Avant tout il faut savoir que la 13
ème coupe du monde
de l’histoire avait été attribuée à la Colombie. La mise sur pied d’une épreuve
de cette envergure était un hommage à l’amour passionnée du peuple colombien
pour le football. Mais devant l’ampleur de la tâche, Bogota finit cependant par
renoncer. Créer l’infrastructure, trouver le financement nécessaire était au
dessus des forces d’un pays harcelé par des problèmes sociaux préoccupants. Mais
d’autant et surtout que le pays est frappé à l’automne 1985 par une catastrophe
naturelle sans précédents. A la suite de l’éruption du volcan Nevado del Ruiz,
une ville entière de plus de 20 000 âmes fût enterrée sous un torrent de
boue et le monde entier put voir ces images insupportables du drame. Automne 1985
c’est l’arrivée d’une nouvelle télévision où on peut voir la mort en direct
dans les journaux de 20 heures. Avec cette image qui va frapper le monde entier
de la petite Omayra Sanchez, adolescente de 13 ans emprisonnée dans l’eau coincée
entre les blocs de béton et autre débris. La jeune colombienne restera coincée
3 jours devant les caméras et objectifs du monde entier avant de périr devant
des secours impuissants pour la sauver. C’est après cette catastrophe et l’impuissance
de l’Etat colombien à réagir qu’il était devenu impensable d’organiser un
tournoi de football.
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L'insoutenable image de la malheureuse Omayra SANCHEZ |
La FIFA était dans l’embarras il ne lui restait que 6 mois
pour organiser sa coupe du monde. Six mois, impossible de trouver un candidat
de la dernière heure. Quelques pays européens se proposèrent mais c’était au
tour de l’Amérique Latine et il n’était pas question qu’elle y renonce et la
FIFA tenait alors à cette parité. La FIFA fut donc soulagée d’apprendre que le Mexique
était prêt à prendre la responsabilité d’organiser la coupe du monde 1986.
Aucun autre pays n’avait jusque là connu l’honneur de se la voir attribuer pour
la deuxième fois. Contre cette candidature providentielle, certains se
souvenaient que le fait de jouer en altitude avait soulevé de nombreuses
objections en 1970. Comme atouts, en revanche, le Mexique pouvait faire valoir
l’organisation exemplaire de ce précédent mondial ainsi que celui des J.O de
Mexico en 1968. Et de tout ça, au fond, tout le monde en gardait un excellent
souvenir. Les objections se turent
rapidement, le Mexique avait sauvé la
FIFA mais voici qu’à son
tour se posait soudain la question de savoir qui sauverait le Mexique. Les superstitieux
diront que le chiffre 13 porte malheur à la Coupe du Monde, car le Mexique connut,
à son tour, une terrible catastrophe. Plusieurs tremblements de terre secouèrent
le pays et plus particulièrement la capitale, Mexico. En voyant les images et les
reportages de la catastrophe, qui firent le tour du monde, on se demanda
sérieusement si la Coupe du Monde pourrait avoir lieu comme prévu. Pouvait-on
exiger un tel effort de la part d'un pays qui venait de traverser une épreuve
aussi terrible?
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Mexico ravagé après le tremblement de terre |
Des voix s'élevèrent disant qu'il était inconvenant de parler de
football en présence d'une telle détresse. Qu'importe, disaient-elles, de savoir
si les stades aient été endommagés ou non et s'il reste suffisamment d'hôtels debout
pour accueillir tous les visiteurs étrangers face à des milliers de sans-abri. La
FIFA devait donc envisager une solution de rechange. Certains exigeaient de retirer
la Coupe du Monde au Mexique ou, pour le moins, de la remettre à 1987. Exiger son
report était sans compter avec le calendrier des grandes épreuves internationales,
établi plusieurs années à l'avance. Et surtout retirer le tournoi au Mexique revenait
à sous-estimer les Mexicains. Une situation semblable s'était déjà présentée en
1960, quand le Chili avait connu le tremblement de terre le plus dévastateur de
son histoire. Or les Chiliens avaient mis un point d'honneur à respecter l'engagement
pris. La Coupe du Monde représentait pour eux bien davantage qu'une épreuve sportive,
un véritable événement historique. La fierté du Chili était d'accueillir chez lui
des visiteurs venus du monde entier malgré la catastrophe qu'il venait de
subir. Comme pour les Chiliens en 1962, le fait de recevoir leurs visiteurs avec
la même cordialité, la même chaleur que lors des Jeux de 1968 et de la Coupe du
Monde de 1970 était maintenant pour les Mexicains une question d'honneur et de fierté.
