Mexico 86 : Albert RUST

Le remplaçant doré

Sa saison 85-86 en chiffres : 26 Matchs en championnat. 15ème du championnat de France avec le FC Sochaux. 3 Matchs en coupe de France et une élimination en 1/16ème de finale.

Numéro deux dans la hiérarchie des gardiens français, RUST jusqu’au mondial mexicain, sort de presque 10 ans de concurrence avec Joël BATS. Formé au club local de Wittelsheim, Rust évolue comme défenseur à ses débuts avant d'opter pour le poste de gardien. Il rejoint à 19 ans le FC Sochaux, club renommé pour son centre de formation, et atteint assez rapidement l'équipe première, sa constance et ses prises de balles pures pour un jeune gardien étant ses qualités premières. Il prend rapidement le dessus sur le gardien titulaire Eugène Battmann et devient titulaire à partir de la saison 1975-1976. Dès la saison suivante, il connaît une difficile concurrence avec un autre gardien prometteur, Joël Bats. L'entraîneur René Hauss opte pour une solution originale et fait alterner ses gardiens à chaque match afin de dégager une hiérarchie. La situation se dénoue avec le départ de Bats pour Auxerre en 1979. Plus tard, Rust et Bats confieront tous deux que cette alternance aura été le moment le plus pénible de leurs carrières professionnelles. 

En équipe de France, au fil des mois, des années, RUST s’est fait à l’idée d’être numéro 2 et dans les regroupements il est discret, un peu en retrait voir énigmatique. Pourtant cela ne veut pas dire qu’il a fait une croix sur le poste de numéro 1, bien au contraire. Tout d’abord sa carte de visite internationale n’est pas totalement vierge. International junior mais surtout gardien de l’équipe olympique qui a ramené l’or des J.O de Los Angeles en 1984. « Mon plus beau moment de foot. Des sensations fortes, intenses. Impossible de les oublier », raconte-t-il, non sans émotion. Ce voyage pour les jeux de Los Angeles, Michel HIDALGO et Henri MICHEL le lui avaient gracieusement offert parce que le mois précédant, il avait joué à fond le jeu lors des championnats d’Europe des nations. A aucun moment, il n’avait fait part d’une quelconque jalousie à l’égard de Joël BATS, le gardien titulaire. Pourtant, Albert RUST a, lui aussi, des arguments à faire valoir : il est sûr, doté de bons réflexes et d’un gros tempérament. Pour preuve le gardien de Sochaux n’a pas perdu tout espoir de jouer un jour dans la cage des bleus, sûr de lui mais sans fanfaronnerie, il dit simplement « qu’il est convaincu de son talent et qu’il doit rester lui-même »


Mexico 86 : Joël BATS

Le Miraculé

Sa saison 85-86 en chiffres : 38 Matchs en championnat. Champion de France avec le PSG. 8 Matchs en coupe de France et une élimination en demi-finale.

« Je suis un miraculé. Deux fois un miraculé ». Joël BATS raconte, avec un petit sourire,  d’abord son enfance à Mont de Marsan, la ville où le ballon roi est ovale. Mais lui, gamin, il allait tous les dimanches voir ses oncles et leurs ballons rond de footballeurs. Il choisir lui aussi le foot. Ensuite c’est l’été 1982. Le football français est en campagne dans le mondial espagnol. Joël BATS, lui est cloué sur son lit, pour une autre compétition : il doit vaincre une longue maladie. Pour avoir côtoyé la mort, il trouve un autre sens à la vie et prend son crayon et du papier. Les mots courent sur les pages, le gardien se mue ne poète et on verra ce que ça donne à la fin du sujet. Pourtant il ne s’en est fallu de presque rien pour qu’il ne connaisse jamais la gloire. Après un apprentissage « à la dure » au centre de formation du FC Sochaux, vient le temps de la concurrence avec l’autre gardien Albert RUST. Les dirigeants sochaliens n’arrivent pas à choisir l’un ou l’autre. Une entorse au genou pour BATS règle le problème puisque le joueur se retrouve la saison suivante à Auxerre.

Convoi pour l’aventure, il tombe sur un entraineur, Guy ROUX, qui clame sur de lui, comme toujours : « Joël BATS est le meilleur gardien de but du football français ». Michel HIDALGO attendra septembre 1983 pour suivre l’avis du technicien d’Auxerre. Il le sélectionnera pour Danemark-France. Depuis ce voyage à Copenhague, BATS n’a jamais quitté les buts de l’équipe de France. «Je savais qu’un jour, j’aurais ma chance ». Il raconte aussi une anecdote : « Souvent dans la rue on m’arrête et on me demande "Monsieur Rocheteau, vous pouvez me donner un autographe ?" Ça me fait sourire et ça prouve aussi qu’il est une star, et moi, pas encore. » Toujours cette modestie pour un gardien réputé pour sa régularité, son placement, sa souplesse. Pourtant lui il regarde encore les points qu’il doit améliorer et ajoute : « Il y a au moins deux joueurs meilleurs que moi à ce poste : le soviétique Rinat DASSAEV et l’allemand Harald SCHUMACHER. Et j’ai beaucoup à faire encore pour les rejoindre ».


Maintenant revenons un peu sur Joël BATS le poète. En 1986 il a écrit plusieurs textes pour des chansons qu’il a enregistrées. Parmi celles-ci : « Soli solitude » qu’il va interpréter sur le plateau de Champs Elysées, l’émission du samedi soir présentée par Michel DRUCKER. Cette émission était une spéciale sur l’équipe de France, enregistrée juste entre la fin du stage à Font Romeu et l’envol pour le Mexique. Le football entrait dans une nouvelle ère et les footballeurs devenaient des vedettes. EN tout cas, on peut remarquer la force et la cohésion de ce groupe car il y a énormément de respect de la part des bleus lorsqu’ils écoutent le tube de leur ami BATS. Car franchement avec toute l’admiration que j’ai pour cet immense gardien qu’il m’a fait rêver, cette chanson c’est dur de l’écouter sans sourire. J’adore ce passage :

« Tu sais, je t'ai trouvé fatigué l'autre nuit
A la sortie du stade sous ton parapluie
Faut dire que t'avais perdu et mal joué
La faute à ce ballon, à ce tir détourné »

Soli Solitude – 1986 à écouter sans modération


Je me suis écrit une lettre hier soir
Histoire de voir comment va la vie pour moi
J'ai longtemps hésité, assis sur le trottoir
La peur de me déranger, d'être maladroit sans doute
Ce sont les étoiles qui m'ont soufflé les premiers mots

(Chœur)
« Soli solitude »
« Comme une habitude »

