plus de Banks pour effacer l'inévitable. Seulement Carlos, un gardien d'un autre trempe que le légendaire portier anglais. Non il n'y a pas de Banks, mais, cette fois, il y a une paire d'arbitres pour faire le travail. C'est moins glorieux, ça n'a plus rien à voir avec le mérite sportif. Mais le résultat est le même. Il n'y aura pas de but accordé à l'Espagne ainsi qu'en ont décidé MM. Barnbridge, Australien, et Socha, Américain et juge de touche.


Bon si vous n'avez pas trop confiance dans les images numériques de la TV Brésilienne, voici un cliché, à l'ancienne, pour vous faire une idée :

Première injustice d'un Mundial qui en verra d'autres rassures-vous et des plus énormes. Une injustice, ça ne se répare pas. Ça se subit. Les malheureux espagnols ce jour-là vont pourtant payer double note. Après qu'Edinho se soit vu justement refuser un but inscrit avec le poing - tout n'est quand même pas lamentable au royaume des arbitres - c'est le Brésil qui allait leur passer devant le nez. A noter qu'à ce moment du match les débats étaient plus que houleux, Michel et Edinho sur le corner ont failli en venir au main après que le meneur madrilène est taclé le capitaine brésilien dans la surface et que celui réclamait le penalty. Premier incident chaud entre les deux joueurs puis sur le corner Edinho marque du poing et s'en tire sans carton jaune, s'en est trop pour les espagnols qui sentent bien que le match va leur échapper indépendamment de leurs meilleures volontés eux qui dominent pourtant les brésiliens dans le jeu. Voici la série d'incidents en vidéo et à la fin Edinho s'en sort sans avertissements, je crois que ça reste le plus incroyable :


Et comme si c'était écrit d'avance leurs pires craintes vont se réaliser avec un pied de nez, au passage. C'était Careca (le meilleur brésilien assurément), cette fois qui expédiait la balle sous la barre de Zubizarreta. Mais là où les Espagnols avaient été volés, les Brésiliens trouvèrent le moyen de se sauver grâce au crâne de Socrates qu'on disait pourtant rongé par la cigarette et les spaghetti. Mais là où est le comble c'est que Socrates sera bel et bien hors jeu sur ce but, en effet au moment de la frappe, il est sur la même ligne que les défenseurs espagnols hors à l'époque pour ne pas être hors-jeu il fallait se trouver derrière le dernier défenseur. La délégation et la presse espagnole n'en demande pas tant pour s'en donner à cœur joie dès la rencontre terminée sur ce score de 1-0 peu flatteur pur les brésiliens et si injuste pour les espagnols. Voici le but de Socrates et encore cette magnifique palette 3D de la TV brésilienne :

Par la petite porte entrouverte par un directeur de jeu australien qui, on va dire, supportait mal les 1 567 mètres de Guadalaraja, les Brésiliens sont entrés dans le Mundial. Et on les voit mal désormais laisser échapper la qualification pour les huitièmes de finale. Mieux, ils ont désormais tous les atouts dans leurs pieds pour terminer à la première place du groupe D et poursuivre leur chemin à Guadalaraja, ainsi que le souhaite ardemment Tele Santana. Mais au-delà d'un incident de jeu qui fera beaucoup parler à la télévision mexicaine où le ralenti n'est pas une denrée rare on n'en sait pas beaucoup plus sur le vrai potentiel d'une formation aussi bancale dans ses jambes. A Jalisco, les Brésiliens ont fait un peu mieux que ce qu'on attendait vu leurs dernière tournée européenne (voir le sujet Mexico 86 : Présentation du Brésil). Mais ils sont encore tout de même à cent mille lieues de la formation de 1982. Après ce match dans les journaux nombreux étaient ceux qui s’interrogeaient sur ce Brésil sans saveur, sans Zico qui rentrera peut-être au prochain match contre l'Algérie et qui seul dans le groupe possède le pouvoir d'accélération si redoutable au Mexique, sans Falcao seulement entré en fin de rencontre, sans Dirceu, Leandro, Cerézo, Oscar, absents ou malades, sans Eder et sans ailiers un peu fous mais un peu géniaux aussi, le Brésil 1986 n'a que le climat et son expérience pour se sortir d'affaire.

Ce brésil manque cruellement aujourd'hui d'imagination autour de Casagrande qui a traîné sa peine dimanche. « Le Mundial sera peut-être ce que le Brésil veut en faire », disait un journaliste mexicain avant le début de la rencontre. Tandis que le soleil tapait dur sur Jalisco, longtemps après le but de Socrates, cette face cachée de la compétition est restée en suspension. Comme l'hymne brésilien bizarrement disparu lors de la présentation des équipes, comme les trois ou quatre actions menées par Careca et Muller. Inachevée. Et les Espagnols, les grands perdants de la journée ? Ils ont été battus par une décision de non sens. Ils se sont un peu battus eux-mêmes aussi. Il fallait voir tout au long d'une première mi-temps soporifique, Miguel Munoz bondir de son banc de touche dans l'espoir de pousser ses joueurs vers le but brésilien. Geste désespéré. Parce que les Espagnols craignaient visiblement leurs adversaires. Et ils avaient sûrement tort. Parce qu'ils furent les premiers dans la compétition à souffrir de la chaleur et de l'altitude réunies. On a vu cependant là que sans la pression qui était sur leurs épaules, il y a quatre ans, ils ont les moyens de bien se comporter. A condition de se libérer et de jouer sur des atouts offensifs qui ne sont pas négligeables, avec Butragueno en tête de liste, l'attaquant qu'il faudra suivre de près dans le groupe D et après... Mais est-ce que le résultat de Jalisco bouleverse fondamentalement les données du groupe D ? 

Quel visage pour ce 2ème Brésil version Télé Santana ?

Si l'on osait on pourrait presque dire que, tout en conservant le schéma tactique et le style qui firent sa force en Espagne, il y a 4 ans, le Brésil de ce Mundial mexicain ne ressemble plus tout à fait à son prédécesseur. Schéma tactique d'abord : toujours dessiné en 4-4-2 avec deux arrières centraux (Edinho et Julio César) grands, solides et bons de la tête, et deux défenseurs latéraux : Edson et Branco volontiers transformés en attaquants de débordement, surtout le second. Un milieu à quatre joueurs qui se répartissent les tâches de façon équilibrée, deux défensifs (Elzo et Alémao), deux offensifs (Junior et Socrates) et enfin une attaque formée à deux pointes avec Careca et Casagrande qui sont eux aussi complémentaires, le second ayant toute fois manqué son entrée, lourd et brouillon il a souffert de la comparaison de son alter-égo en attaque. Antonio Careca, malheureux et malchanceux 4 ans auparavant et qui a failli manqué une fois de plus la coupe du monde (voir le sujet Careca et la vieille sorcière) a été et de loin le meilleur brésilien sur la pelouse. Vif, rapide, explosif, imprévisible il a été un poison pour la défense espagnole qui n'a pas hésité à sortir la boite à tacles sauvages pour l'arrêter. Comme sur cette action de la première mi-temps où on peut voir toute la puissance de Careca dans ses accélérations. 