A ce titre de par son attitude et l’exemplarité de son organisation, cette 13
ème
coupe du monde fut déjà un succès avant qu’elle ne commence et le Mexique a forcé
le respect, la gratitude et l'admiration du monde entier.
Plus de 100 nations
désiraient être représentées au Mexique. Or il n'y aurait que 22 élus, sans compter
l'Italie, vainqueur de l'épreuve en 1982, et le Mexique lui-même, qualifié d'office.
Et les drames commencèrent dès les tours de qualification. La Hollande, finaliste
en 1974 et 1978, fut éliminée de la compétition par son éternelle rivale, la
Belgique. La France trembla jusqu'au tout dernier moment. Elle s'était permis de
perdre 0-2 face à la Bulgarie et à la RDA, et ne dut finalement qu'à sa victoire
sur la Yougoslavie d'être du voyage (voir l’intégrale du parcours des bleus sur
Mexico 86 – En route pour le Mexique). La Suisse, absente de la Coupe du Monde
depuis 1966, parut longtemps en mesure de se qualifier pour celle-ci, mais dut en
définitif laisser les deux premières places au Danemark et à l'URSS. Après leur
match nul contre l'Allemagne, les Suédois se voyaient déjà au Mexique, mais la défaite
inattendue de l'Allemagne face au Portugal réduisit leurs espoirs à néant. L'Australie,
qui s'était imposée dans le groupe Océanie, succomba ensuite contre l'Écosse. Dans
le Groupe Asie, l'Irak et la Corée du Sud se qualifiaient pour leur première
Coupe du Monde. L'exemple de l'Iran en 1978 et de la Corée du Nord en 1966 montre
qu'on aurait tort de les sous-estimer. L'Algérie et le Maroc, les qualifiés du Groupe Afrique, ont déjà prouvé de
quoi ils sont capables et seront considérés comme des adversaires redoutables. Le
Canada est également un nouveau venu. Il n'a pas eu cette fois le Mexique pour
lui barrer le chemin. L'Amérique du Sud sera représentée par ses trois ex-champions
du monde, le Brésil, l'Argentine et l'Uruguay. Le Pérou et le Chili sont restés
en route et la Colombie, battue les deux fois par le Paraguay, ne participera finalement
pas à la Coupe du Monde, alors
qu’il devait être qualifié d’office quelques mois auparavant.

Plus d'un milliard
de téléspectateurs furent témoins du rituel du tirage au sort qui déroula ses fastes
le 15 décembre 1985 en présence de mille invités. Le tirage fut effectué par le
petit-fils du président du comité d'organisation, M. Canado, donnant aussitôt lieu
aux habituel les spéculations sur les chances des uns et des autres (voir le
sujet sur
le tirage au sort de la Coupe du monde 86). L'Italie, tête de série du
Groupe A, reçut pour adversaires la Bulgarie, l'Argentine et la Corée du Sud. Le
Groupe B était formé du Mexique, tête de série, de la Belgique, du Paraguay et de
l'Irak. Dans le Groupe C, la France, championne d'Europe et tête de série,
rencontrerait le Canada, l'URSS et la Hongrie. Le Groupe D se composait du Brésil, triple champion du monde, de
l'Espagne, de l'Algérie et de l'Irlande du Nord. Le Groupe E serait le
« groupe
de la muerte », l'Allemagne, ex-championne du monde, tira sans doute les adversaires
les plus coriaces, à savoir l’Uruguay, l’Écosse et le Danemark.