Je pense qu'on peut se tutoyer entre nous
Depuis le temps qu'on fait tous deux les quatre cents coups
Tu sais, je t'ai trouvé fatigué l'autre nuit
A la sortie du stade sous ton parapluie
Faut dire que t'avais perdu et mal joué
La faute à ce ballon, à ce tir détourné
J'ai voulu t'offrir un verre, histoire d'oublier
Mais tu as refusé, tu es parti, tout seul

« Soli solitude »
« Comme une habitude »

J'ai rencontré Nathalie au café des Tilleuls
Parait que ça va pas très fort entre vous deux
Tu lui fais des reproches, tu la trouves vieux jeu
Mais ce n'est pas toujours drôle, tu sais, pour elle
Si tu veux un conseil, descend de ton échelle
Regarde-la rêver, écoute-la dormir
Dérange les silences qui la font tant souffrir
Mais je te connais trop bien
Ce sera difficile

« Soli solitude »
« Comme une habitude »

J'écris, j'écris
Mais je sais que cette lettre,
Jamais tu ne la recevras
J'ai lâché le stylo
Le papier dérive dans le caniveau

« Soli solitude »
« Comme une habitude »

Je me suis écrit une lettre hier soir
Histoire de voir comment va la vie pour moi
Elle va, elle va
Sans toi

« Soli solitude »
« Comme une habitude »

« Soli solitude »

Mexico 86 : Henri MICHEL

Le patron

Présentation des bleus avant ce mondial mexicain, avec pour débuter la tournée, le boss, le successeur de Michel HIDALGO : Henri MICHEL. « J’étais cerné par les photographes. Quand j’ai pu enfin respirer, tout le monde était déjà rentré au vestiaire. Et soudain je réalisais que la France venait de se qualifier pour la troisième fois consécutive, pour la phase finale de la coupe du monde ». Ce jour de novembre 1985 (voir le sujet sur le France-Yougoslavie décisif), les bleus s’étaient imposés et avaient remporté le billet pour le Mexique. Henri Michel, lui, à 38 ans savourait discrètement sa victoire. Les honneurs, il avait déjà connu. Joueur, il fut un moment recordman des sélections (58 de 1967 à 1980). Entraineur, il conduisit l’équipe de France à la médaille d’or aux jeux olympiques de Los Angeles en 1984 face au Brésil. Hier, il y avait « la bande Hidalgo », aujourd’hui c’est « l’équipe à Michel » et elle a vu le jour, dans la foulée du titre européen que le football français s’adjugea en juin 1984 et du retrait des affaires courantes de Michel HIDALGO. Henri MICHEL pouvait alors entrer en scène. 

Dans le monde du foot, il aligne de sérieuses références. A 16 ans, en 1965, il débute en division 2 avec son équipe d’Aix en Provence. A l’époque c’est le petit prodige du Sud-Est et de l’équipe de France juniors. L’année suivante tandis que se dispute la coupe du monde en Angleterre, il arrive à Nantes, champion de France. Il avait aussi reçu des propositions très précieuses de Marseille et St-Etienne. Il fera toute sa carrière professionnelle sur les bords de l’Edre. Seize ans durant, il y jouera d’abord milieu de terrain, puis libéro sur les toutes dernières années. Ses détracteurs lui reprochaient sa conduite de balle apprêtée, son buste droit et sa technique quelque peu ronflante. Mais sa mère se souvient de « son » Henri : « Enfant, déjà, il n’aimait pas seulement le sport. Il aimait le geste… ». Au fil des années il deviendra le véritable patron du FC Nantes, et on l’accusera même d’en devenir le Mandarin. A l’heure de tourner la page, de ranger les chaussures à crampons, se pose alors pour Henri MICHEL la question que faire ? Entraineur d’un club professionnel ? Il n’est pas vraiment tenté… C’est à ce moment qu’intervient la fédération, sur proposition et suggestion de Michel HIDALGO. Fernand Sastre, le président de la FFF, offre tout simplement la succession d’Hidalgo avec la possibilité de passer deux années à regarder, à apprendre, à retenir les leçons. Mieux, il peut faire quelques travaux pratiques avec l’équipe de France olympique. 


Ce sera sa première grande réussite avec la médaille d’or dans la chaleur de l’été californien. Une bonne répétition avant d’affronter celui du Mexique, d’été. Hidalgo, lui devient le Directeur Technique National dès le lendemain de l’Euro 84. Le championnat d’Europe des nations remporté par la France. La voie est ouverte pour Henri MICHEL, d’autant que dans un sondage organisé par France Football durant l’hiver 1982, il avait obtenu 39% des avis favorables pour tenir le rôle de sélectionneur, avec plus du double du pourcentage sur le second, Robert HERBIN. Aujourd’hui, Henri MICHEL a remporté son deuxième grand succès : la qualification pour le mondial 1986. Avec un discours pas tellement éloigné, finalement de celui qu’a tenu pendant 8 ans Michel HIDALGO. Le principe d’Henri MICHEL : « J’ai toujours aimé me fixer des objectifs… et les atteindre ». 


Il en a profité pour se faire une image de jeune cadre dynamique BCBG, de jeune commandant performant. Il reconnait que, dans sa fonction actuelle, le plus terrible demeure « la difficulté du choix au moment de composer l’équipe. C’est parfois un crève-cœur ». Il ajoute ne rien avoir changé tactiquement avec une justification « Il aurait été suicidaire de vouloir jouer les grands chefs avec des gens comme Platini ou Giresse ». Enfin glisse t’il, à la veille du mondial mexicain : « Tout peut arriver, Même la plus folle des folies : la victoire en finale contre le Brésil »

En tout cas Henri MICHEL reste cool malgré la pression, mais bon ça c'est grâce aux bons conseils de son ami Bob !


Mexico 86 : Les ratés de Thierry ROLAND

Comme on l’a vu dans le dernier sujet, Henri MICHEL en communiquant sa liste de 22 joueurs pour le mondial mexicain a fait des heureux mais du coup il a fait aussi des malheureux (voir le sujet sur la liste des 22 bleus pour le mondial mexicain). Mais avant ce 24 avril 1986, Thierry ROLAND dans un ouvrage de présentation de cette coupe du monde « l’album officiel de la coupe du monde » n’avait pas attendu la liste du sélectionneur. Il proposait son groupe de joueurs argumentant pour chacun les raisons de sa présence au Mexique. Bon il ne s’était pas mouillé et il avait retenu un peu plus de 22 joueurs, par contre non seulement il a proposé des joueurs qui n’ont pas vu le Mexique mais qui n’ont pas beaucoup vu le maillot bleu durant leur carrière. Retour sur cette liste

Pascal OLMETA : OLMETA c’est un gardien de talent, habité par la rage de vaincre. On lui accord trois points forts : il est spectaculaire, autoritaire, remarquable sur sa ligne. En passant de Bastia à Toulon la saison précédente, il a évolué. Toujours aussi spectaculaire, mais la maturité en plus malgré sa sortie suicidaire, début février devant Brest.

