Mexico 86 : Michel PLATINI

Le meilleur du monde

Sa saison 85-86 en chiffres : 30 Matchs en championnat et 12 buts. 3Champion d'Italie avec la Juventus de Turin. 7 Matchs en coupe d'Europe des clubs champions et 4 buts (Élimination en 1/4 de finale face au FC Barcelone). 4 Matchs en coupe d'Italie, pour 1 but, la Juve éliminée par Côme en 1/8ème de finale.

La star du football français. Celui qui, par sa seule volonté et son talent, peut faire basculer le sens d'un match à tout moment. Parce que Michel Platini, c'est tout simplement le meilleur joueur du monde. Ce sont les gros calibres du foot international, interrogés par le quotidien italien « Tuttosport », en novembre 1985 qui l'affirment. Leur verdict: Platini nettement détaché devant l'Argentin Diego Maradona et le Brésilien Zico. Tout a vraiment commencé pour lui un jour de mars 1976. France-Tchécoslovaquie au Parc des Princes, avec d'autres débutants comme Didier Six ou Maxime Bossis. Dès cette première sélection, Platini prouve que les Bleus ne pourront plus vivre sans lui. Meneur de jeu d'exception, il est aussi un formidable tireur de coup franc (aucun gardien de but ne lui a résisté dans cet exercice de style) et un buteur hors concours: à la fin 1985 avec 39 réalisations, il était très largement en tête au classement du meilleur buteur sous le maillot de l'équipe de France. Loin devant Just Fontaine et ses 30 buts. 

Michel Platini a toujours fait l'unanimité, dès ses premiers matchs, chez les professionnels à Nancy, puis, chez les Verts de Saint-Étienne et ces dernières saisons dans le «calcio» italien, avec la célèbre Juventus Turin. On retrouve des mots signés Henri Michel: « Platini, c'est l'espoir et le génie. Platini, c'est le joueur qui sait tout faire ». Ou encore ceux de Dino Zoff, l'ancien gardien de la Juve : « Platini, c'est Rambo. Rien ne résiste sur son passage! » Conséquence: un palmarès en béton. Le plus beau pour un joueur français, à ce jour Coupe de France avec Nancy, Championnat de France avec Saint-Étienne, Coupe d'Europe des coupes, Coupe d' Europe des champions, vainqueur de la coupe intercontinentale, champion d'Italie, coupe d'Italie avec la Juventus de Turin, champion d'Europe des Nations et demi-finaliste du Mondial 82 avec l'équipe de France. Et enfin, trois Ballons d'or consécutifs (1983, 1984, 1985), le record dans le genre pour un trophée désignant le meilleur joueur européen. Michel Platini, c'est enfin l'homme de tous les grands rendez-vous. Il exerce un formidable ascendant moral sur ses équipiers. A qui il communique son unique credo: « Seule la victoire est importante ».


Voici l’interview de Michel PLATINI 6 jours avant France-Canada dans France Football : 


Avant de pencher sur la coupe du monde et sa préparation. Il n’est pas trop tard pour revenir sur votre saison italienne. Qui influera sans doute sur votre production de Juin. Que doit-on en dire ?

Avec la Juve, nous étions partis pour gagner la Coupe intercontinentale des clubs. Nous l'avons gagnée. Pour le reste, nous avons été très bons, très efficaces, pendant six mois. A cette époque, c’était en début de saison, nous avons pris, je crois, vingt-sept points sur trente en Championnat. Le parcours idéal, d'autant qu'il s'agissait pour le club d'une année de transition.


Et après?

Après, nous avons perdu notre mentalité de gagneur. Les jeunes, surtout. Enfin, je parle des jeunes et je vais me faire taper sur les doigts. Je ferais mieux de dire que c'était la faute de la collectivité toute entière. Et ma faute aussi, parce que je n'ai pas été très bon, moi non plus. Pour finir, Rome a effectué un super retour en gagnant là où nous ne faisions que match nul. Mais ce sont les Romains qui ont craqué les premiers.


Vous dites que vous n’avez pas été à la hauteur depuis le début de l’année. C’est une coquetterie ?


Plutôt une tendinite que j'ai trainée pendant quatre mois. Avec la Coupe d'Europe et le Championnat, je n'ai pas eu le temps de me soigner. Or, la seule solution pour faire disparaître le mal, c'est le repos complet. Alors, faute de mieux, je ne me suis quasiment pas entrainé cette année, et physiquement, pendant les matches, j'étais cuit.

  
Ce n'est pas très encourageant pour le Mondial à venir. ?