Dans le jeu ensuite : toujours basé sur le travail de la cheville qui permet à Junior des dribbles pivotants extérieurs ou, chez Socrates, des passes longues brossées, toujours riche, surtout en tentatives constantes de une-deux, spécialité dans laquelle les brésiliens restent les maîtres incontestées. Car même brouillons, ces joueurs ont un touchés de balle, une relation avec le cuir qui est une marque de fabrique. L'importance de la souplesse de la cheville pour toujours donner de l'effet au ballon, surtout quand le jeu s'accélère et que ça joue à une touche de balle.

Le problème c'est que contre l'Espagne, la Séléçao n'a pas paru être en mesure de multiplier ses phases. Du coup on a assisté pendant 90 minutes à un jeu somnolent où le travail sur place et les échanges apparemment inutiles pour endormir l'adversaire (mais aussi le spectateur) avait pour seule issue un réveil brutal que seul un dribble, un seul démarrage, un seul une-deux pouvait faire sonner brutalement. Mais ce vrai visage brésilien on l'a vu qu'en fin de rencontre surtout quand les espagnols ont baissé les bras alors que successivement ont leur ait refusé un but valable et qu'ils en ait encaissé un hors-jeu. En somme, le Brésil de 1986, n'a plus ce qu'avait le Brésil de 1982, mais il a ce que n'avait peut-être pas celui du mondial espagnol à contrario pour aller chercher la victoire finale. Et puis surtout la grande différence entre ces deux Brésil se nomme : ZICO. Attendons de voir cette équipe avec son maître à jouer pour voir si le plan de Télé Santana réussira avec ce durcissement défensif et ce réalisme qui a tant manqué en terre espagnole.

P.S : Pour voir les notes France Football, l'analyse de la rencontre par Jean-Michel LARQUE et el diaporama HD de la rencontre, cliquer sur ce lien :  Mexico 86 : Brésil - Espagne : 1-0

Alesandro ALTOBELLI, fuoriclasse sur le tard

Voilà des années qu’on considérait Sandro Altobelli comme l'un des attaquants  les plus complets de son  temps. Jean-Louis Campora ne dira pas le contraire lui qui pourrait témoigner de l'insistance avec laquelle, depuis trois ans,  Jean PETIT son directeur sportif à l’AS Monaco essaye  de lui faire partager ce point de vue : « Altobelli à Monaco, ce serait sûrement la meilleure opération que tu aies jamais réalisée ». Peine perdue. Altobelli, qui aurait certainement fait un tabac au pied du rocher - perspective qui n'était d'ailleurs pas pour lui déplaire selon certaines de ses confessions, ne viendra jamais en France et ça nous ne le regretterons jamais assez. Les choses étant ce qu'elles sont, Sandro ne pouvait d'ailleurs que gagner à poursuivre sa carrière sous le maillot nerazzurro et il est, du reste, le premier' s'en féliciter, lui qui est désormais une légende dans l’histoire riche de l’Inter de Milan. Un moment, rappelle-t-il, j'ai eu envie de changer d'air. « L'atmosphère de San Siro devenait proprement irrespirable pour moi. Les tifosi, qui payent leur place et qui ont bien le droit d'exprimer leur point de vue, ne me pardonnaient plus la moindre faute. Toutes nos erreurs offensives me retombaient sur la tête. Alors oui, c'est vrai, je serais parti n'importe où ». Mais à l’aube ce cette coupe du monde 86 c’est une ère nouvelle commence à l’Inter, avec Trapanoni pour guide, Altobelli se sent revivre. « Le moment me semble venu pour l'Inter de tirer enfin tout le parti souhaitable des investissements opérés depuis deux ans par le président Pellegrini. Avec Passarella et Manteolli en plus, vous verrez que nous ne resterons plus. la remorque comme cela a encore été le cas cette saison. En ce qui me concerne, j'ai l'impression d'avoir d'un seul coup rajeuni de dix ans. Tout ça parce que j'ai trouvé en la personne d'Enzo Bearzot le conseiller, le confident et le psychologue qui m'a davantage compris et encouragé que tous les autres réunis. Je ne connais pas un homme au monde qui sache autant que notre "commissaire"technique, prêcher la solidarité, la confiance, l'esprit de groupe, l'union sacrée. La presse et l'opinion publique ont beau passer leur temps à contester ses choix ou sa compétence, nous savons parfaitement, nous autres joueurs, que Bearzot est, depuis de nombreuses années, l'homme de la situation, le seul qui puisse tirer le maximum - et il l’a prouvé – de notre Squadra toujours controversée ».

Vous pouvez en parler avec n'importe quel sélectionné azzurro : tous, sans exception, vous tiendront le même genre de propos à l'endroit du sélectionneur. Et il est vrai, pour ce qui concerne Altobelli, que sa carrière n'aurait pas été ce qu'elle est s'il n'avait trouvé auprès de Bearzot toute la compréhension, toute la patience, toute la persuasion dont il avait besoin pour s'exprimer, pour donner au fil des saisons la pleine mesure de son talent. « Sans doute me manquait-il, au départ, le culot ou le caractère qui font tomber toutes les barrières devant vous. J'étais plutôt du genre discret et j'avais un peu trop tendance à me renfermer sur moi-même quand quelque chose allait de travers. C'est sans doute ce qui a retardé mon évolution et je suis grandement redevable à Bearzot d'avoir fini par me libérer de ces complexes. Mais, dans un autre ordre d'idées, je ne regrette rien, car cette façon de grandir tout seul m'a appris beaucoup de choses. Entre autres que, dans la vie, il faut d'abord compter sur soi-même, qu'on ne devient véritablement un homme accompli qu'au prix de certaines souffrances, de quelques sacrifices. Et puis, quoi de meilleur pour la progression d'un sportif de haut niveau que de s'être fait tout seul, sans brûler les étapes, au besoin en se remettant complètement en question? ... » Considéré sous cet angle, le cas Altobelli, qui n'a jamais trop passionné les Italiens, et pour cause, prête effectivement à méditation. Ainsi peut-on dire par exemple qu'il y avait un monde entre l'Altobelli qui élimina Nantes de la Coupe des champions en 1981 et celui qui remit ça, cinq ans plus tard, en mars dernier (A ce titre voir les deux sujets : Nantes-Inter de Milan 1981 et Nantes-Inter de Milan 1986). Et pourtant, le style ondulant, la force de frappe et de pénétration, la vivacité d'anguille, l'élégance dans le jeu n'avaient pas varié d'une once. Simplement, « Spillo » (son surnom en Italie qui veut dire le clou) était un autre homme, voilà tout. Un homme davantage conscient de sa valeur et de son pouvoir. Un joueur davantage conscient de ses responsabilités, en un mot le « Monsieur Plus » qu'il n'était pas toujours à l’âge de vingt-cinq ou vingt-sept ans. Quand même, Altobelli n'a pas eu jusqu’à présent la notoriété de certains autres attaquants italiens qui ne lui arrivaient pas à la cheville et la revanche qu'il est en train de prendre depuis quelques mois prend en l'occurrence la forme d'une justice du ciel. Enfin! L'avant-centre de l'Inter est apprécié à sa juste valeur par les journalistes. Enfin! On admet qu'au contraire de Rossi, de Serena, de Graziani et de tant d'autres, qu’il est capable de tout faire sur un terrain: aussi bien créer, improviser, orienter la manœuvre, porter ou garder la balle selon les cas et, a fortiori, conclure. Sous n'importe quel angle, quelle que soit sa position, à droite, à gauche, au centre, en l'air, des deux pieds, de la tête, en mouvement ou en pleine course, témoin son but spectaculaire contre la Bulgarie, sur changement d'aile de son compère Di Gennaro.

