Comme on l’a vu lors du tirage au sort de la coupe du monde 1986, les français étaient plutôt confiants à l’idée d’affronter les soviétiques. Et ce principalement pour deux raisons. La première c’est que lors des dernières saisons à chaque fois que les français les ont rencontrés, bien qu’ayant soufferts, ils ont à chaque fois réussit à ramener un résultat positif. La dernière en date datait de 1983 au Parc et qui se soldait par un bon match nul 1-1 (avec un but de Luis FERNANDEZ, son premier chez les bleus).
Lors de la saison 1984-85, Bordeaux, bien qu’ayant souffert avait tout de même sortit en coupe d’Europe des Clubs champions le Dniepr Dniepropetrovsk de Litovchenko et de sa superstar Oleg PROTASSOV. Ensuite il faut dire que lors de ses dernières sorties l’URSS n’a pas convaincu depuis son excellent mondial 1982. On avait vu lors du sujet sur Rinat DASSAEV et sur le Brésil 1982, que l’URSS avait fait plus que tenir la dragée haute aux brésiliens de Télé Santana et il faudra deux exploits de Socrates et d’Eder pour que l’ours soviétique plie en toute fin de rencontre. L’URSS par la suite s’offrira un bon mondial, loupant la demi-finale au goal average au profit de la Pologne. C’est Valéri LOBANOVSKI, l’entraineur du Dynamo de Kiev qui avait pris la suite de Konstantin BESKOV juste avant le mondial espagnol. Cependant malgré un mondial satisfaisant, LOBANOVSKI va se faire évincer de la sélection en 1983 après une défaite au Portugal dans les éliminatoires synonyme de non qualification à l’Euro 84. Pour les dirigeants soviétiques Lobanovski était coupable « d’erreurs graves » et de fait d’avoir jeté la honte sur la nation avec cet échec. Il est donc prié de retourner à ses affaires du côté du Dynamo de Kiev.
C’est Eduard MALOFEEV qui le remplace. Dans un groupe de qualifications assez compliqué, l’URSS débute très mal (défaite en Irlande et match nul en Norvège). Après s’être refait une santé contre la Suisse, les soviétiques chutent lourdement face à la nouvelle terreur d’Europe du Nord : le Danemark. Pour les hommes de MALOFEEV, il ne reste plus 36 solutions pour aller au Mexique, ils leurs faut remporter leurs trois derniers matchs. Comme le hasard est bien fait ces trois rencontres ont lieu à domicile, la dernière face à la Norvège est même un cadeau de la FIFA. Mais avant d’affronter les scandinaves, il va falloir disposer dans l’ordre du Danemark et de l’Irlande à Moscou.
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L'URSS 1985 sous MALOFEEV |
L’URSS réalise une véritable performance le 25 septembre 1985 en battant les redoutables Danois au sommet de leur art. Une victoire 1-0. Voici le résumé de la rencontre.
Un mois plus tard, c’est quasiment une finale auxquels les 100 000 spectateurs du Stade Lénine viennent assister. Le 16 octobre 1985, l’URSS reçoit l’Irlande pour un match décisif pour empocher le second billet du groupe pour le mondial mexicain. Feodor TCHERENKOV et Oleg PROTASSOV en propulsant le cuir au fond des filets envoient tout ce joli monde au Mexique. Voici le résumé de la rencontre :
Bien qu’ayant fait le plus dur, les soviétiques trembleront dans leur dernière rencontre face aux norvégiens (victoire 1-0), mais MALOFEEV a réussi sa mission, pourtant mal engagée, d’envoyer l’URSS au Mexique. MALOFEEV ancien joueur du Spartak de Moscou et du Dynamo de Minsk, contrairement à beaucoup de sélectionneur des pays de l’Est à cette époque, ne puisait pas ses joueurs dans le vivier des un ou deux plus grands clubs du pays. Ainsi l’équipe d’URSS n’était pas seulement la copie du Dynamo de Kiev ou du Spartak de Moscou (contrairement aux équipes de Lobanovski ou de Beskov).