Jean-François DOMERGUE : Une intelligence de jeu et une technique que l’on dit rare pour un arrière latéral. Mieux, il n’est peut être pas un défenseur intraitable mais son sens du but le place toujours là où il faut. Polyvalent, Domergue est aussi à l’aise à droite, au gauche, au centre. Un joueur indispensable dans un groupe.

Philippe JEANNOL : Il était du voyage olympique à Los Angeles, déjà sous les ordres d’Henri MICHEL. Au retour, Philippe JEANNOL affiche une superbe médaille d’or, conquise de haute lutte face au Brésil. Au PSG il devient le libéro de l’équipe, omniprésent en défense sa haute taille lui autorise un jeu de tête efficace devant l’adversaire, il ne craint pas de se mêler aux actions offensives.

Jean-Marc PILORGET : De retour en 1985 après un grave accident de la route qu’il a éloigné 18 mois des terrains. Sur le terrain il impose sa loi uniquement avec sa classe, son talent, son fair-play. Il est passé si près du gouffre, qu’il court encore plus vite sur les bords.

Léonard SPECHT : Deux qualificatifs reviennent depuis plus de 10 ans pour qualifier Léonard SPECHT : joueur modèle et consciencieux. En concurrence avec Yvon LE ROUX, il a la même vision du poste – Il faut essayer d’aller le plus loin possible dans notre rôle. D’abord défendre et marquer l’avant-centre adverse. Ensuite donner de bons ballons. On doit apporter un plus.

Daniel BRAVO : 62 ans d’attente et soudain ce soir de février 1982, la France dominait (enfin) l’Italie. Et cela par la grâce d’un gamin de 19 ans, Daniel BRAVO qui deviendra « le petit prince ». Aujourd’hui Daniel BRAVO joue le plus souvent milieu de terrain et plus attaquant comme à ses débuts. Mais déjà il a sa place réservée chez les bleus. Lui, affirme simplement viser la succession de Platini ou Giresse.

Gérald PASSI : Un soir de janvier 1986, Toulouse dispute un match de championnat à domicile. Au milieu des tribunes, un journaliste parmi d’autres mais pas comme les autres. Lui, c’est l’envoyé spécial du « correiro brazilense » . A l’issue de la rencontre, il déborde de louanges pour le numéro 10 de Toulouse. Les mots de ce journaliste : « Ce numéro 10 est très fort, on ne peut lui faire aucun reproche, il est clair dans le jeu. Il me rappelle Gerson, mieux, je dirais qu’il joue à la brésilienne ».

Philippe ANZIANI : 1981, des mots lancés par Just FONTAINE, le maitre goléador du football français : « Je ne connais aujourd’hui qu’un véritable avant-centre en France. Il n’a pas encore 20 ans, mais son club le FC Sochaux le fiat jouer milieu de terrain quand ce n’est pas arrière latéral ». L’objet de ces louanges, c’est Philippe ANZIANI. ANZIANI peut être terriblement remuant dans la surface de réparation adverse, jaillir tel le chasseur de buts, ou encore peser sur des actions offensives par son jeu de tête.

Mexico 86 : La liste des 22 bleus

Le couperet est tombé le jeudi 24 avril 1986 à 16 heures 30. Ce jour là, au siège de la fédération française de football, Henri MICHEL a communiqué la liste de ses 22 sélectionnés. Analyse à chaud de cette liste, qui a fait des heureux mais aussi des déçus.


Seul devant sa feuille vierge, Henri MICHEL avait vingt-deux cases à remplir, correspondant à vingt-deux joueurs qui vont représenter la délégation officielle des joueurs français pour le Mexique. Une dernière fois en son âme et conscience, il a pesé le pour et le contre, les avantages et les inconvénients que représente le choix de l’un ou l’autre des joueurs. S’il autorise certaines satisfactions, le rôle du sélectionneur débouche aussi sur des déceptions. Même si la liste établie ne présente pas de surprises de taille, légitimement, quelques professionnels qui avaient l’espoir d’être choisis, ont dû éprouver une énorme tristesse à l’énoncé des élus. Trois gardiens, sept défenseurs, autant de milieux et cinq attaquants, Henri MICHEL a respecté l’équilibre quantitatif que nécessite une disposition en 4-4-2.


Force est de constater aussi que le sélectionneur s’est contenté de retenir trois joueurs que l’on peut considérer comme sans grande expérience internationale : Xuereb, 3 sélections), Vercruysse deux et Papin une seule. Comme on s’en doutait, et comme la logique le veut, le mondial n’est pas un banc d’essai. Confiance presque unanime a été votée au groupe des champions d’Europe. Sur les vingt garçons retenus par Hidalgo en 1984, seize vont se retrouver au Mexique. Quatre restent sur le carreau mais pour trois d’entre eux, il y a quelques mois qu’ils n’étaient plus dans la course. La disparition de Bernard Lacombe est logique, puisque l’avant centre girondin a décidé, depuis deux ans, de se consacrer uniquement à son club. La saison de Didier Six, n’a pas convaincu non plus Henri MICHEL. Six, pour l’Euro 84 avait réussi à revenir in extremis dans l'effectif Cette année il n'aura pas réussi son come back. Le retrait de Bravo n'est pas à proprement parler une surprise, puisque l'attaquant monégasque responsable ou victime de la mauvaise saison de son club, paie les pots cassés. Quant au quatrième exclu, c'est certainement celui qui était le moins bien préparé• à cette éventualité. Le Toulousain Domergue croyait dur comme fer qu'il disputerait au Mexique sa première Coupe du Monde. D'autant que Jean-François vient de réussir une excellente saison avec son club qu'il a même qualifié pour une Coupe d'Europe, celle de l’U.E.F.A., en inscrivant le pénalty de la victoire lors de la dernière journée de championnat et que, ne l'oublions pas trop vite, il avait été le sauveur de l'équipe de France contre le Portugal, en demi-finale du championnat d'Europe des Nations. Ce jour-là à Marseille, du pied gauche, il avait réussi deux buts pour l'équipe de France. Henri Michel, connaissant aussi la valeur humaine de Domergue, a certainement eu un cas de conscience douloureux, sachant en outre que ce joueur peut jouer indifféremment arrière latéral, stoppeur ou Iibéro. Seize sur vingt, soit quatre-vingts pour cent de stabilité, en l'espace de deux ans, la France possède l'un des groupes les plus homogènes au monde. L'autre cas de conscience d'Henri Michel a été constitué par le choix du troisième gardien. A part Bats et Rust qui étaient partants sûrs, cette fin de saison a vu l'apparition de jeunes numéros un de talent. Pascal Olmeta, le Toulonnais, a longtemps tenu la corde. 


