Mexico 86 : Présentation du Brésil

Lors de l'année 1985, le Brésil est méconnaissable. Qualification sans gloire pour sa treizième coupe du monde d’affilée (seul pays à avoir participé à toutes les phases mondiales), la séléçao va surtout connaitre des revers qui vont laissés des traces (défaites face au Chili, Colombie et le Pérou à la maison). On va changer d’organigramme à la CBF et donc de sélectionneur. Il y a deux listes, celle de Zagallo (entraineur du Brésil en 1970) et celle de Télé Santana, apôtre du beau jeu (entraineur du Brésil 1982). C’est la liste de Santana qui est plébiscitée, les brésiliens ont souvenir de cette formidable équipe de 1982, qui pour grand nombre d’entre eux, reste la plus belle de l’histoire du pays malgré l’échec en Espagne. Voir d’ailleurs à ce titre, l’important sujet d’Old School Panini : Pourquoi le Brésil n’a pas été champion du monde en 1982 ?


Lorsqu'en janvier 1986, Télé Santana arriva à la tête de l'équipe nationale, son premier souci fut d'annuler la tournée européenne qui devait conduire le Brésil en Allemagne fédérale, en Hongrie et au pays de Galles. Aussitôt prévenus, les dirigeants allemands crièrent au scandale et menacèrent de faire appel à la F.I.F.A. Devant les protestations de tout le monde et l'amende de 175 000 dollars qui lui pendait au nez, la C.B.F. (Fédération Brésilienne de Football) décida finalement de venir en Europe, en évitant toutefois le pays de Galles. Contre son gré, Santana fut donc obligé de s'incliner. Mais il craignait le pire. On allait voir bientôt qu'il avait raison. En débarquant à Francfort, l'équipe brésilienne, en stage depuis un mois à Toca da Raposa (le camp d'entraînement du Cruzeiro, à Belo-Horizonte) a une bien mauvaise surprise. L'hiver européen est en effet plus froid de quarante degrés que l'été sud-américain. Ils sont pathétiques, ces jaune et vert emmitouflés dans leur blouson et gants de ski.

Les remplaçants brésiliens face à la Hongrie
Avant même de jouer, ils se demandent déjà ce qu'ils sont venus faire dans cette galère réfrigérée. Pour rencontrer l'Allemagne au Waldstadion, garni de 52 000 spectateurs, Santana présente ce qui semble être alors l'équipe type compte tenu des absences de Zico (gravement blessé au genou et dont on doute alors grandement de ses chances d'aller au Mexique) et Leandro (lui aussi blessé) restés au pays. Sans oublier les « Italiens » présélectionnés, mais que leurs clubs n'autorisent pas à jouer cette rencontre: Cerezo (A.S. Rome), Edinho (Udinese), Dirceu (Côme) et Junior (Torino), ces trois derniers ayant tenu à effectuer le déplacement en R.F.A. en tant que supporters. De son côté, Beckenbauer n'est pas épargné par les malheurs. Non seulement VoIler, Rahn, Augenthaler et Littbarski sont « out », mais en attendant le prochain retour de Schuster (convalescent), il doit se passer des services de K.-H. Forster qui se blesse à l'échauffement. Sous les yeux d'une foule d'entraîneurs d'équipes qualifiées pour le Mundial - Henri Michel, Bearzot (Italie), Muiioz (Espagne), Ferguson (Ecosse), Borras (Uruguay), Piontek (Danemark), Dingham (Irlande du Nord), et même Menotti, le chômeur.

Le match est à peine commencé depuis deux minutes que les Brésiliens encaissent un but sur un coup de tête canon de Hans Peter Briegel sur corner. Coup de froid pour les Sud-Américains : ça- commence mal ! Pendant un bon quart d'heure, les Allemands de l'Ouest, fidèles à leur habitude en match international, impriment un rythme, une occupation du terrain et une agressivité désastreux pour les joueurs de Télé Santana. Dans les buts, Carlos (Corinthians) doit déployer ses meilleurs atouts. Affolés, les défenseurs dégagent comme ils peuvent. Les demis, étouffés par les Thon, Matthaus et autre Briegel, omniprésent, sont méconnaissables, malgré les tentatives de Falcao pour ordonner le jeu. Quant à l'attaque, il n'y a à droite que le petit Müller (Sao Paulo F.C), pour rappeler au public allemand que les Brésiliens sont malgré tout des artistes du ballon rond. Heureusement pour Oscar (Sao Paulo F.C) et ses camarades, tous coupables de ne s'être échauffés que dans les vestiaires pour ne sortir que pour la photo, les hymnes et le coup d'envoi, la R.F.A. se calme après ces quinze minutes d'apocalypse. Mais ce n'est pas pour autant que le Brésil démontre une meilleure valeur technique et collective. Et ce ne sont pas les entrées de Eder (de l'Atletico Mineiro) à la place de Sidney (du Sao Paulo F.C.) et de Marinho de Bangu (pour MillIer) qui changent la physionomie du match. A tel point que trois minutes avant la fin, Gründel récupère une passe ratée de Falcao et lance Klaus Allofs, qui inscrit le second but pour l'Allemagne. Sans être pleinement satisfait, Beckenbauer peut se vanter de battre le Brésil dans la foulée de l'Italie chez elle. Quant à Santana, vous connaissez la chanson : « Il fait froid, c'est notre premier match, il manque des joueurs, etc. ». N'empêche, le Brésil est, ce soir-là, bien loin de son mythe. Mais on n'a pas encore tout vu ! A Budapest, le temps n'est pas au beau, ni, surtout, au chaud! La délégation officielle du Brésil (vingt-trois joueurs, quatorze dirigeants, entraîneurs, médecins, etc.) et les deux cent vingt journalistes et techniciens de la presse écrite, des radios et des télévisions, sont toujours grelottants. Les débats interminables sur le football n'y changent rien. Les critiques vont bon train, certains trouvent des excuses, d'autres accusent : bref, personne n'est insensible aux déboires du Brésil.