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L'URSS 1986 sous Lobanovski |
Deux jours plus tard, MALOFEEV est remercié et remplacé par Lobanovski, à moins d’un mois du début du mondial et du premier match face à la Hongrie. Trois jours après sa nomination, LOBANOVSKI doit composer sa première sélection pour un dernier match amical face à la Finlande. Alors est-ce par faute de temps ? Par souci de revanche personnel ? Ou tout simplement une habitude inculquée par le régime soviétique ? En tout cas en 3 jours Lobanovski fait sa révolution ; Exit le melting pot d’URSS et place en force à la diaspora ukrainienne et plus particulièrement celle du Dynamo de Kiev. Exit Khidiatouline, Chivadze, Gotsmanov, Litovchenko même le génial Tcherenkov fait les frais de la Perestroïka made in Lobanovski. Les nouveaux venus sont Rats, Kuznetsov, Yaremchunk, Yakovenko, Belonov, Zavarov, les hommes de bases du Dynamo de Kiev. Seuls 3 joueurs arrivent à préserver leurs statuts de titulaires tout en évoluant pas à Kiev. Le héros national Rinat DASSAEV considéré comme le meilleur gardien du monde (voir le sujet sur Dassaev). Le brillant milieu de terrain Sergueï Alenikov, joueur de l’année en URSS en 1985. Enfin le dernier à conserver sa place est la grande star annoncée :
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les 22 convoqués, et on observe bien la "kievisation" de l'effectif |
Des français qui a quelques jours de débuter le mondial ont grandement changé d’avis sur les joueurs soviétiques. Giresse qui pourtant était des campagnes favorables en 1983 avec les bleus et en 1985 avec les Girondins face à Dniepr, laisse place à la méfiance : « Dans ses grandes lignes, dit-il, le jeu soviétique n'a pas évolué, et si parfois quelques individualités comme Blokhine sortent du carcan, elles sont rares. Je me souviens qu'à Paris nous avions souffert durant la première demi-heure. Ça partait de tous les côtés. C'était impressionnant physiquement. Il sera préférable de les jouer en altitude. J'espère que les conditions naturelles les brideront. En 1983, comme à Lyon récemment, ils ont joué à deux cents à l'heure, tout en n'oubliant pas d'ajouter à leur méthode une touche de finesse ». Jean TIGANA qui lui aussi était de ces rencontres avec Gigi et qui a la mémoire plus longue se souvenant, mais c’est normal, de sa première sélection à Moscou en 1980 : « C'est un bon souvenir. Ce fut un très bon match. Nous l'avons perdu 1-0 et tout le monde était content. Trois ans plus tard, l’équipe d'URSS avait progressé et l'arrière gauche Demianenko m'avait fait une énorme impression. Les courses, les percussions à un ou deux avaient bien failli nous faire craquer. Dniepr avait le même style que Kiev en moins confirmé. ». On continue dans les citations. Luis FERNANDEZ pour qui affronter l’URSS lui rappelle des bons souvenirs. En 1983, pour sa troisième sélection, il inscrivit son premier but en équipe de France, seul but français de la rencontre. Il se rappelle: « Il s'agit d'un bloc difficile à manœuvrer, rude, pénible à affronter, devant lequel on sait de toute façon que l'on va souffrir. ». « C'est un football très difficile à contrecarrer et qui revient très fort actuellement ; l'arrivée à la tête de la sélection de Lobanovski ne pouvant que nous inquiéter », ajoute Max Bossis.
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Le groupe soviétique avant de partir au Mexique |
Tout comme Rinus MICHEL, LOBANOVSKI a conscience que le football total exige de la part des joueurs une condition physique nettement au dessus de la moyenne. Son football tend à l’efficacité absolue grâce à une grosse santé physique (je ne vais pas revenir sur les suspicions de dopage mais quand on connait le contexte de propagande sportive en Europe de l’Est à l’époque, il faut tout de même toujours le garder dans un coin de la tête), à sa vitesse, sa sobriété et sa perfection collective. Le jeu soviétique s’efforce de garder au mieux le ballon derrière, le faire circuler pas des dédoublements, des passes latérales pour très vite l’amener dans le camp adverse. C’est un sentiment curieux car, collectivement c’est très fort et alors que l’équipe adverse n’a pas le ballon, les soviétiques font circuler la balle longuement avant de la faire remonter très vite dans le camp adverse, si bien qu’on à l’impression qu’ils n’agissent que par contre attaque alors qu’ils monopolisent le ballon. Ce qui est curieux c’est que cette force est peut être le point faible de la cuirasse.
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Mémorial Valeri Lobanovski |
L’analyse des français est assez intéressante. Car ce jeu fait de multiplications de passes manque d’excès d’individualisme nécessaire dans les derniers mètres. C'est sans doute pourquoi Oleg PROTASSOV accaparait beaucoup l'attention des médias. Cette équipe au collectif parfait, avec dans les cages le meilleur gardien du monde n'offrait qu'un seul défaut, son manque de réalisme. Et voilà que tout d'un coup le profil type de l'avant centre, renard des surfaces, le buteur par définition, aux antipodes des caractéristiques des joueurs soviétiques, apparaissait du fin fond de l'Ukraine. Un jeune avant-centre de 22 ans meilleur buteur européen, venait colmater les brèches de l'effectif de Lobanovski.
Alors, plutôt que de regarder l'effectif, c'est dans la durée et les conditions de ce mondial qu'il faut voir un espoir de terrasser l'OURS d'URSS. En effet le jeu made in LOBANOVSKI demande des efforts physiques impressionnants de la première à la dernière minute et il est légitime, sur la durée d’une longue compétition comme la coupe du monde, de se demander si les joueurs soviétiques pourront reproduire tant d’efforts à chaque match. D’autant qu’à 2 000 m d’altitude, par 45°c au soleil en plein après midi, elles vont leur paraitre loin leurs plaines d’Ukraine aux joueurs soviétiques. En tout cas le mot de la fin, je le laisse au menhir de Plouvorn, Yvon LE ROUX : « Je n’aime pas beaucoup les rencontrer. Ils sont froids. Ils ne disent pas un mot. On a l’impression que pour eux rien n’est difficile. Quand ils prennent un coup, ils se ressaisissent sans rien dire. Ils ressemblent à des robots. »
Alors, plutôt que de regarder l'effectif, c'est dans la durée et les conditions de ce mondial qu'il faut voir un espoir de terrasser l'OURS d'URSS. En effet le jeu made in LOBANOVSKI demande des efforts physiques impressionnants de la première à la dernière minute et il est légitime, sur la durée d’une longue compétition comme la coupe du monde, de se demander si les joueurs soviétiques pourront reproduire tant d’efforts à chaque match. D’autant qu’à 2 000 m d’altitude, par 45°c au soleil en plein après midi, elles vont leur paraitre loin leurs plaines d’Ukraine aux joueurs soviétiques. En tout cas le mot de la fin, je le laisse au menhir de Plouvorn, Yvon LE ROUX : « Je n’aime pas beaucoup les rencontrer. Ils sont froids. Ils ne disent pas un mot. On a l’impression que pour eux rien n’est difficile. Quand ils prennent un coup, ils se ressaisissent sans rien dire. Ils ressemblent à des robots. »
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