Au contraire! Obligé de m'économiser durant quatre mois, je suis en bien meilleure forme aujourd'hui que les fins de saison précédentes.


On a l'impression que la Juve, avec vous, N'avait pas vraiment de ligne directrice cette année ?

Mais ça, je l'avais dit au début du Championnat. On avait perdu huit joueurs, remplacés par huit nouveaux, et il était inévitable qu'on connaisse des hauts et des bas. Et puis Serena et Briaschi se sont blessés.

La Coupe d'Europe justement. Vous n'avez pas eu un sentiment de gâchis après notre élimination face à Barcelone ? Et après avoir regardé la finale de Séville à la télévision ?

Du gâchis? Non. C'est comme ça. On a fait deux bons matches et il nous a manqué presque rien pour passer. Le reste, c'est de l'histoire.


Mais on pouvait penser que vous, Michel Platini, aviez envie de prendre une revanche sur la finale de l'an passé. Sur les événements du Heysel, sur la façon dont vous aviez gagné ce jour-là

La finale de la Coupe d'Europe à Bruxelles, on l'a gagnée sur le terrain. Qui peut laisser croire que Liverpool s'est volontairement laissé battre? Il y a eu un match de football que la Juventus a remporté et le reste n'a rien à voir. Il regarde la conscience de chacun.


Finalement, cette élimination face au Barca ne vous a pas traumatisé. Disons que vous vous êtes vite fait une raison ?


Disons que je deviens plus philosophe avec l'âge.

Il parait que la presse italienne ne vous a pas épargné cette année ?

C'est faux. Les journalistes savaient que j'étais un joueur diminué durant les matches. Mais heureusement que j'avais fait mes preuves avant!

Trapattoni ne sera plus l'entraineur de la Juve la saison prochaine. Est-il exact que vous avez déclaré : « C'est malin, il insiste pour que je prolonge mon contrat et puis il s'en va ! » ?

Je l'ai dit comme ça, oui. Mais c'était une boutade. Pour rigoler. De toute façon, il fait ce qu'il veut, Trapattoni. Il m'a tout fait gagner et j'aurais bien tort de lui en vouloir maintenant. Simplement parce qu'il s'en va voir ailleurs.


Mais vous regrettez son choix ?

Je ne peux pas le dire. Ça ferait mauvaise impression vis-à-vis de celui qui va arriver pour le remplacer. Il le prendrait mal. Cela dit, j'étais plus lié à Boniek qu'à Trapattoni. Et quand Boniek est parti pour Rome, je n'en ai pas fait une maladie.



Celui qui va le remplacer, c'est Marchesi, ex-entraineur de Côme. Que savez-vous de lui ?

Rien. J'ai demandé à Boniperti et il a refusé de me répondre.

Sans blague ?

Après la Coupe du monde, on aura deux mois pour se préparer et apprendre à se connaître. Ça sera suffisant.

Vous y pensez déjà, Dans quel esprit aborderez vous cette nouvelle saison qui sera ou ne sera pas votre dernière au plus haut niveau ?

Pour gagner tous les matchs, remporter le Championnat et la Coupe des champions.

Avec toujours les mêmes motivations ?

La motivation, à mon niveau de jeu, elle existe tout le temps, mais, avec l'âge, j'aborde différemment les matchs.

A propos, revenons en France et parlons transferts. Ce que vous avez pu lire avant de rejoindre vos camarades de la sélection vous a fait sourire, vous a choqué ?

Ni l'un ni l'autre. Le football existe de nouveau en France depuis dix ans environ. Il est porteur et vendeur puisque des gens tels que Bernard Tapie et Jean-Luc Lagardère s'y intéressent. Il n'y a rien de plus normal qu'il soit reconnu et que les joueurs en profitent.

  
Prenons l'exemple de Ferreri qui va à Bordeaux. Ferreri, c'est un peu le jeune Platinil qui quitte Nancy pour Saint-Etienne et qui, plus tard, rejoindra l’Italie ?


Ça fait huit ans déjà, Ça ne me rajeunit pas, La différence c'est que, moi, j'avais signé pour deux années. Lui, pour cinq ans !


Dans tous les domaines, les tarifs ont augmentés ?

Moi, je suis content que le « petit» aille à Bordeaux. C'est bien pour lui. Et si on offre beaucoup d'argent aux joueurs, c'est qu’ils le méritent, que ça plaise ou pas. C'est quand même incroyable qu'on attaque les footballeurs pour la seule raison qu'ils sont bien payés.

Ce ne sont pas les joueurs qui sont attaqués. C'est plutôt le sujet tabou de l'argent. Et vous ne faites rien pour éclairer les lanternes ?