Tout à la fois premier buteur et première attraction de ce Mundial qui commence, Sandro porte maintenant à penser qu'il sera bien l'une des individualités marquantes de la campagne mexicaine. A 30 ans bien sonnés (il les a fêtés en novembre 85). Notez bien que dans la vie de tous les jours, « Spillo » a su mener adroitement sa barque. Il n'a jamais voulu déroger par exemple â ses habitudes de Brescian tranquille, refusant péremptoirement de vivre quotidiennement l'existence stressante des Milanais et préférant accomplir chaque matin 200 km d'autoroute pour rallier le camp d'entraînement de la Pinetina, à Appiano Gentile et ce pendant 11 saisons !

Il avait découvert Brescia, la souriante cité lombarde où il habite une belle villa avec sa petite famille, quand il fut engagé en 1974 par le club local de série B. Et, depuis, il n'a plus voulu partir. Il y a d'ailleurs pignon sur rue - une petite entreprise dont s'occupe son beau-frère - et il n'y compte que des amis. Il fait constamment la navette entre Brescia, Milan et Appiano Gentile depuis presque 10 ans. Et dire que la carrière de ce grand méconnu qui fait aujourd'hui la une des journaux du monde entier, aurait tout aussi bien pu s'arrêter à  Sonnino, petite bourgade de la région romaine où il est né. Sans le boucher de la famille qui le recommanda' un ami dirigeant de la Latina, club de série C de la province du Latium, il ne serait sans doute jamais sorti de son trou. Il était alors, comme il dit, si timide et si peu ambitieux et pourtant, à entendre ceux qui l'ont approché quand il était cadet à Sonnino, il avait déjà le football et les buts dans le sang. Et si au Mexique la Squadra, trouve sous l'impulsion de « Spillo » la réussite offensive qui lui a tant fait défaut ces dernières années, elle pourrait retrouver le chemin de la finale. Altobelli qui en 1982 n'était pas alors un titulaire à part entière, ne serait pas contre après avait porté le coup de grâce à l'Allemagne effondrée, en réussissant un fort joli troisième but, il se verrait bien à nouveau marquer dans une finale de coupe du monde.

Et en cadeau, la planche avec toutes les vignettes Panini de la carrière de Sandro Altobelli :

Mexico 86 : Italie - Bulgarie 1-1

Ah ! le beau match d'ouverture! Habitué depuis plus de vingt ans à des joutes inaugurales de Coupe du Monde plutôt mièvres et le plus souvent insipides, cet Italie-Bulgarie a rompu avec l'écrasante et pesante tradition du 0-0, Au-delà du score (1-1) qui ne reflète absolument pas la physionomie de ce premier match du Mundial 86 au Mexique, c'est surtout la qualité du jeu déployé par les Italiens qu'il faut retenir. De tous les champions sortants, c'est sans doute cette Italie, en ce 31 mai 1986, qui a le mieux négocié ce bal d'ouverture. Un bal de dupes, en vérité. Car, pour une fois qu'elle avait décidé d'ajouter du panache à son football, qu'elle contrôlait le match (but d'Altobelli, 43'), le ballon et l'adversaire bulgare, voilà qu'elle en oublie ses fondamentaux et se fait piéger - injustement - en fin de partie. A s'arracher les cheveux ! Où étaient passés ce jour-là les rois du réalisme? Ces Italiens, pourtant considérés comme des maîtres dans l'art d'exploiter la moindre faille dans les systèmes défensifs adverses, ont gâché au moins trois occasions que nous n'eussions même pas pardonné à nos joueurs français ! Pire, ils ont donc encaissé un but de Sirakov (85') sur lequel la défense parut étrangement absente et Galli le portier pas exempt de tout reproche. Le monde à l'envers! Et de quoi faire réfléchir Enzo Bearzot, le sélectionneur d'une Squadra Azzurra qui a tout de même confirmé ainsi qu'il faudrait encore compter avec elle lors de cette XIIIe Coupe du Monde. Même si ce yaourt bulgare lui restait en travers de la gorge ...

Analyse de la rencontre

L’événement du match on le doit à Alessandro Altobelli qui a réalisé un exploit jusqu'ici inégalé ! Il avait inscrit le dernier but de la coupe du monde 1982 en Espagne (Victoire 3-1 face à la RFA) et au cours de cette rencontre inaugurale, il vient de marquer le premier but du Mundial mexicain. Sur un coup franc à 43ème minute, l'avant centre de l'Inter de Milan plonge derrière la défense bulgare pour fusiller du plat du pied Mikhailov ! Et dire que l'avant-centre titulaire dans la tête de Bearzot au départ était le héros du Mundial 1982, Paolo ROSSI. Mais le ballon d'or 1982 est en cours de forme et c'est un Altobelli au sommet de son art qui va faire oublier l'enfant chéri des tifosis d'abord avec ce premier but



Des Azzuris Nouvelle Vague

On avait quitté il y a quatre ans une Squadra Azzura championne du monde et construite sur des piloris en béton. Elle était reine de la rigueur défensive et de l'opportunisme avec des gaillards comme Gentile, la sangsue qui passa le plus clair de son Mundial espagnol à coller à lap eau de ses rivaux les plus célèbres comme Zico ou Maradona et Paolo ROSSI, le braconnier qui devint roi des buteurs grâce à son flair et à son astuce plus que sur un jeu collectif construit. On a retrouvé à Mexico, le temps de ce match d'ouverture, une équipe italienne beaucoup plus libérée et entreprenante, une équipe presque offensive qui malgré son demi échec contre les bulgares, a laissé une bonne impression et montré de nouvelles possibilités, de nouvelles ambitions. Côté défense tout d'abord : la Squaddra Azzura 1986 évolue avec 3 défenseurs centraux et deux arrières latéraux beaucoup plus semblables à des joueurs du milieu qu'à des défenseurs : Scirea le libéro est donc escorté dans ses manœuvres par Vierchowod et par Bergomi, deux stoppeurs. Scirea a semble prendre beaucoup plus d’initiatives offensives qu'auparavant. Plus systématiquement, plus franchement aussi, puisqu'on le retrouva à la soixantième minute seul devant le gardien bulgare Mikhailov qui dut repousser en catastrophe le tir du capitaine italien. Une action qui est une merveille de remontée du terrain collective et à cent à l'heure, servi royalement par un Altobelli au sommet de son art. D'ailleurs le danger numéro 1 est venu des arrières transalpins plongeant au cœur de la défense bulgare et servi sur un plateau par un Altobelli plein de vista. Quand on voit ces deux actions on se demande encore comment les italiens n'ont pas réussi à doubler la mise :


