CAMATARU : le buffle roumain, soulier d'or 1987


Euro 84, parmi les huit qualifiés,  la Roumanie est un peu l’équipe surprise et a réussi un véritable exploit pour se glisser parmi les meilleures nations d’Europe. Dans un groupe où une Italie totalement hors sujet se fait dépasser par tout le monde et une équipe de Tchécoslovaquie devenue trop vieille, la qualification va se jouer entre la Suède et la Roumanie. La Suède en tête du groupe reçoit à deux journées de la fin la Roumanie pour ce qui va être la finale du groupe et à la clef le sésame pour l’Euro Français. Les roumains à la surprise générale l’emportent 1-0 à Stockholm sur un but d’un attaquant inconnu ou presque du grand public, Rodion CAMATARU. Camataru envoie son pays à l’Euro, une Roumanie alors sevrer de grande compétition mais qui est ce nouvel attaquant successeur du « Cobra » Angel IORDANESCU et de Dudu GEORGESCU ? Tout d’abord c’est un attaquant au gabarit de 3ème ligne, 1 m 90 au garrot pour 88 kilos à son poids de forme. Un attaquant puissant mais rapide, lui-même ce qualifie comme un joueur qui aime passer en force même si il est correct et rarement sanctionné. Contrairement à ce qu’on pourrait croire vu sa morphologie, il n’aime pas jouer les campeurs au sein des défenses renforcées mais préfère les contres et est redoutable dès qu’il part de loin dans les espaces libres. Technique, adroit de la tête CAMATARU est une machine à marquer. Tout a commencé dans la rue pourtant, comme pour tous les enfants de Strehai, sa ville natale. Il ne signera sa première licence qu’à l’âge de 15 ans ce qui est assez incroyable pour un joueur qui sera un jour soulier d’or européen. Il signe au club de Prohetsul, club de la ville et joue directement avec les séniors en division 3 car il est déjà plus grand que ses futurs coéquipiers. Grand, costaud il joue à tous les postes, milieu, ailier, avant-centre et un an plus tard comme dans un conte de fée il signe directement à Craiova pour jouer en première division roumaine. Un an seulement après avoir signé sa première licence. Bon de 16 à 20 ans il ne sera qu’un remplaçant mais tout de même l’ascension est fulgurante et ce n’est que le début. A 20 ans, nous sommes en 1978, il devient titulaire de l’équipe fanion et très rapidement honore sa première sélection. La première d’un long bail, lui qui ira jusqu’au mondial 1990 avec la Roumanie. Il comptera 75 sélections en 12 ans de carrière internationale pour 25 buts. Certaines critiques tomberont sur ce ratio bien plus faible que son rendement en club, CAMATARU se défendra toujours en précisant que ses buts en sélection ont toujours été décisifs comme celui en Suède ou encore celui à Wembley en 1985 pour les éliminatoires du mondial mexicain. Ce soir là CAMATARU inscrira un but qui caractérise si bien son style tout en vitesse et en puissance :


On voit aussi une autre de ses caractéristiques, sa célébration après les buts comme possédé. Sur son comportement il s’expliquera ainsi : « Marquer ? C’est une sensation indescriptible, une perte de contrôle totale. Une euphorie impossible à maitriser. Un jour après un but important, j’ai couru avec 3 équipiers sur les épaules. Je n’en avais pas conscience. Le pire c’est que les images je les ai vu et revu car elles figuraient au générique d’une émission de sport à la TV Roumaine pendant plus d’un an ». CAMATARU des buts il va en enfiler à Craiova, de 1974 à 1986, 122 précisément en 288 rencontres mais son style de jeu fonceur l’expose aux blessures, fractures de la clavicule, du nez à plusieurs reprises et une dernière au péroné qui le font douter en 1985.