Les chasseurs d'autographes se posent, eux, moins de questions et assiègent sagement le hall de l'hôtel qui ne désemplit pas. il faut ajouter que c'est la première visite de l'équipe nationale en terre hongroise et que l'événement déclenche une telle passion dans le pays que la fédération a reçu trois cent mille demandes de places! Le Nepstadion est bien entendu plein en ce dimanche après-midi : 75 000 spectateurs environ, parmi lesquels Henri Michel et Munoz, futurs adversaires des deux équipes au Mundial. Mezey, l'entraîneur hongrois, n'aligne pas Nyilasi, blessé au dos, ni le libero Roth (c'est le demi Kardos qui occupe sa place), pas tout à fait rétabli d'une récente opération. Santana, lui, a beaucoup plus de soucis. Si Carlos est remplacé par Leao dans les buts et si la défense, composée de Edson (Corinthians), Oscar, Mozer (Flamengo) et Dida reste inchangée, le milieu a une allure complètement différente par rapport au match contre la R.F.A. : Falcao (Sao Paulo F.C.) laisse sa place à Elzo (Atlelico Mineiro) et Casagrande (Corinthians) passe au poste d'avant-centre (tenu à Francfort par Careca du Sao Paulo F.C.) pour donner le numéro 10 à Alemao (Botafogo).

L'équipe du Brésil face à la Hongrie
En ce qui concerne Socrates (Flamengo), sa blessure invoquée paraît plus diplomatique qu’autre chose, l'entraînement de la veille de la rencontre s'étant bien passé techniquement pour lui. Mais un geste de mauvaise humeur vis-à-vis de Santana laisse à penser que quelques mots ont été échangés entre eux. Il ne joue donc pas contre la Hongrie et c'est Silas (Sao Paulo F.C.), champion du monde junior l'été dernier à Moscou, qui décroche sa première sélection. Müller (le même âge, le même titre), blessé, est remplacé par Renato, du Grêmio de Porto-Alegre.

C'est d'ailleurs ce même Renato qui va être le seul Brésilien à se mettre en évidence. Car pour ce qui est du reste de l'équipe, quel fiasco! Rarement une équipe « do Brasil » n'a été autant humiliée que lors de ce match. Sous les yeux d'Henri Michel - certainement perplexe devant ce qui se déroule, les hommes de Mezey passent au laminoir ceux de Santana. Ceux-ci résistent trois petites minutes de plus que face à la R.F.A. Et c'est encore sur un coup de tête (Detari en est l'auteur) qu'ils encaissent leur premier but. La sortie de Bognar (remplacé par l'Auxerrois Burcsa) n'infléchit pas la domination des Hongrois. Malgré les déboulés de Renato qui se joue régulièrement de tous les défenseurs adverses et les quelques escarmouches de Casagrande (meilleur en avant-centre qu'au milieu), Kovacs et Esterhazy marquent chacun une fois pour offrir à leur équipe et à leurs supporters une confortable victoire. Sallai, Garaba, Hannich, Detari et Esterhazy ont montré tout leur talent et infligé aux Brésiliens une punition qui pourrait bien remettre beaucoup de choses en question. Car Santana n'est pas sorti de l'auberge. Tout est contre lui. La pression est immense et s'exerce de plusieurs côtés à la fois. Ne parlons pas bien sûr des supporters qui, au pays, ne veulent pas croire à cette débâcle. Après tout, ces deux résultats ne comptent que pour du beurre. Seule la Coupe du Monde est l'unique objet des vingt-quatre qualifiés à l'heure actuelle. Et puis, les Européens ont l'avantage du climat pour l'instant (au Mexique il fera au moins trente degrés de plus) et sont en pleins championnats. L'absence des exilés italiens est égaIement fondamentale. Leur expérience va apporter un plus pour le moins nécessaire. Et de la rigueur, car c'est peut-être ce qui manque le plus en ce moment dans cet ersatz d'équipe du Brésil. La pression est immense aussi du côté des dirigeants. Les élections mouvementées du mois de janvier ont laissé des traces. La lutte pour le pouvoir entre Rio (dont est issu le président Guimaraes) et Sao Paulo (qui a largement facilité sa victoire) est toujours aussi intense. Dans ces conditions, le football n'a rien à gagner. Car l'organisation du football au Brésil n'a pas évolué. Les championnats d'Etats et la Taça de Ouro (le championnat national) continuent d'opposer des clubs de niveaux très différents et qui nivellent ce sport par le bas. Certes, en 1987, un véritable championnat (avec une division 1 à vingt clubs et des montées et descentes suivant les modèles européens) sera organisé mais le retard est pris. On a vu que si l'entourage de la sélection est redoutable, un homme à lui seul est le danger n° 1.