En tout cas une équipe d’Italie au visage séduisant, avec des Vierchowood et Bergomi qui abandonnèrent le marquage à la culotte qui fit la gloire de Gentile et la légende du Catenaccio. Le milieu de terrain transalpin fût une merveille avec 4 hommes omniprésent et qui ont su occuper l'espace en un bloc compact, étouffant toutes les tentatives bulgares. A droite le nouveau joueur de Naples, De Napoli, véritable révélation de la rencontre. Omniprésent dans la récupération, il n'a pas hésité à monter aux avants poste et à prendre sa chance. Avec un peu plus de réussite il aurait pu être l'homme du match. Près de lui Di Gennaro travaille en finesse, en organisateur, en habile technicien du dribble et efficace sur coup de pied arrêté. Dans l'axe central, Bagni est surtout un ratisseur à la manière d'un Luis Fernandez. A gauche, c'est Cabrini qui profite de la liberté que lui accorde l'attaque adverse à deux éléments et penchant plus sur la gauche pour tenter de construire et de monter à l'assaut. En fait la seule déception a été l'ancien de 82, Bruno Conti, qui a paru sous la chaleur mexicaine paraître un ton en dessous de se camarades d'un point de vue physique et du volume de jeu. D'ailleurs le sélectionneur Bearzot le fera sortir dès le début de la seconde période au profit du jeune espoir italien Gianlucca Vialli. Et là c'est une équipe à trois attaquant qui va évoluer pendant plus d'une demi-heure, Vialli vent conclure un trident offensif très tranchant avec le remuant Galderisi et surtout le patron de l'attaque, Sandro Altobelli. La coupe du monde 86 vient de voir sa première vedette à l’œuvre. Outre son but, le premier de la compétition, Altobelli a brillé par sa clairvoyance, son élégance, son art de la remise et son jeu de tête, apporte des arguments supplémentaires au jeu des Azzurri « nouvelle vague ».

Le point du vue Bulgare

En conférence de presse, le sélectionneur bulgare, Ivan Voutsov, arrive devant les journalistes avec le sourire. Normal son équipe venait de prendre un point contre les champions du monde en titre après avoir longtemps cru qu'elle débuterait la compétition par une défaite « Ma formation a su répondre, déclara t'il d'entrée. Jouer contre le tenant du trophée en match d'ouverture, après 12 années d'absence en phase finale, c'est déjà une raison suffisante pour être satisfait de ce résultat. » Mais le technicien reprend sans se voiler la face sur les critiques dont fait l'objet son équipe et la pauvreté du jeu proposé pour ce 1er match. Car logiquement après les éliminatoires et avoir notamment fait plier la France, on pouvait espérer autre chose de la part de Dimitrov et ses camarades, Voutsov répond : « Si ce score constitue une bonne opération pour nous, le plus dur reste à venir. Bien entendu, nous gardons l'espoir de participer, mais je pense qu'il faudra mieux jouer ». Bien sûr en bon membre de l'administration communiste, le sélectionneur bulgare refuse de donner son opinion sur ses individualités et c'était évidemment le groupe qu'il convenait de féliciter. Enfin la conférence de presse fût curieuse car le sélectionneur bulgare se mit à remercier le public. Pourquoi ? Parce que tout simplement les 100 000 spectateurs su Stade Aztèque on fait des bulgares leurs chouchous et adressés aux italiens, de la 1ère à la dernière minute des sifflets et quolibets. La raison m'est inconnue mais c'est flagrant sur l'égalisation bulgare à quelques minutes de la fin. Écoutez l'acclamation du public sur le coup de tête de Sirakov, on croirait que le match se passe à Sofia.


Maradona spectateur

Diego Maradona s'est montré impressionné par l'Italie lors de ce match d'ouverture lui qui était venu en spectateur attentif. Cette Squadra Azzura l'a séduit, même si elle ne s'est pas finalement imposée après l'égalisation des bulgares : « Je pense que les italiens ont été pris à leur propre piège. Après avoir ouvert le score, puis gâché des occasions très nettes de buts, ils ont voulu préserver le résultat, comme d'habitude. Le manque de fraîcheur physique de Conti et Cabrini notamment a été fatal ». Tout en soulignant qu'Enzo Bearzot avait eu raison de donner une note de jeunesse à son équipe, Maradona a beaucoup apprécié un joueur qui sera son aprtneaire la saison suivante à Naples, le jeune De Napoli « Pour son premier match à haut niveau, il a montré qu'il savait tout faire. Je le crois à l’orée d'une grande carrière ».

Le mot de la fin

Juste derrière une agréable cérémonie inaugurale, cet Italie-Bulgarie, nous a réconciliés avec les matches d'ouverture. Et ce premier score nul, plutôt flatteur pour les Bulgares, laisse présager un Mundial surprenant et spectaculaire. Il ressort néanmoins que le champion du monde sortant, que l'on désespérait de voir attrayant et efficace depuis son exploit espagnol, doit être pris au sérieux. Les italiens, en mutation vers un Jeu plus libéré et surtout plus offensif, devront confirmer cette bonne impression d'ensemble lors du prochain face à l'Argentine. Ce choc entre les deux derniers vainqueurs de la Coupe du monde s'annonce comme le choc au sommet du groupe et l'une des parties les plus serrées de la compétition. Ce même jour, la Bulgarie se mesurera aux Coréens du Sud avec pour principal objectif de faire fructifier ses chances de qualification élaborée d'entrée par le point arraché aux italiens.

Addendum : L'analyse du match par Jean-Michel LARQUE, les notes et les buts en bande dessinées de France Football ainsi qu'un très large Diaporama de la rencontre sont en supplément dans l'analyse de la rencontre sur Mexico 86 : Italie vs Bulgarie : 1-1

Mexico 86 : Le Stade "AZTECA"