Dans le Groupe F, la Pologne sera opposée au Maroc, au Portugal et à l'Angleterre.
Les pronostics des journalistes sont très différents selon les nationalités et
gardent un caractère aléatoire en raison des nombreuses incertitudes. Mieux
vaut sans doute se fier aux bookmakers londoniens l’étalon référence alors pour
connaitre les forces en présence. Leurs favoris sont dans l’ordre : le Brésil,
l'Argentine et l'Uruguay, suivis du Mexique, qui se prépare avec le plus grand
sérieux, de l'Italie, de la France, du Danemark et de l'Allemagne.Mais tout de
même très curieux ces côtes de favoris des parieurs ! L’Uruguay et l’Argentine
par exemple ont subit les mois précédents le mondial le joug d’une équipe de France
en pleine bourre depuis le mondial 82, mais bon à Londres on ne doit pas
apprécier le jeu à la française. Ce classement londonien sous-entend aussi que l'Allemagne
ne se classera qu'à la troisième place du Groupe E. Ce qui n'entraînerait d'ailleurs
pas automatiquement son élimination. La FIFA a, en effet, modifié une fois de plus
la formule. Les premiers de chaque groupe seront qualifiés pour les huitièmes
de finale, mais ils seront accompagnés des quatre troisièmes les mieux placés. C'est-à-dire
que huit équipes seulement sur 24 seront éliminées au soir du premier tour. Pour
la suite, on reviendra au système de l'élimination directe. Le tremblement de
terre a épargné les stades de football (dans
de futurs sujets on reviendra sur une présentation de ces stades) dans lesquels
doit se dérouler la Coupe du Monde, douze au total, répartis sur neuf villes.
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Les français joueront le 1er tour au Nou Camp ! |
Les
matches phares se disputeront dans le célèbre stade Aztèque à Mexico même. On
jouera également à Mexico au stade olympique, construit sur le campus pour les
Jeux de 1968. A Puebla, les rencontres auront lieu au stade Cuauhthémoc, à
Toluca au stade de Toluca, à Léon au stade du Nou Camp de Léon (où la France fera ses grands débuts et jouera tous les matchs de son premier tour), à Irapuato au stade d'Irapuato,
à Guadalajara au stade Jalisco et au stade du 3 mars (Et oui il y a deux stades
à Guadalajara même si un seul est entré dans la légende), à Querétharo au stade
de la Corregidora, à Nezahualcoyotl au stade Neza et à Monterrey aux stades de
l'université et de l'école technique supérieure. Pour diriger les 52 rencontres
la commission d'arbitrage de la FIFA a désigné 36 arbitres et deux juges de ligne
mexicains. 1986 étant
« L'année internationale de l'arbitre de football », on
peut s'attendre pour cette Coupe du Monde à un arbitrage d'un niveau
particulièrement élevé selon la FIFA. On verra que l’arbitrage sera une belle
source de polémique et notre fier Thierry Rolland fera bien un joli dérapage
après la
« main de dieu » à ce sujet, affaire à suivre… Le Mexique n'a
donc rien négligé pour offrir aux milliards de téléspectateurs du globe un festival
de football qui se déroulera sur une période de quatre semaines. Le comité
exécutif de la FIFA a décidé de verser au gouvernement mexicain 1,3 million de dollars
sur la recette de la Coupe du Monde pour venir en aide aux victimes du tremblement
de terre. De son côté, le président de la Football Association Britannique, la plus
ancienne fédération de football du monde, lui a remis un chèque de 20 000 livres
sterling à l'occasion du tirage au sort. S'il est indispensable pour soulager la
détresse humaine et remettre debout ce qui a été détruit, l'argent n'est pas tout.
Et comme le dira toujours le même Thierry Rolland avant cette coupe du monde :
« A
un pays qui consent de tels sacrifices pour contenter tout le monde, il convient
aux délégations et aux supporters venus du monde entier de faire l'honneur de répondre
au sens inné de l'hospitalité mexicaine. Participer à la Coupe du Monde sera la
façon il plus efficace de panser les blessures de ce terrible tremblement de
terre ».