Il s’agit de Zagallo. Entraîneur victorieux en 1970, entraîneur vaincu en 1974, joueur victorieux en 1958, joueur vaincu en 1954, il est aujourd'hui consultant pour TV Globo. Grand favori pour le poste de sélectionneur, la ferveur populaire lui a préféré Santana. Omniprésent avec la sélection, beaucoup lui demandent son avis et Zagallo ne se gêne aucunement pour l'étaler. Un de ses arguments rabâché, est que si le Brésil l’avait emporté en 1970 c’est parce qu’il avait le mieux préparer à jouer une coupe du monde en altitude. Ainsi les coéquipiers de Pelé au fur et à mesure de la compétition avaient démontrés leur supériorité physique sur leurs adversaires. En 1986, les 23 autres nations auront retenus la leçon et seront tous au même pied d’égalité (plus ou moins). C’est donc par le jeu que les brésiliens doivent trouver leur salut et les dernières sorties des hommes de Santana, laisse très perplexes Zagallo sur les chances de succès. Cette présence est insupportable pour Santana, même s'il n'ose pas l'avouer. Même en conservant leur sélectionneur, les jaune et vert sont encore loin de pouvoir décrocher le titre suprême. Aucun joueur, par exemple, n'a suffisamment de personnalité pour être le leader de l'équipe sur et hors du terrain. Edson à droite, Dida ou le rugueux Branco (Fluminense) à gauche manquent de talent. Raul (Grêmio) et Zé Teodoro (Corinthians) vont-il être appelés ? Il n'y aurait rien d'étonnant. Mais Leandro et Edinho, en reprenant leur place, devraient donner à cette défense une plus belle allure. Junior a de grandes chances de jouer en demi, mais avec qui ? Falcao et Cerezo semblent les mieux placés, bien que ce dernier soit un peu trop tourbillonnant, même pour ses partenaires. Zico et Socrates risquent, eux, de ne pas connaître le Mexique, mal remis de leurs blessures. Seul Silas, qui montre un peu de tempérament, a une place à gagner. Quant à l'équilibre défensif-offensif, il est rarement assuré, le joueur brésilien ayant, naturellement, une aversion pour le marquage. L'attaque, enfin, peut compter sur Renato (ou Müller), Casagrande (ou Careca) et, éventuellement, sur Dirceu en faux ailier gauche, toujours utile s'il est en forme, mais très décrié.

Et pour l'adresse face au but, elle viendra le jour où les occasions se présenteront de nouveau. Télé SANTANA au gré d’un Brésil retrouvé au mois d’avril va conserver sa place. Quatre matchs à la maison en avril 86 et autant de victoires, 4-0 face au Pérou, 3-0 face à la RDA et même score face à la Finlande. Le dernier match a lieu au Maracana face à la Yougoslavie, le match marque le retour de Zico en sélection et le Pelé Blanc ne va manquer ses retrouvailles avec la séléçao. Victoire 4-2 du Brésil avec un hat-trick de Zico, Careca clôturant la marque. Zico est la principale interrogation de cette sélection son genou va-t-il tenir. Santana lui ne doute pas, le Pelé Blanc sera du voyage : « Zico mérite d'être là, même légèrement diminué, car il est capable de faire basculer un résultat à tout moment. »

En tout cas le Brésil arrive au Mexique soudé, comme on peut le voir sur ce clip, ou les joueurs poussent la chansonnette. La synchro entre les images et le son est pas terrible car c'est moi qui l'ai faite en récupérant cette vieille vidéo et le MP3 de la chanson. J'espère que vous serez indulgent, en tout cas le document est assez rare pour la mériter, non ?


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