Il pense même à raccrocher les crampons alors qu’il n’a pas encore fêté ses 27 ans. Un homme va le faire changer d’avis c’est son ancien sélectionneur à l’Euro 84, Mircea Lucescu qui vient de prendre la tête du Dinamo de Bucarest. Camataru suit le sélectionneur qui lui a fait confiance et part exploser les compteurs dans la capitale roumaine. Il n’y reste que 3 saisons mais il va multiplier les feux d’artifices : 76 buts en 89 rencontres. Dont 44 pour la seule première saison, un total qui lui permet d’être soulier d’or (meilleur buteur européen) devant Tony Polster. Et encore en fin de championnat il manque 6 matchs en raison d’une déchirure musculaire. Bien sûr 44 buts dans une saison ça attire les convoitises mais il est difficile alors de quitter le régime de Ceaucescu pour preuve, le Benfica de Lisbonne n’a pas hésité à proposer deux millions de dollars (colossale à l’époque) à la Fédération Roumaine pour libérer CAMATARU de ses obligations (Porto ou La Fiorentina aurait été également sur les rangs parmi les plus prestigieux) mais à chaque fois la Fédération Roumaine a jugé que le football roumain avait trop besoin de Camataru aussi bien en sélection qu’en coupe d’Europe. Il faut dire que le régime dictatoriale de Ceaucescu à besoin de cette propagande. Alors est-ce la jurisprudence Duckadam ? (voir le sujet le héros et le dictateur) mais CAMATARU interrogé par la presse internationale lors des cérémonies de remise du soulier d’or (à Monaco) brosse dans le sens du poil la dictature en place. Interrogé sur son président, CAMATARU répondra par un très politiquement correct à l’époque : « M. Ceaucescu a fait beaucoup plus que n’importe quel sportif pour la réputation de notre pays ». Et d’ajouter à ceux qu’il dise qu’il a mauvaise réputation à l’international « je ne suis pas d’accord, Mr Ceaucescu a beaucoup fait pour la paix mondiale ». La preuve que Camataru n’est pas si bête au point de critiquer le dictateur devant les journaux du monde entier. Pourtant après les évènements de Timisoara et la chute du régime en place celui qui disait alors n’avoir jamais songé à rester à l’ouest après un déplacement : « jamais, je suis trop attaché à mon pays. Si j’avais voulu le faire, j’aurais pu. Car on me l’a proposé. Un impresario de Schalke 04 par exemple. Mais ça ne m’intéressait pas même si il y avait beaucoup d’argent à la clef », prendra la poudre d’escampettes pour la Belgique et rejoint les zèbres de Charleroi. Un exil qui va par contre remettre en question son soulier d’or de 1987 trois ans après !

En effet que ce soit en Belgique ou après en Hollande (il filera à Herenveen où il jouera principalement en division 2) le « Buffle » roumain fait plutôt penser à une vachette d’intervilles. 6 buts en 30 matchs avec les zèbres de Charleroi et 14 en 50 matchs avec Herenveen dont les ¾ en division 2 hollandaise ! Loin de son total de meilleur buteur européen 3 ans plus tôt. Mais quand on s’y penche de plus près il y a de gros soupçons sur son soulier d’or et Tony Polster relance la polémique lui qui à l’époque avait mal digéré sa place de dauphin. Flash back, quand le championnat d’Autriche se termine au cours de la saison 1986-87, Polster est en tête du classement du soulier d’or que tient France Football avec au jour du 12 juin 37 buts loin devant CAMATARU qui est à 32 réalisations. Seulement en Roumanie il reste 3 journées. Alors est-ce que le roumain peut le dépasser ? Bien sûr !! CAMATARU plante respectivement 3, 5 et 4 buts lors des 3 dernières journées. En Autriche les critiques pleuvent alors sous prétexte qu’on ne peut comparer les statistiques d’un championnat aussi faussé que celui de Roumanie qui est au service de la propagande du régime des Ceaucescu et qu’on a laissé CAMATARU marqué pour la gloire du foot roumain. Bon il n’y a pas des masses de preuves et l’accusé se défendra ainsi : « Après avoir été blessé, je suis revenu en super forme alors que mes adversaires étaient fatigués après une longue saison et il ne faut pas oubliez que chez nous les scores sont élevés ». Là-dessus au moins on ne peut pas luis donner tort, car quand il évoque son plus beau but, il l’a inscrit cette année là contre Buzau « Notre gardien a dégagé à 65 mètre environ. J’ai amorti de la poitrine, contrôlé de la cuise droite en pivotant et repris de volée du gauche. Le gardien adverse était un peu avancé. Le tir s’est fiché dans la lucarne ! » Impressionnant à l’entendre, le problème ? C’est que ce jour là le Dinamo Bucarest à écrasé Buzau 10-2 un score de baby-foot alors quel crédit donner aux 44 buts de CAMATARU dans ce contexte ? Les polémiques autour de ce soulier d’or auront le bénéfice au moins de changer le règlement du soulier d’où ou ensuite sera affecté à chaque championnat un coefficent. En effet il est évident que dépasser la barre des 20 buts dans le calcio dans les années 80 était bien plus difficile que de planter 50 pions dans le championnat roumain ou danois. Mais le revers de la médaile, c’est que du coup comme le coefficient était subjectif le soulier d’or a perdu de son impartialité et conséquence directe ou pas, dans les années 90 et 2000 ce trophée autrefois majeur pour les joueurs a perdu de son crédit sur la scène internationale et est même tombé dans les oubliettes. Heureusement deux gars nommé Messi et C.Ronaldo sont arrivés et ont gommés cette histoire de coefficient, eux ils les plantent chaque saison les 40 buts et plus !

Et pour ceux qui font l'album OSP-EURO 1972-1992, évidemment que CAMATARU est présent, voici sa vignette la n°182 :

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