Formidablement doué et spectaculaire, le Corse a peut-être été victime de son tempérament, à moins que ce ne soit certaines déclarations qui aient choqué les responsables. A la mi-février, c'est Bruno Martini qui a pris la tête des postulants. Son calme, sa discrétion, mais aussi son talent ont fait du gardien d'Auxerre le favori de beaucoup. Dans le sprint final, c'est un troisième larron qui est venu coiffer tout le monde. Le parcours exemplaire de Toulouse, meilleur club des matches retour, a servi les desseins de Philippe Bergeroo. Le Basque de Saint-Jean-de-Luz, valeur sûre de la compétition, va se retrouver à Mexico dans la position qui était la sienne pour l'Euro 84 : celle de troisième gardien. Dans le choix de Michel est intervenu aussi le fait que pendant deux mois, les joueurs vont devoir évoluer en communauté et qu'il faut avoir une habitude certaine de cette forme de vie. Philippe Bergeroo donne sur ce point toutes les garanties possibles. Le trio des gardiens étant constitué, la sélection des joueurs du champ a été moins problématique. Exception faite du cas Domergue, d'autres postulants ont été éliminés sur blessure. Léonard Specht, une première fois claqué au Havre, a vu sa cicatrice s'ouvrir à nouveau lors de la demi-finale retour de coupe de France contre Paris. José Touré, sérieusement touché au genou contre Milan, va manquer une fois encore un grand rendez- vous international. Il est le grand malchanceux de l'équipe de France. Autour de la défense type que l'on peut constituer de droite a gauche d'Ayache, Battiston, Bossis et Amoros, Henri Michel a pris deux polyvalents et un spécialiste. Le spécialiste, c'est Yvon Le Roux, suspendu d'ailleurs pour le premier match et qui a prouvé dernièrement contre l'Argentine qu'il était capable d'entrer de plain-pied et rapidement dans un match. Les polyvalents, c'est Tusseau qui peut aussi bien jouer arrière latéral que milieu défensif, et c'est Bibard qui a son rôle habituel d'arrière droit peut ajouter celui de stoppeur. Le quatuor de la ligne intermédiaire, Tigana, Fernandez, Giresse et Platini a vu ces derniers mois le renfort indiscutable de Ferreri et Vercruysse. Le Lensois peut pallier la défaillance d'un meneur de jeu et l'Auxerrois, dans un rôle encore plus offensif, peut évoluer entre le milieu el l'aile droite. Le retour de Genghini entre dans la même ligne de conduite que la sélection de Bergeroo. Le Monégasque, qui joue en position avancée avec son club, a prouvé en 1982 qu'il pouvait servir l'équipe de France en évoluant comme un milieu relayeur. C'est l'attaque qui a subi le plus grand chamboulement. Si Rocheteau en sera à sa troisième Coupe du Monde, si Bellone était présent en 82 et 84, c'est le baptême du feu pour Stopyra, Xuereb et Papin. 


Le stage de Font-Romeu devrait être décisif dans l'esprit d'Henri Michel pour dégager ses deux attaquants titulaires. Jean-Pierre Papin, qui avait bien plu contre l'Irlande du Nord, n'a pu être revu contre l'Argentine. Yannick Stopyra, comme son club toulousain, a effectué une excellente saison. On connaît son sérieux. Quant à Daniel Xuereb, le Lensois, déjà fort heureux de se retrouver là, il peut être une sorte de joker. En jetant un œil sur les autres sélections nationales, Henri Michel en avait retiré certaines conclusions. La première d'entre elles, était que ce tournoi était réservé aux joueurs d'expérience. La sélection tricolore est dans cette ligne puisque le profil type du joueur français est voisine de ces chiffres. Taille: 1,78 m : poids: 72,5 kg; âge: 27 ans ; nombre de sélections : 23. Voici la philosophie d'Henri Michel appliquée !

Joachim MARX : L'interview exclusive Old School Panini !

Voici la première (mais pas la dernière) interview exclusive pour Old School Panini d’un ancien grand joueur international et champion olympique, j’ai nommé Joachim MARX. Mr MARX,  ancien grand buteur de la sélection polonaise mais aussi du Ruch CHORZOW et du RC Lens, , nous a fait l’honneur de répondre à nos questions. Je dis nous car sur cette histoire on a agit en binôme avec mon ami et grand spécialiste du foot polonais Pascal. Pour faire vite je vais vous raconter brièvement comment mon ami Pascal s’est retrouvé il y a quelques jours dans un train pour rencontrer Mr MARX à Lens. Tout a commencé en novembre dernier lorsque j’ai fait sur Old School Panini un dossier spécial sur le foot polonais pendant mon séjour à Varsovie. Parmi les portraits des principaux joueurs polonais, j’avais fait un sujet sur Joachim MARX. Ce sujet avait fait réagir deux personnes, tout d’abord mon ami Pascal, qui me disait que les raisons de l’absence de Joachim MARX au mondial 1974 étaient plus politiques que sportives (voir les commentaires à la fin du sujet sur Joachim MARX). Et ensuite en privé, c’est un certain Sébastien Marx (fils du principal intéressé) qui me confirmait les dires de Pascal. Du coup j’avais pas mal de questions à poser au fiston sur son paternel et lui de me répondre qu’il serait plus opportun de les poser au principal intéressé, me laissant pour ce faire ses coordonnées. J’évoquais la chose avec Pascal et nous établîmes une liste de questions que vous allez découvrir ci-dessous. Mais je parle trop, Pascal a rencontré Mr Marx le 20 juillet dernier et voici la teneur des propos, c’est passionnant et n’hésitez pas à faire tourner cette interview, véritable témoignage d’une autre époque, d’un football bien loin du football business où la politique avait encore une place très importante. J’avoue que je ne reviens pas encore de l’histoire avec Valéry Giscard D’Estaing.

Pascal et moi nous tenons à remercier Mr Marx pour sa disponibilité et sa gentillesse ainsi que son fils Sébastien qui a permis cette interview, qui a été un grand moment pour nous deux

Mr Marx, où avez-vous commencé à jouer au football ?
J’ai débuté ma carrière dans le club de Sosnica qui est le nom donné à l’une des cités minières de la ville de Gliwice où je suis né. J’y ai joué de onze à quinze ans avant d’évoluer au GKS Gliwice de 1959 à 1963.