Le Stade Azteque un temple du football ! Il doit accueillir 9 matchs en tout sur les 52 du mondial dont les plus prestigieux qui sont le match d'ouverture avec bien entendu la cérémonie d'ouverture qui précède la rencontre (voir le sujet sur la cérémonie d'ouverture et cette fiesta cache misère) et bien entendu la grande finale de cette 13ème coupe du monde. Ce sera le premier stade et surtout le seul encore à ce jour à avoir accueilli deux finales de coupe du monde après le triomphe du Brésil de Pelé face aux italiens en 1970. Le stade sera aussi l'antre des rencontres de l'équipe locale pour le premier tour et aussi les suivants si l'équipe du Mexique termine première du groupe B. 
Le stade "Azteca" est inauguré en 1966 et est alors considéré comme l'un des stades les plus modernes et des plus grands au monde. Pour son match inaugural, ce n'est pas moins de 107 000 spectateurs qui s'agglutinent dans les tribunes de béton fraichement coulé. Sa capacité à l'époque était de 114 580 spectateurs mais après une mise aux normes de sécurité, sa capacité actuelle est tout de même toujours impressionnante avec 105 094. 
Bon bien sûr comme toujours à l'époque au Mexique sa construction est liée à la télévision et ce groupe tout puissant Grupo Televisa (c'est lui qui sera en charge 20 ans plus tard d'organiser la coupe du monde 1986, voir le sujet : Il était une fois Mexico 86). La décision de construire ce nouveau stade a été voté en 1962 quand le Mexique a su qu'il devait organiser la coupe du monde 1970. Les travaux ont alors démarrés très vite car l'enceinte devait également servir au Jeux Olympiques de 1968. Bien sûr les deux coupes du monde ont marqué fortement l'histoire de ce stade mais certaines parties plus que d'autres. Avec en premier lieu ce qui est sûrement le plus beau match de l'histoire de la coupe du monde et cetet demi-finale dantesque entre la RFA et l'Italie. Bien sûr la finale quelques jours plus tard et le triomphe de Pelé et des siens sur la Squadra Azzura. Mais aussi en 1986, la Stade Aztèque sera le théâtre de buts fantastiques comme celui de Negrete face à la Bulgarie et surtout les deux buts de Maradona face à l'Angleterre en 1/4 de finale. Mais de tout ceci nous allons en reparler très prochainement.

Plus d'infos et d'images de ce stade sur le site Mexico 86 : Le Stade Aztèque

Il était une fois Mexico 86

Avant tout il faut savoir que la 13ème coupe du monde de l’histoire avait été attribuée à la Colombie. La mise sur pied d’une épreuve de cette envergure était un hommage à l’amour passionnée du peuple colombien pour le football. Mais devant l’ampleur de la tâche, Bogota finit cependant par renoncer. Créer l’infrastructure, trouver le financement nécessaire était au dessus des forces d’un pays harcelé par des problèmes sociaux préoccupants. Mais d’autant et surtout que le pays est frappé à l’automne 1985 par une catastrophe naturelle sans précédents. A la suite de l’éruption du volcan Nevado del Ruiz, une ville entière de plus de 20 000 âmes fût enterrée sous un torrent de boue et le monde entier put voir ces images insupportables du drame. Automne 1985 c’est l’arrivée d’une nouvelle télévision où on peut voir la mort en direct dans les journaux de 20 heures. Avec cette image qui va frapper le monde entier de la petite Omayra Sanchez, adolescente de 13 ans emprisonnée dans l’eau coincée entre les blocs de béton et autre débris. La jeune colombienne restera coincée 3 jours devant les caméras et objectifs du monde entier avant de périr devant des secours impuissants pour la sauver. C’est après cette catastrophe et l’impuissance de l’Etat colombien à réagir qu’il était devenu impensable d’organiser un tournoi de football.
L'insoutenable image de la malheureuse Omayra SANCHEZ
La FIFA était dans l’embarras il ne lui restait que 6 mois pour organiser sa coupe du monde. Six mois, impossible de trouver un candidat de la dernière heure. Quelques pays européens se proposèrent mais c’était au tour de l’Amérique Latine et il n’était pas question qu’elle y renonce et la FIFA tenait alors à cette parité. La FIFA fut donc soulagée d’apprendre que le Mexique était prêt à prendre la responsabilité d’organiser la coupe du monde 1986. Aucun autre pays n’avait jusque là connu l’honneur de se la voir attribuer pour la deuxième fois. Contre cette candidature providentielle, certains se souvenaient que le fait de jouer en altitude avait soulevé de nombreuses objections en 1970. Comme atouts, en revanche, le Mexique pouvait faire valoir l’organisation exemplaire de ce précédent mondial ainsi que celui des J.O de Mexico en 1968. Et de tout ça, au fond, tout le monde en gardait un excellent souvenir. Les objections se turent rapidement, le Mexique avait sauvé la FIFA mais voici qu’à son tour se posait soudain la question de savoir qui sauverait le Mexique. Les superstitieux diront que le chiffre 13 porte malheur à la Coupe du Monde, car le Mexique connut, à son tour, une terrible catastrophe. Plusieurs tremblements de terre secouèrent le pays et plus particulièrement la capitale, Mexico. En voyant les images et les reportages de la catastrophe, qui firent le tour du monde, on se demanda sérieusement si la Coupe du Monde pourrait avoir lieu comme prévu. Pouvait-on exiger un tel effort de la part d'un pays qui venait de traverser une épreuve aussi terrible?
Mexico ravagé après le tremblement de terre
Des voix s'élevèrent disant qu'il était inconvenant de parler de football en présence d'une telle détresse. Qu'importe, disaient-elles, de savoir si les stades aient été endommagés ou non et s'il reste suffisamment d'hôtels debout pour accueillir tous les visiteurs étrangers face à des milliers de sans-abri. La FIFA devait donc envisager une solution de rechange. Certains exigeaient de retirer la Coupe du Monde au Mexique ou, pour le moins, de la remettre à 1987. Exiger son report était sans compter avec le calendrier des grandes épreuves internationales, établi plusieurs années à l'avance. Et surtout retirer le tournoi au Mexique revenait à sous-estimer les Mexicains. Une situation semblable s'était déjà présentée en 1960, quand le Chili avait connu le tremblement de terre le plus dévastateur de son histoire. Or les Chiliens avaient mis un point d'honneur à respecter l'engagement pris. La Coupe du Monde représentait pour eux bien davantage qu'une épreuve sportive, un véritable événement historique. La fierté du Chili était d'accueillir chez lui des visiteurs venus du monde entier malgré la catastrophe qu'il venait de subir. Comme pour les Chiliens en 1962, le fait de recevoir leurs visiteurs avec la même cordialité, la même chaleur que lors des Jeux de 1968 et de la Coupe du Monde de 1970 était maintenant pour les Mexicains une question d'honneur et de fierté. A ce titre de par son attitude et l’exemplarité de son organisation, cette 13ème coupe du monde fut déjà un succès avant qu’elle ne commence et le Mexique a forcé le respect, la gratitude et l'admiration du monde entier.
Plus de 100 nations désiraient être représentées au Mexique. Or il n'y aurait que 22 élus, sans compter l'Italie, vainqueur de l'épreuve en 1982, et le Mexique lui-même, qualifié d'office. Et les drames commencèrent dès les tours de qualification. La Hollande, finaliste en 1974 et 1978, fut éliminée de la compétition par son éternelle rivale, la Belgique. La France trembla jusqu'au tout dernier moment. Elle s'était permis de perdre 0-2 face à la Bulgarie et à la RDA, et ne dut finalement qu'à sa victoire sur la Yougoslavie d'être du voyage (voir l’intégrale du parcours des bleus sur Mexico 86 – En route pour le Mexique). La Suisse, absente de la Coupe du Monde depuis 1966, parut longtemps en mesure de se qualifier pour celle-ci, mais dut en définitif laisser les deux premières places au Danemark et à l'URSS. Après leur match nul contre l'Allemagne, les Suédois se voyaient déjà au Mexique, mais la défaite inattendue de l'Allemagne face au Portugal réduisit leurs espoirs à néant. L'Australie, qui s'était imposée dans le groupe Océanie, succomba ensuite contre l'Écosse. Dans le Groupe Asie, l'Irak et la Corée du Sud se qualifiaient pour leur première Coupe du Monde. L'exemple de l'Iran en 1978 et de la Corée du Nord en 1966 montre qu'on aurait tort de les sous-estimer. L'Algérie et le Maroc, les qualifiés du Groupe Afrique, ont déjà prouvé de quoi ils sont capables et seront considérés comme des adversaires redoutables. Le Canada est également un nouveau venu. Il n'a pas eu cette fois le Mexique pour lui barrer le chemin. L'Amérique du Sud sera représentée par ses trois ex-champions du monde, le Brésil, l'Argentine et l'Uruguay. Le Pérou et le Chili sont restés en route et la Colombie, battue les deux fois par le Paraguay, ne participera finalement pas à la Coupe du Monde, alors qu’il devait être qualifié d’office quelques mois auparavant.