Qu'on note les joueurs sur le terrain et point final. Mais c'est vrai qu'en Italie les choses sont plus claires. Là-bas, à la Fédération, n'importe qui peut se procurer les chiffres concernant les salaires. Ils sont transparents, sauf ceux des transferts. Et ils sont noir sur blanc dans les journaux.

Et ils sont exacts ?


Oui. Ça ne choque personne à ce que je sache.

Vous croyez que les statuts du football français ne seront pas bientôt dépassés, que ses structures ne seront plus à la hauteur ?

Je n'en sais rien. Je crois qu'il faut discuter, dialoguer, éventuellement réévaluer et vendre correctement notre sport. A sa juste valeur. Il faut, par exemple, réexaminer les rapports football télévision.

Comment les italiens voient-ils ce remue-ménage ?

Oh ! Les Italiens, ils s'intéressent surtout à l'équipe de France et à son style de jeu. J'essaie de montrer des buts du Championnat de France dans mon émission de télé, mais eux, ils se passionnent essentiellement pour les compétitions anglaises, espagnoles, argentines, brésiliennes. Ce sont, en football, tous leurs adversaires historiques.

Quand vous voyez cette inflation dans les transactions, vous n'éprouvez pas un peu de regret d'arriver en fin de carrière ?

Je crois qu'il serait assez malvenu de faire pleurer les gens sur ma situation financière. Moi, je n'ai aucun regret. Jamais. Et puis, j'ai été, dans le domaine, un précurseur. Le premier en France à gagner beaucoup d'argent en jouant au football.

Oui, mais aujourd’hui certains de vos co-équipiers en équipe de France, gagnent peut être plus que vous ?

Ça, ça m'étonnerait ! Non, c'est encore une boutade. J'ai fais ce que j'ai voulu en me faisant plaisir et je suis loin d'être à plaindre.


Il est évident que durant la préparation de la coupe du monde Coupe de monde, qui continue, vous supportez de moins en moins la pression qu'exercent sur vous les supporters et les journalistes

Ça fait six mois que je reçois des journalistes du monde entier, y compris les Chinois et les Japonais, qui viennent me demander qui va gagner le Mondial. Ça me dérange un peu de répéter toujours les mêmes choses. Si vous étiez à ma place, vous comprendriez peut-être.

Journalistes, photographes, foules …Il n'y a pas chez vous une forme de saturation, ou de mauvaise volonté ?

Je crois que je n'ai pas beaucoup changé depuis dix ans.Je ne peux pas supporter la vue de l'objectif d'un photographe, c'est plus fort que moi. Et la foule me fait peur.


Pour un footballeur de haut niveau, c'est le bouquet.

Je n'ai jamais aimé la foule et ses mouvements. Lorsque je suis sur un terrain, j'essaie de l'oublier, de faire le vide.

Il reste que vous avez signé beaucoup de contrats particuliers

Tout est réglé depuis six mois.

Avec Antenne 2 par exemple ? Et en grande pompe ?

Je n'étais pas demandeur et j'ai trouvé le boulot plutôt marrant. Essayer d'expliquer ce qui se passe vraiment dans le groupe, c'est intéressant. Et puis, ça me permettra de me concentrer sur autre chose que le football durant la compétition. Du moins, de temps en temps.


Que pensez-vous de la façon dont l'équipe de France a vendu son image durant ces dernières semaines ?

J'en pense du bien. Moi, je fais partie du groupe, c'est à dire que je suis un vingt-deuxième de celui-ci, et au niveau des autres. Il faut savoir qu'à trois ou quatre nous aurions pu enlever tout le marché. Mais il est normal qu'on ait partagé.


Apparemment, vous n'y avez pas mis beaucoup d'enthousiasme. Notamment durant les séances de photos qui se sont déroulées à Font-Romeu ?


Il est normal, je le répète, que je me plie à la collectivité, Mais il ne faut quand même pas me demander d'éclater de rire durant les séances. Je travaille pour Fiat toute l'année et je pose pour Opel. J'ai ma propre ligne de vêtements et j'enfile des Lee Cooper...


Vous avez le sentiment, à Font-Romeu et puis à Tiaxcala, de préparer un grand événement ?

On a surtout l'impression que, quoi qu'il arrive, on ne pourra pas nous reprocher grand-chose. Et c'était le but de notre préparation. Maintenant, nous savons Qu'il y a dix ou douze équipes nationales qui se valent, qui peuvent gagner, qui sont aussi bien préparées que nous, et la compétition va ressembler à une loterie à partir du deuxième tour.