Vous rejoignez ensuite le club du Gwardia Varsovie ?
Oui, c’était le club qui dépendait directement du Ministère de l’Intérieur. Il faisait régulièrement l’ascenseur entre la Division 1 et la Division 2, un peu comme Lens en ce moment. J’y suis resté six saisons jusqu’en 1969.

Vous avez ensuite émis le souhait de quitter le Gwardia Varsovie. Pour quelle raison ?L’équipe avait du mal à s’installer durablement en 1ère division et j’aspirais à évoluer dans un club jouant les premiers rôles en championnat et participant régulièrement aux compétitions européennes. Il était important de se montrer à l’étranger qui plus est pour un joueur international comme c’était mon cas depuis 1966.

Avez-vous eu votre mot à dire concernant votre transfert ?
Non pas du tout. A cette époque les joueurs étaient sous contrat à vie et ne pouvait quitter le club qu’après accord de celui-ci. Toutes les transactions se traitaient directement entre les dirigeants des clubs. Il était d’ailleurs préférable que l’un de ceux-ci occupe un poste important dans un Ministère ceci était de nature à accélérer et faciliter les choses. Les seules exceptions concernaient les joueurs qui partaient effectuer leur service militaire. Ils pouvaient être prêtés durant deux ans au Legia Varsovie, le club du ministère de l’Armée, qui conservait éventuellement les éléments les plus intéressants.

Votre premier choix était il de rejoindre le Ruch Chorzow ?
Pas du tout. Je voulais avant tout jouer pour le Gornik Zabrze un des clubs phares du football polonais à l’époque.

Pour quelles raisons ?
Gliwice c’est un peu la banlieue de Zabrze et j’habitais à deux kilomètres du stade. Avec « Wlodek » (Wlodzimierz Lubanski n.d.l.r.), qui est lui aussi de Gliwice, on allait souvent les voir jouer quand on était gamins. On passait par les trous du grillage pour entrer sans payer. L’autre raison c’était que je venais de me marier et mon épouse était de cette région qu’elle ne souhaitait pas quitter. Enfin, les clubs silésiens, comme le Gornik, représentaient la moitié des équipes de première division polonaise. C’était donc l’assurance de jouer de nombreux derbys.

Comment vous êtes vous retrouvé à Chorzow ?
C’est une histoire assez compliquée. J’avais fais quelques entraînements avec le Gornik Zabrze mais j’appartenais toujours au Gwardia. Or le club avait très mal débuté le championnat. Le Président, un Colonel responsable de la sécurité du chef du gouvernement, m’a alors mis un marché en main. Si j’acceptais de jouer le prochain match pour le Gwardia j’avais l’assurance d’avoir mon bon de sortie pour la saison suivante.

Joachim 4ème en haut en partant de la gauche. Ruch CHROZOW
Et vous avez joué ce match ?
Il était impossible de dire non à son Président. J’ai joué et le Gwardia a battu Szombierski Bytom par 2 à 1. J’ai ensuite disputé quelques autres matchs de championnat avec le club de Varsovie avant d’avoir des problèmes de santé.

Lesquels ?
Dans l’optique de mon départ vers le club de Zabrze j’ai passé des tests médicaux. On m’a fait une prise de sang et j’ai attrapé une jaunisse vraisemblablement à ce moment là. Je n’étais plus en état de jouer. Du coup le Gornik n’a plus donné signe de vie.

C’est à ce moment là que le Ruch Chorzów s’est intéressé à vous ?
Oui, ça a été le premier club à se manifester dès que j’ai recouvré la santé. Le Président de ce club était vice-ministre de la Métallurgie et a mis toute son influence dans la balance pour obtenir mon transfert. Je me suis donc retrouvé à Chorzów où j’ai joué durant sept saisons.

A l’époque, étiez vous considéré comme joueur professionnel ?
Absolument pas, pour le régime communiste le sport ne devait en aucun cas être une activité rémunérée. J’étais donc employé fictivement au sein d’une entreprise mais mon salaire était en fait versé directement par le club. Je recevais mon enveloppe dans les locaux de l’usine et bien souvent en présence des ouvriers ce qui me valait des réflexions de leur part quand nos résultats n’étaient pas bons.

Aviez vous d’autres avantages que financiers ?
Le club se débrouillait pour nous fournir un appartement et des meubles. J’ai reçu également un bon qui m’autorisait à acheter une voiture. Il y avait aussi les voyages avec la sélection et le club. Avec le Ruch Chorzow nous partions parfois plus d’un mois en tournée en Amérique du Sud. Les déplacements en coupe d’Europe nous permettaient de passer trois jours en dehors des frontières avec banquet et échanges de cadeaux à la clé.

Aviez vous le sentiment d’être privilégié ?
Si je compare ma situation à celle de mon frère oui sans aucun doute. Il jouait en troisième division et exerçait à plein temps la profession de mineur. Parfois, avant un match important, le Directeur de la mine lui octroyait exceptionnellement deux jours de repos. Bien que marié et père de famille il n’avait pas la possibilité d’avoir son propre appartement et logeait sous le toit de sa belle famille.

A cette époque, aviez vous un joueur préféré ?
Mon idole était Lucjan Brychczy l’attaquant du Legia Varsovie. Il ne correspondait pas à l’image que l’on se faisait alors du joueur Polonais. De petite taille il était fin et élégant. Sa technique était une merveille. Il avait reçu des propositions du Real Madrid mais il n’a pas pu partir car il jouait pour le club de l’Armée.

Et comme joueur étranger ?
Beckenbauer était un immense défenseur. Il ne taclait jamais et son maillot était toujours propre même sur un terrain boueux. Il était difficile à passer et on se sentait tout petit face à lui. En match j’ai quand même réussi à lui faire un petit pont mais je dois bien avouer que je ne l’ai pas fais exprès.

Vous avez évolué en sélection avec Kazimierz Deyna et Wlodzimierz Lubanski qui figurent parmi les meilleurs joueurs polonais de l’histoire. Pouvez vous nous dire un mot sur eux ?Deyna était un phénomène, très technique capable d’effacer plusieurs adversaires sur un petit périmètre. En revanche il était un peu lent, un faux lent en fait. Son jeu était d’éliminer avant de passer ou tirer ce qu’il faisait à merveille. Au milieu de terrain du Legia il a beaucoup apprit aux côtés de Brychczy. Lubanski c’était le buteur type. Puissant, rapide il avait tout : les deux pieds et le jeu de tête. Il a quand même débuté, et marqué, avec la sélection à seize ans et demi. La coupe du Monde 1974 aurait du lui permettre de devenir une star internationale. Malheureusement sa grave blessure a tout gâché.