Plus d'un milliard de téléspectateurs furent témoins du rituel du tirage au sort qui déroula ses fastes le 15 décembre 1985 en présence de mille invités. Le tirage fut effectué par le petit-fils du président du comité d'organisation, M. Canado, donnant aussitôt lieu aux habituel les spéculations sur les chances des uns et des autres (voir le sujet sur le tirage au sort de la Coupe du monde 86). L'Italie, tête de série du Groupe A, reçut pour adversaires la Bulgarie, l'Argentine et la Corée du Sud. Le Groupe B était formé du Mexique, tête de série, de la Belgique, du Paraguay et de l'Irak. Dans le Groupe C, la France, championne d'Europe et tête de série, rencontrerait le Canada, l'URSS et la Hongrie. Le Groupe D se composait du Brésil, triple champion du monde, de l'Espagne, de l'Algérie et de l'Irlande du Nord. Le Groupe E serait le « groupe de la muerte », l'Allemagne, ex-championne du monde, tira sans doute les adversaires les plus coriaces, à savoir l’Uruguay, l’Écosse et le Danemark. Dans le Groupe F, la Pologne sera opposée au Maroc, au Portugal et à l'Angleterre. Les pronostics des journalistes sont très différents selon les nationalités et gardent un caractère aléatoire en raison des nombreuses incertitudes. Mieux vaut sans doute se fier aux bookmakers londoniens l’étalon référence alors pour connaitre les forces en présence. Leurs favoris sont dans l’ordre : le Brésil, l'Argentine et l'Uruguay, suivis du Mexique, qui se prépare avec le plus grand sérieux, de l'Italie, de la France, du Danemark et de l'Allemagne.Mais tout de même très curieux ces côtes de favoris des parieurs ! L’Uruguay et l’Argentine par exemple ont subit les mois précédents le mondial le joug d’une équipe de France en pleine bourre depuis le mondial 82, mais bon à Londres on ne doit pas apprécier le jeu à la française. Ce classement londonien sous-entend aussi que l'Allemagne ne se classera qu'à la troisième place du Groupe E. Ce qui n'entraînerait d'ailleurs pas automatiquement son élimination. La FIFA a, en effet, modifié une fois de plus la formule. Les premiers de chaque groupe seront qualifiés pour les huitièmes de finale, mais ils seront accompagnés des quatre troisièmes les mieux placés. C'est-à-dire que huit équipes seulement sur 24 seront éliminées au soir du premier tour. Pour la suite, on reviendra au système de l'élimination directe. Le tremblement de terre a épargné les stades de football  (dans de futurs sujets on reviendra sur une présentation de ces stades) dans lesquels doit se dérouler la Coupe du Monde, douze au total, répartis sur neuf villes.
Les français joueront le 1er tour au Nou Camp !
Les matches phares se disputeront dans le célèbre stade Aztèque à Mexico même. On jouera également à Mexico au stade olympique, construit sur le campus pour les Jeux de 1968. A Puebla, les rencontres auront lieu au stade Cuauhthémoc, à Toluca au stade de Toluca, à Léon au stade du Nou Camp de Léon (où la France fera ses grands débuts et jouera tous les matchs de son premier tour), à Irapuato au stade d'Irapuato, à Guadalajara au stade Jalisco et au stade du 3 mars (Et oui il y a deux stades à Guadalajara même si un seul est entré dans la légende), à Querétharo au stade de la Corregidora, à Nezahualcoyotl au stade Neza et à Monterrey aux stades de l'université et de l'école technique supérieure. Pour diriger les 52 rencontres la commission d'arbitrage de la FIFA a désigné 36 arbitres et deux juges de ligne mexicains. 1986 étant « L'année internationale de l'arbitre de football », on peut s'attendre pour cette Coupe du Monde à un arbitrage d'un niveau particulièrement élevé selon la FIFA. On verra que l’arbitrage sera une belle source de polémique et notre fier Thierry Rolland fera bien un joli dérapage après la « main de dieu » à ce sujet, affaire à suivre… Le Mexique n'a donc rien négligé pour offrir aux milliards de téléspectateurs du globe un festival de football qui se déroulera sur une période de quatre semaines. Le comité exécutif de la FIFA a décidé de verser au gouvernement mexicain 1,3 million de dollars sur la recette de la Coupe du Monde pour venir en aide aux victimes du tremblement de terre. De son côté, le président de la Football Association Britannique, la plus ancienne fédération de football du monde, lui a remis un chèque de 20 000 livres sterling à l'occasion du tirage au sort. S'il est indispensable pour soulager la détresse humaine et remettre debout ce qui a été détruit, l'argent n'est pas tout. Et comme le dira toujours le même Thierry Rolland avant cette coupe du monde : « A un pays qui consent de tels sacrifices pour contenter tout le monde, il convient aux délégations et aux supporters venus du monde entier de faire l'honneur de répondre au sens inné de l'hospitalité mexicaine. Participer à la Coupe du Monde sera la façon il plus efficace de panser les blessures de ce terrible tremblement de terre ».

Pour conclure sur cette présentation de cette treizième coupe du monde, voici le clip officiel du comité d’organisation qui souhaite la bienvenue au monde entier, ça s’appelle « bienvenidos » et c’est énorme pour les amoureux du kitsch !