Sur ce qu'on a vu jusqu’à maintenant, ce n'est pas évident. Jusqu'à preuve du contraire, les favoris ne son pas à la hauteur. On l'a vu avec l'Uruguay et l'Argentine au Parc, le Brésil qui piétine, la RFA qui se cherche… Apriori, ça ne joue pas dans le sens d'un mondial de bonne qualité ?

Le jeu sera différent au Mexique, Les équipes hyper•préparées, Et puis la qualité, la qualité,., il faut savoir ce qu'on veut. Avec la France on a déjà mal joué et gagné. Il nous est arrivé aussi de bien jouer et de perdre. A Séville, par exemple. Il ne sera pas simple d'évoluer de façon décontractée en sachant qu'en cas d'échec on va remettre en question le football français tout entier.

Mais vous vous attendez à un mondial joyeux ?

Nous, en tout cas, on va être gais, on va jouer gai. C'est une chose certaine et c'est ce qui fait notre force et notre popularité, A partir de là, les meilleurs vont sortir du premier tour et la loterie pourra commencer. Nous pouvons très bien rentrer tout de suite à la maison ou ailer au bout. Pour un petit rien, en plus ou en moins.

Carlos Bilardo, le sélectionneur argentin, a déclaré qu'à la Coupe du monde ce ne seront pas les individualités tels que vous ou Maradona qui feront la différence, mais les collectivités. Vous êtes d'accord?

Il n'y a rien de nouveau là-dedans. Il n'existe pas de grand joueur sans grandes équipes. L'essentiel, c'est que chacun donne le maximum de lui-même pendant un temps donné. Disons que, pour certains, le maximum ne se situe pas très haut et que, pour d'autres, il est plus élevé.

 

Une autre citation. C'est Michel Hidalgo qui dit que par rapport à 1982, les piliers de l'équipe de France auront quatre ans de plus. Et que ça comptera.

Durant une compétition comme celle-là, toutes les valeurs habituelles sont faussées. L'âge ne compte plus parce qu'on ne se prépare pas pour une saison de neuf mois, mais seulement pour trois, quatre, voire six matches. Et à trente et un ans comme moi ou trente-trois ans comme Giresse, on connaît assez bien son corps pour maîtriser toutes les données. Et conduire une préparation qui nous amène au top-niveau au bon moment. Ni trop tôt ni trop tard.

Revenons à vos performances individuelles. Si l'on excepte le Championnat d'Europe 84, vous n'avez jamais été transcendant lors des phases finales des grandes compétitions. Lors des deux dernières Coupes du monde notamment.


En 1978, j'avais vingt-deux ans et je n'ai joué que deux matchs. En 1982, en Espagne, j'étais très content de ma Coupe du monde. Disons que, les autres fois, l'équipe de France partait un peu dans l'inconnu tandis que là on connaît parfaitement nos moyens et notre valeur. C'est mon cas également.

Ça vous gêne -beaucoup que le public vous désigne comme le favori numéro 1 de l'épreuve ?

Je pense que les gens qui nous font confiance ont de bonnes raisons de le faire. Moi, franchement, je ne sais pas ce que ça va donner. Surtout avec des qualifications qui vont se jouer sur un seul match à partir des huitièmes de finale.

On connait à peu près l'équipe qui entamera l'épreuve. Sauf en attaque. Et là, il semble que vous ayez un faible pour Jean-Pierre Papin. A son sujet, vous avez déclaré qu'il serait une des révélations du Mondial.

J'ai dit cela parce qu'il est français. Et que si un Français se révèle durant la compétition, c'est que l'équipe de France aura réussi à s'imposer. J'ai parlé de Papin, j'aurai pu citer Bellone.


Mais enfin, Papin ...

Je l'aime bien, Papin, c'est vrai. Mais ce n'est pas moi qui fait l'équipe, figurez-vous. C'est l'affaire d'Henri Michel.


Vous avez achevé, il y a peu, le tournage d'un film sur votre carrière, d'ailleurs récemment diffusé à la télévision. Ça sent un peu la sortie de l'artiste, non?

Un peu, oui. Maintenant, les petits coups de début de carrière, quand j'étais gamin, deviennent des gros coups: un film, un livre plus tard, une dernière Coupe du monde. On pourrait plutôt dire qu'il s'agit désormais pour moi de coup par coup.

Ce sont les derniers? Pour ce qui concerne Platini footballeur professionnel ?

Il faut voir ce qui va se passer au mois de juin. Si tout va bien, j'irai peut-être jusqu'au prochain Championnat d'Europe des nations. Mais, après tout, je n'en sais rien. On verra demain.»

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