Et Mr Gorski ?
Avant d’être sélectionneur en équipe de Pologne il a été mon entraineur au Gwardia Varsovie. Il m’a beaucoup aidé quand je suis arrivé à Varsovie. Je me sentais un peu perdu dans cette grande ville où j’étais seul. Il m’invitait souvent chez lui pour partager le repas du dimanche. Jusqu’à la fin de sa vie alors qu’il était pourtant très diminué il venait au stade assister aux matchs.

Vous avez été sacré champion olympique en 1972, quel souvenir en gardez vous ?
Au-delà même de la médaille d’or je garde en mémoire ces moments de fraternité que nous partagions avec les sportifs d’autres pays et d’autres disciplines que la nôtre. Nous voyagions souvent en compagnie de nos adversaires d’un jour et partagions parfois nos repas dans le train qui nous emmenait sur le lieu du match, ce fut par exemple le cas avec les joueurs Russes.


Les Jeux Olympiques de 72 ont été endeuillés par l’assassinat des athlètes Israéliens, avez vous été marqué par cette tragédie ?
C’était terrible. A partir de ce moment la peur s’est installée. La police était présente partout. L’attentat est intervenu le jour de notre match du deuxième tour face à l’URSS et nous avions quitté le village olympique pour rejoindre le lieu de la rencontre. Ce jour là, j’étais remplaçant. Le quatrième arbitre était à côté de moi quand il a reçu un appel le prévenant de la situation et lui demandant de ne pas donner le coup d’envoi du match car les Jeux étaient interrompus. Il a répondu que c’était trop tard car le match était déjà commencé ce qui était faux. Nous avons battu l’URSS par 2 à 1. Comme quoi notre succès olympique n’a pas tenu à grand-chose car que se serait il passé si nous avions du jouer le lendemain ?


Ce succès a du vous voir renter au pays avec le statut de héros ?
Notre victoire est passée relativement inaperçue en Pologne. Les gens ne pouvaient guère suivre les Jeux Olympiques. Les télévisions étaient si rares à l’époque au pays que seuls quelques privilégiés en possédaient une. De toute façon nous n’avons pas eu le temps de fêter l’évènement. La finale ayant été décalée d’un jour à cause de l’attentat nous ne sommes rentrés en Pologne que le lundi. J’ai juste eu le temps d’embrasser mon épouse et de lui remettre les souvenirs que j’avais pu rapporter d’Allemagne. Deux jours plus tard je jouais en coupe d’Europe face à Fenerbahçe. La victoire nous a apporté quelques avantages matériels et pour ma part j’ai aussi reçu une grosse médaille. Pour l’anecdote, Szeja qui a joué ensuite à Auxerre, n’a pas été reconnu en Pologne comme champion olympique pour la simple raison qu’il n’avait pas joué une seule minute lors de la compétition. Je sais que plusieurs joueurs, dont Lubanski, ont témoigné pour dire que même sans jouer il avait été important dans la victoire finale mais je ne sais pas si la démarche a finalement abouti.


Quand avez-vous été contacté par des clubs étrangers ?
Le RC Lens, par l’intermédiaire de mon compatriote Eugeniusz Faber, a été le premier club étranger à se manifester. Leur avant-centre était blessé et le club avait besoin d’un remplaçant. Le problème c’est que je n’avais pas atteint l’âge de 30 ans autorisé en Pologne pour partir à l’étranger. J’ai donc du rester à Chorzow.

Cela a-t-il été le seul contact ?
Non, avant un match face au Feyenoord en quart de finale de coupe UEFA, j’ai été approché par un agent Yougoslave. Il m’a dit qu’il avait un club pour moi. Face aux Néerlandais j’ai fais un de mes meilleurs matchs de ma carrière mais nous avons perdus 3-1 et avons été éliminés. Du coup je n’ai plus eu de nouvelles de sa part et n’ai jamais su quel était ce club.

Comment avez-vous été finalement autorisé à partir à l’étranger ?
A 31ans le président du Ruch Chorzow m’a dit de rester au club car j’étais encore trop bon pour aller à l’étranger. Puis son discours a changé d’un seul coup.

Pour quelle raison ?
Lors de notre match aller de coupe des Champions 75/76 face au PSV Eindhoven, j’ai raté le but du 2 à 0. Disons plutôt que j’ai tiré trop mollement et qu’un arrière du PSV a pu sauver sur sa ligne. Au final nous avons perdu 3-1 sur notre terrain. Après le match notre Président m’a alors dit : «tu peux partir en France gagner des dollars (sic) ».


C’est donc Lens qui vous a engagé. Qui a négocié votre transfert ?
Le Président Valéry Giscard d’Estaing a joué un grand rôle dans mon arrivée à Lens.

De quelle façon ?
Tout s’est déroulé lors de la finale de la coupe de France 1975 qui opposait Lens à Saint Etienne. Le maire de Lens André Delelis était assis à coté du Président de la République qui lui demanda qui était le joueur de Lens qui courrait partout. Mr Delelis lui répondit que c’était Casimir Zuraczek qui à 35 ans jouait un des ses derniers matchs pour le club. Il poursuivit en disant que son remplaçant pour la prochaine saison était Joachim Marx mais que les Polonais ne voulaient pas le lâcher. Le Président Giscard d’Estaing qui devait se rendre en voyage officiel en Pologne dans les semaines suivantes lui demanda alors de lui préparer un courrier à remettre aux autorités polonaises. Immédiatement le Maire de Lens sortit un papier de sa poche, la lettre était déjà prête.



Il faut croire que l’intervention présidentielle a porté ses fruits ?
Oui car suite à la visite de votre Président en Pologne la situation s’est soudainement débloquée. J’ai appris que le fait que Lens puisse faire intervenir directement le Président de la République avait impressionné les dirigeants du Ruch Chorzów. J’ai été convoqué par Kazimierz Gorski qui m’a expliqué la situation et m’a confirmé son accord pour mon départ. Dans la foulée, j’ai honoré ma dernière sélection face à l’Italie. Dès le lendemain je recevais mon passeport avec un visa pour la France.

Comment s’est passé votre arrivé à Lens ?
Je suis parti de Pologne le 30 octobre 1975 à l’aube. A l’arrivée au Bourget j’étais attendu par Mr Delelis et Mr Pruvost le directeur sportif. Nous avons rejoint Lens en voiture puis avons partagé un déjeuner avec Arnold Sowinski l’entraîneur du RC Lens. Je n’ai pas eu le temps de me reposer que je participais à mon premier entraînement avec l’équipe qui disputait le lendemain un match de championnat face à Lyon. Puis j’ai enchaîné par une conférence de presse. J’étais exténué mais je n’ai pas osé le dire car en Pologne nous n’avions pas le droit de nous plaindre. Le lendemain lors de la collation d’avant match, notre entraîneur m’a annoncé que je serais titulaire pour la rencontre face à Lyon. Nous avons gagné 3 à 1 et j’ai inscris les trois buts de Lens.