Enfin je rappelle que vous pouvez retrouver tous les sujets de la coupe du monde 86 sur le site Mexico 86 avec en prime un peu plus d'images que sur sur Old School Panini :

Mexico 86 : Paulo FUTRE

Paulo FUTRE, 20 ans depuis le mois de février 1986 et il porte tous les espoirs du football lusitanien. Il faut dire que le jeune homme est talentueux même très talentueux, de la classe des plus grands. Sorti du très réputé centre de formation du Sporting du Portugal (comme bon nombre de grands joueurs de l’histoire du football lusitanien tels Luis Figo ou Cristiano Ronaldo pour ne citer qu’eux), il n’a que 16 ans lorsqu’il débute en première division avec le Sporting et une seule saison suffit pour que les plus grands le remarquent. Ainsi le FC Porto à l’issue de la saison 1983-84 n’hésitent pas dans la transaction à mettre deux internationaux dans la balance (Pacheco et Sousa) pour attirer la future pépite du football portugais. Premier transfert et premier remous. Aussitôt la saison terminée, Pacheco et Sousa retournent à Porto rejoindre Futre et ils deviendront tous les 3 champions d'Europe un soir de printemps 87 à Vienne contre le Bayern mais ceci est une autre histoire...Ce transfert a beaucoup fait jaser au Portugal et encore aujourd'hui, les sportinguistes ont le sentiment de s'être bien faits roulés dans la farine et Paulo Futre a été maudit, l'accusant notamment d'avoir préféré l'argent qu'on lui proposait à Porto au détriment de l'amour du maillot. Il faut dire que si le Sporting se morfond, le FC Porto lui rentre dans la cour des grands grâce à son joueur de génie. Paulo FUTRE c'est un joueur très précoce, avec sa première sélection en 1983 à 17 ans pourtant si il fait des merveilles à Porto, en sélection il est dans l'ombre de Fernando Chalana dans un premier temps puis par Jaime Maghales par la suite mais la Coupe du monde 86 devrait être le tremplin à son éclosion internationale même si il commencera la compétition sur le banc de touche. De toute façon à 20 ans il a le temps devant lui.

Mexico 86 : Présentation du Portugal

Douze octobre 1985. Au stade de la Luz, vaste et incrédule, onze Portugais brouillons et passifs arrachent à grande peine une courte victoire sur Malte. Ce qui inspire cette réflexion à l'ami Fernando Couto e Santos qui vous traduit ici même les mouvances du football lusitanien, semaine après semaine : « Quoi qu'il en soit, le Portugal a évité la débâcle devant les Maltais. Et, puisque les Portugais sont par nature rêveurs, laissons-les rêver ». Allusion, bien sûr à la perspective de la qualification bien improbable pour le Mundial mexicain, vu que Bento et les siens occupent, certes, la deuxième place du groupe 2 de la zone européenne, mais avec un seul match à jouer en Allemagne fédérale - qui n'a jamais perdu une seule fois à domicile en phase éliminatoire. Contre deux aux suédois qui les talonnent au classement à un point. Quatre jours s'écoulent alors. Et le rêve, le fameux rêve portugais prend forme. Car voilà les Suédois qui laissent passer leur chance en Tchécoslovaquie. Et voilà surtout qu'au Neckarstadion de Stuttgart, ce 16 octobre, José Torres – le sélectionneur qui n'était évidemment plus bon à donner aux chiens après le match contre Malte - et ses gars battent 1-0, la RFA de Beckenbauer. But de Carlos Manuel à la cinquante-quatrième minute après que celui-ci eut piqué le ballon à Littbarski, dribblé trois autres Allemands et ajusté du pied droit un monumental boulet des dix-huit mètres allant se ficher dans la lucarne gauche de Schumacher.
(Cliquer sur l'image)
Changement de décor. Le lendemain, l'aéroport de Lisbonne est investi par une foule bigarrée et joyeuse. Les journaux qui relatent l'exploit sont l'objet d'invraisemblables surenchères dans tes kiosques. On ne compte plus les plongeons dans les fontaines de la cité. Les mécréants sont devenus des héros. Ils en profitent d'ailleurs pour régler quelques comptes avec leurs censeurs d'avant-hier.

Au milieu d'eux, un célibataire de vingt-huit printemps aux cheveux et à la moustache bien taillés. Ni armoire, ni gringalet. A sa façon, le petit prince du célèbre Benfica Carlos MANUEL est un de ces nouveaux héros portugais et le milieu de terrain est grisé par cette qualification miraculeuse et se livre aux pronostics très optimistes : « Je vois bien le Mexique, le Brésil, l'Allemagne et... le Portugal arriver en demi-finale du Mondial ! Tout ça, après que nous ayons terminé premiers du groupe de Monterrey devant l'Angleterre, la Pologne et le Maroc! Autre chose: en débutant contre les Anglais, nous passeront d'emblée un véritable test. Mais sachez bien qu’à mes yeux, les deux matches suivants seront tout aussi importants vu l'objectif recherché ». De fait, qui aurait cru que les portugais débarqueraient dès le 8 mai au Mexique avec un tel appétit ? Réponse toujours du « poumon » de Benfica et de la sélection : « Cela me parait être une ambition tout à fait normale, même si mon pays ne participe que pour la deuxième fois de son histoire à une phase finale de Coupe du monde. A cet égard, je n'oublie pas qu'en 1966 personne n’imaginait qu'Eusebio et les autres finiraient troisièmes. Pas plus que je n'oublie notre troisième place au dernier Championnat d'Europe. Or, en ces deux circonstances, on ne nous attendait pas si bien placé. Mais je peux vous garantir que chaque fois la sélection portugaise avait eu d'emblée le désir d'aller loin. Ne serait-ce que parce que, dans ce genre de rendez-vous qui marque, j'en ai bien conscience, l'apogée d'une carrière, il me parait obligatoire de vouloir justifier sur la ligne de départ l’honneur que constitue une place au Mondial, conquise sur le terrain ». A cet instant, un constat, en tout cas : le poids du passé ne parait pas devoir peser sur les épaules des internationaux lusitaniens qui, par Carlos Manuel interposé, se veulent à la fois résolus, lucides, solidaires, décomplexés. « A cet égard, souligne-t-il, je ne conteste pas qu'il n'y a plus chez nous des monstres sacrés type Eusebio, Coluna, dans les années 60, Nene, Alves, Humberto dans les années 70-80. Mais ce serait une erreur de croire que nous en pâtissons en sélection. Je remarque, en effet, que nous disposons toujours de jolis arguments techniques, d'une certaine capacité d'improvisation. Et cela s'ajoute une condition physique bien plus « pointure » qu'auparavant à cause d'un travail foncier bien plus soutenu, et les bienfaits d'un heureux mélange entre les anciens comme Bento, Jordao, Gomes ou moi, et une nouvelle vague très intéressante symbolisée par Futre, un ailier bourré de qualités, par Linos, Veloso, Iniacio, Frederico, Joao Pinto, Magalhaes ou encore Samuel, le jeune et très rapide libero de Benfica qui pourrait bien être l'une des prochaines vedettes du football national. »
De là à penser que la sélection lusitanienne est aujourd'hui dans la force de l'âge, il n'y a du coup qu'un tout petit pas à franchir, si l'on veut bien croire en la bonne parole du joueur de Benfica Carlos Manuel. Juste une petite réticence à cet instant, entre le doigt de bon vin et la lampée de Cognac : le Portugal ne sera-t-il pas handicapé par cette singulière irrégularité qui l'a par exemple conduit à commencer les phases éliminatoires de la Coupe du monde sur les chapeaux de roue (victoire en Suède et face à la Tchécoslovaquie) à aller arracher miraculeusement la qualification en RFA dans tes conditions que l'on sait, mais aussi a peiner devant les modestes Maltais ou de se faire pille à' Lisbonne par les Suédois ?