Une belle façon de se faire adopter par les supporters n’est ce pas ?
Après le match j’étais attendu à la sortie du stade Bollaert par plus de 2000 supporters, en majorité des Polonais. J’ai été obligé de m’éclipser par une porte dérobée. Dès le lendemain, jour de Toussaint, j’ai été invité à manger par un de mes compatriotes qui habitait à proximité de Lens.

Vous êtes donc arrivé seul en France ?
Oui mais je ne le suis pas resté très longtemps. Je peux même dire que j’ai été le premier joueur Polonais à être autorisé à quitter le pays avec sa famille. Je suis retourné en Pologne pour les fêtes de fin d’année et en janvier je revenais en France avec mon épouse et mon fils. Nous avons alors récupéré l’appartement qui était jusqu’alors occupé par mon compatriote Eugeniusz Faber.


Avant de conclure revenons si vous le voulez bien sur un épisode douloureux de votre carrière à savoir votre non sélection pour la coupe du monde 1974. Comment l’avez-vous appris ?
J’ai pris connaissance de ma non sélection en regardant la télévision où la liste des joueurs retenus avait été annoncée en direct. Monsieur Gorski ne m’a pas appelé pour me prévenir. Il n’avait d’ailleurs pas à le faire.

Etait-ce une surprise ?
Oui bien évidemment, pas seulement pour moi mais pour toute la Pologne. Lors de la saison 73/74, le Ruch Chorzów a réalisé le doublé coupe – championnat. A titre individuel j’ai terminé deuxième meilleur buteur du championnat avec Lato et également deuxième au classement des étoiles du championnat polonais. De plus je faisais partie de la liste des trente présélectionnés. J’avais participé à un stage de dix jours et suivi des tests médicaux concluants. Par ailleurs, le forfait de Lubanski libérait une place au centre de l’attaque polonaise, place que j’occupais à Chorzów.

Vous pensez donc que votre non sélection est due à d’autres critères que sportifs ?
Oui sans aucun doute, il y a plusieurs hypothèses mais je n’ai toujours pas la réponse à cette énigme.

Quelles hypothèses ?
Je me suis blessé avec mon club à quelques jours du match qualificatif de Wembley auquel je devais participer. Ma blessure, une grosse entorse, a même été constatée par un médecin de la fédération polonaise. Le problème c’est que Zygmunt Maszczyk mon équipier de Chorzów a été lui aussi été obligé de renoncer à la sélection pour ce match. Des rumeurs ont ainsi circulé dans la presse et l’opinion publique prétendant que le Ruch Chorzów ne voulait pas libérer ses joueurs pour l’équipe nationale.

Et quoi d’autre ?
Il y a eu ma blessure à l’épaule en début d’année 1974. Suite à un tacle violent, je suis retombé sur mon épaule et me suis fait un arrachement des ligaments. Je ne voulais pas être opéré par peur de manquer la coupe du Monde. Du coup on m’a plâtré mais la blessure ne guérissait pas. Vers Pâques le médecin m’a dit qu’il fallait se résoudre à opérer. Avant l’intervention on m’a fait faire quelques mouvements d’épaule et miracle je ne ressentais plus rien. J’ai échappé à l’opération. J’ai ainsi pu jouer la fin du championnat et ai même disputé un match amical avec la sélection face à Twente. Les problèmes physiques qui ont donc été parfois évoqué n’existaient plus.

Certains avancent que votre non sélection est due au fait que vous êtes né durant la guerre en territoire polonais annexé par le Reich. De fait vous n’étiez pas considéré comme totalement polonais et que la fédération polonaise ne voulait pas prendre de risque. Est-ce exact ?
J’ai également lu dans les journaux polonais que cette situation avait compté dans ma non sélection. Si tel avait été le cas j’aurais également dû être privé des Jeux Olympiques qui se déroulaient en Allemagne tout comme la coupe du Monde. Or ce n’a pas été le cas. Il a également été avancé qu’il y avait eu une volonté au plus haut niveau de l’Etat de n’aligner que des joueurs nés après la seconde guerre mondiale. Je n’ai jamais eu la preuve de ces affirmations. Quoi qu’il en soit cette non sélection reste et restera toujours un mystère pour moi.
MR Joachim MARX lorqu'ila été entraineur du RC Lens :


Mexico 86 : Oleg PROTASOV

Oleg Protasov la future grande vedette de ce mondial à en croire les autorités soviétiques. A vingt deux ans, il est là, blond, souriant, affable, indulgent, fair-play. Et déjà star au pays des tsars. Il est considéré par les journalistes de son pays comme le numéro 2 pour l'année 1985 et futur numéro 1 pour l’année 86. Son chef-d’œuvre à ce jour et avant de débarquer au Mexique: les 35 buts (en 34 journées soit 1,06 but par match) qu'il a inscrit lors du dernier Championnat d'URSS et qui lui ont permis de détrôner l'ex-crack arménien Nikita Simonian, champion olympique avec l'URSS en 1956, lequel avait réussi à marquer 34 fois en 1950. Coïncidence : Simonian est aussi au Mexique en cette fin de printemps, en tant que chef de la délégation soviétique. Excusez du peu. Mais, apparemment, le rondouillard Nikita n'en veut pas trop à Oleg PROTASSOV de lui avoir ravi son record. On dirait même parfois que Simonian prend un malin plaisir à couver le nouveau prodige rouge. Comme s'il s'agissait d'un trésor ...

Un trésor qui ferait assurément sauter le tiroir-caisse à l'Ouest, mais qui continue d'habiter chez papa-maman, dans la banlieue de Dniepropetrovsk, et attend toujours de s'offrir sa première voiture. « Je me contente d'emprunter celle de mes parents lorsque j'en ai besoin », précise-t-il. Pour aller où ? Eh bien, en premier lieu, au stade de Dniepropetrovsk où Il s'entraine quasi quotidiennement. Il est devenu une Idole après avoir eu, lui aussi, ses coups de cœur, Il y a quelques années, pour Oleg Blokhine. Étudiant en éducation physique, comment se situe-t-iI par rapport au gotha international ? Voici ce qu’il répond aux journaux occidentaux lors d’une conférence de presse avant le premier match du mondial pour les soviétiques, URSS-Hongrie : « J'ai déjà entendu dire que je figure parmi les dix meilleurs joueurs du monde. Mais, franchement, cela me parait exagéré. Je n'oublie pas que si je marque effectivement beaucoup de buts, je suis là pour ça ! »


A propos de ses buts, d'ailleurs, Protasov est comme les autres chasseurs de buts : Il se souvient de la plupart de ses réussites. Et dieu sait s'il en a déjà fait souffrir des gardiens, y compris Rinat Dassaev, son capitaine en équipe nationale. Son point fort ? : « Je pense savoir être là où Il faut, quand Il faut ».