Mexico 86 : Jozef MLYNARCZYCK

Jozef Mlynarczyk. Gardien du FC Porto depuis peu. Et gardien de l'équipe nationale de Pologne depuis 1979. Un bon gardien ou un super ? Premier retour en arrière. Match de Coupe d'Europe contre la Juve. Widzew avec Boniek, Mlynarczyk, Zmuda et Smolarek l'emporte à Lodz 3-1. Et perd à Turin 1-3. Prolongation. Lors des coups de pied au but, il arrête les deux essais de Causio et de Cabrini. Après avoir éliminé l'équipe de Manchester United, Widzew mate la grande juve. Boniek déclare en Italie :  « Mlynarczyk est le meilleur gardien du monde. » Mais personne ne l'écoute sûrement que le nom est tellement compliqué à prononcer. Lors des éliminatoires pour le Mundial 82, la Pologne joue un match décisif contre la RDA. A Leipzig. Et elle gagne 3-2, Boniek répète: « Jozef est le meilleur gardien du monde ». Pourtant, c'est surtout Smolarek, auteur de deux buts, qui fait un tabac. Mais c'est Mlynarczyk qui a sauva l'équipe à plusieurs reprises. Et ça continue. Nous sommes à Chorzow, l'automne dernier. Pour que la Pologne aille à Mexico il lui faut faire match nul contre la Belgique. Mission accomplie: 0-0, mais ce fut l'enfer. Pour Mlynarczyk aussi. En sortant du terrain, Boniek le porte sur ses épaules jusqu'aux vestiaires, et déclare à nouveau: « C'est lui qui nous a qualifié. » On ne l'entend plus le dire :qu'il est le meilleur du monde.pas besoin vu qu'il le pense toujours aussi fort. 

Au Portugal, où il joue depuis janvier 1986 (transféré depuis Bastia au mercato d'hiver), sa cote est toujours aussi haute. Pour son premier match face à Benfica, à Lisbonne, Jozef affronte cent vingt mille spectateurs déchainés. Résultat ? 0-1. Dans les cinq premiers matches Mlynarczyk n'aura pris aucun but. Quatre cent cinquante minutes d'invincibilité et le nouveau record du genre pour le Portugal. Mais tout a une fin . Pour son huitième match, Mlynarczyk retrouve Lisbonne et Benfica, en Coupe cette fois. Manniche, le Danois, le trompe sur le penalty. Ce fut son premier but encaissé sur le sol portugais. Jozef Mlynarczyk aura bientôt trente ans, un gamin à côté des ZofF, Shilton, Jennings, Bento et autres. Malgré la sagesse des années, le portier de la sélection blanc et rouge n'aime toujours pas encaisser de buts, il n'en a pas pris l'habitude. Jusqu'au jour où il est arriva à Bastia. C'est là que la colonne débit fera le plein: 61 matches en un an et demi, et une multitude de buts dans une équipe en crise et qui ne se remettra pas du départ de Pascal Olmeta, portier aussi efficace sur la ligne que leader d'équipe. Plus qu'en sept ans passés à Lodz. Pourtant, selon lui : « Bastia, c'était quand même bien ». Tout au moins au début, avec la pêche qu'il adore, avec le président Vendasi, amoureux du football, avec les chèques qui tombaient régulièrement. Bastia c'était avant tout la.. porte ouverte sur l'étranger . Olmeta parti, les Corses cherchaient un gardien. Le choix s'est porté sur lui. Le prix du transfert ? 50000 dollars pour la Fédération polonaise, c'est peu pour un joueur de champ, mais c'est beaucoup pour un gardien. C'était pourtant six fois moins que ce que la fédération avait demandé juste après le Mundial espagnol, lorsque Mlynarczyk avait reçu des propositions d'Angleterre et d'Autriche (Notts County et Rapid Vienne). 

Dans son cas, c'est exceptionnel car un gardien étranger « mange» une place (avant la loi Bosman seulement deux étrangers par équipe alignés sur la feuille de match). Peu demandés, rien d'étonnant, donc, qu'ils soient si peu à s'expatrier. Sauf cas de force majeure. Le départ d'Olmeta par exemple ou encore, comme ce fut le cas à Porto, la blessure de Zebeto. De son séjour à Bastia, Jozef gardera des amis et le goût du soleil, là c'est sûr que la Corse ça doit le changer de sa Pologne natale. Il oubliera les zones d'ombre : trois mois de salaire jamais reçus, et quelques milliers de francs que le club corse doit toujours à la Fédération polonaise. Celle-ci, d'ailleurs, favorisa son départ à Porto. On comprend pourquoi. Clin d’œil du hasard: c'est au moment où il signe son contrat (qui court jusqu'en 1988 avec la possibilité d'une prolongation d'an an), qu'on procède à Mexico au tirage au sort du Mundial. Le Portugal et la Pologne se retrouvent dans le même groupe. Comment Jozef réagit-il à cette situation ? On le voyait déjà dans le rôle de l'espion de Piechniczek, vieux relan de guerre froide et d'espions du KGB toujours présent à l'époque de l'autre côté du rideau de fer. L'entraîneur polonais, celui qui ne peut s'imaginer l'équipe de Pologne sans Mlynarczyk tout naturellement lui demandera quelques informations sur ces coéquipiers et adversaires. Du coup Jozef se plie allègrement dans sa nouvelle tâche et remplit des dossiers personnels. « J'ai appris quelques trucs, par exemple, que Gomes joue moins bien qu'il y a deux ans, que Futre ne tire que du pied gauche, je connais aussi quels sont les principaux atouts d' André. » Il sait aussi que les autres ne sont pas dupes. Qu'ils l'observent et qu'ils finiront par bien le connaître, il sait aussi que l'équipe du Portugal jouait mal avant son arrivée en France pour le Championnat d'Europe et qu'elle y fut pourtant la grande révélation. 

En découvrant les structures du FC Porto, Mlynarczyk s'est forgé quelques certitudes : « Tout ce qu'on met à la disposition des joueurs, c'est le meilleur du genre. Je suis persuadé que l'équipe du Portugal, grâce à des clubs comme Porto et Benfica, sera prête au Mexique. Pour brouiller les cartes et le jeu de l'Angleterre comme de la Pologne. Je me méfie. » Pas de doute, Joseph est un pro. Du genre technicien supérieur. Il analyse toujours tous les buts encaissés et comprend mal ceux qui, une fois le match terminé, ne font pas de même. L'explication? « Je ne comprend pas pourquoi en Europe de l'Ouest, en France comme au Portugal ou ailleurs, on consacre si peu de temps à entraîner un gardien. C'est pourtant un homme-clé. A Widzew, ou en équipe nationale, il y a toujours un entraîneur qui s'occupe uniquement des gardiens. C'est une bonne chose. ». Visionnaire Mlynarczyk, car aujourd'hui en France il n'y a pas un seul club de ligue 1 sans son entraîneur des gardiens, chose qui n’existait pas de son temps il y a 25 ans ! Comme quoi le professionnalisme ne dépend pas des millions dépensés mais d'une attitude générale. Ainsi je reste persuadé qu'il y a 25 ans les joueurs d'Europe de l'Est, pourtant sous-payés par rapport au salaires occidentaux ou ceux d'aujourd'hui, étaient bien plus professionnels que bon nombre de joueurs de l'équipe de France actuels.
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