Ce que l'on appelle le sens du but, l'opportunisme. Un Gerd Muller ou un Just Fontaine bis? Pas exactement, en vérité. Ne serait-ce que par ses mensurations - 1,86 m, 80 kg - qui obligent à le répertorier parmi les avants-centres costauds, dont le physique finit immanquablement par peser. Mais pour ce qui est du nez et de la malice, Oleg n'est pas en retard. Il a fêté son vingt-deuxième anniversaire le 4 février 1986. On dirait que l'avant-centre International de Dniepropetrovsk, son club de toujours, Qu'II ne désire d'ailleurs pas quitter pour l'Instant malgré quelques sollicitations de la part des grands d'URSS, est un précoce tout azimut. Sur le ballon, mais aussi dans la vie tout court. Ainsi, après avoir mis le nez à la fenêtre des grands en 1982, à dix-huit ans, à l'occasion d'un match contre le Dynamo de Kiev de ...Valéri Lobanovski, Il ne tarda pas à intégrer la sélection nationale juniors, puis l'équipe des espoirs soviétiques. Ce qui a, par exemple, valu au public toulonnais de le voir à l'œuvre en 1983. Or, moins d'un an après, voilà qu'II rejoignait carrément l'équipe nationale. Il faut dire qu’à 20 ans il réalise sa première grosse saison avec 17 buts en championnat. Il inaugure sa première cap le 28 mars 1984 à Hanovre face à la RFA. Un mois plus tard pour sa seconde sélection il marque l’un des 3 buts de la victoire 3-1 face à la Finlande. Le 2 juin 1984, le jeune avant-centre de 20 ans se fait remarquer du monde entier. Dans un match de gala à Wembley entre l’Angleterre et l’URSS, il entre en jeu à la 87ème minute alors que l’URSS mène 1-0. Pour son premier ballon sur un dégagement de DASSAEV de la tête, il prolonge et lance dans la course Blockhine, son idole, qui butte sur Peter SHILTON le portier anglais, mais Protasov en bon renard des surfaces, à suivi l’action et c’est lui qui rôde dans les 6 mètre pour clore la marque. Ce but le voici en vidéo :


L’arrivée d’un tel avant-centre, costaud, rapide mais surtout individualiste dans la surface de vérité suscite beaucoup d’interrogations. En effet comme on l’a vu dans la présentation de l’URSS 1986, la plupart des adversaires des soviétiques voyaient comme point faible dans la cuirasse de la machine Lobanovski, un manque de réalisme dans les 25-30 derniers mètres.

Comme si le souci de toujours faire la bonne passe, le bon décalage les empêchait de tenter leurs chances et de frapper aux buts. L’arrivée d’un Gerd Müller venu du froid avait de quoi susciter les plus grands craintes chez ces mêmes adversaires. C’est ce même Oleg PROTASOV qui marquera le but décisif face au Danemark (1-0) puis un autre tout aussi décisif un mois plus tard face à l’Irlande (2-0) dans les deux matchs couperets qui enverront l’URSS au Mexique. Malgré son habit de sauveur, PROTASOV reste humble mais confiant quelques jours avant l’ouverture du mondial, voici sa vision de la compétition : « C’est vrai, je crois en nos chances. Même si je me doute bien qu’il faudra bien se méfier au premier tour de la France et de la Hongrie » et de poursuivre : « Nous avons parfaitement résolu le problème de l’acclimatation, nous avons bien travaillé depuis que nous nous sommes réunis en stage de préparation. Je pense sincèrement que nous devrions être à la hauteur ».

C’est curieux tout de même de dire que les joueurs soviétiques se sont bien acclimatés, lorsque l’on sait qu’après le mondial, ils diront que lors de la première semaine d’entrainement au Mexique, les joueurs ont perdus, en moyenne, 3.5 kg. Mais bon c’est la méthode de communication façon Kremlin et Protasov l’a très bien intégré pour preuve, voici comment il décrit ses ambitions pour cette coupe du monde en réponse à une question sur une éventuelle quête du titre de meilleur buteur du mondial: « Pour moi, c'est surtout la performance de l'équipe qui comptera. Peu importe de savoir qui marquera, qui fera la différence lors de tel ou tel match »

PROTASOV, cinquante-deux buts ces deux dernières saisons en Championnat, dix buts en dix-sept rencontres internationales, dont huit en douze matches en 1985, est une des grandes vedettes annoncées de cette coupe du monde. Cependant la délégation soviétique faisait grise mine avant le premier match URSS – Hongrie, la grippe avait frappé et Protasov était forfait pour la première rencontre et même incertain pour la seconde, face à la France. Mais ceci on en reparlera plus tard.

Mexico 86 : Présentation de l'URSS

Comme on l’a vu lors du tirage au sort de la coupe du monde 1986, les français étaient plutôt confiants à l’idée d’affronter les soviétiques. Et ce principalement pour deux raisons. La première c’est que lors des dernières saisons à chaque fois que les français les ont rencontrés, bien qu’ayant soufferts, ils ont à chaque fois réussit à ramener un résultat positif. La dernière en date datait de 1983 au Parc et qui se soldait par un bon match nul 1-1 (avec un but de Luis FERNANDEZ, son premier chez les bleus).

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Lors de la saison 1984-85, Bordeaux, bien qu’ayant souffert avait tout de même sortit en coupe d’Europe des Clubs champions le Dniepr Dniepropetrovsk de Litovchenko et de sa superstar Oleg PROTASSOV. Ensuite il faut dire que lors de ses dernières sorties l’URSS n’a pas convaincu depuis son excellent mondial 1982. On avait vu lors du sujet sur Rinat DASSAEV et sur le Brésil 1982, que l’URSS avait fait plus que tenir la dragée haute aux brésiliens de Télé Santana et il faudra deux exploits de Socrates et d’Eder pour que l’ours soviétique plie en toute fin de rencontre. L’URSS par la suite s’offrira un bon mondial, loupant la demi-finale au goal average au profit de la Pologne. C’est Valéri LOBANOVSKI, l’entraineur du Dynamo de Kiev qui avait pris la suite de Konstantin BESKOV juste avant le mondial espagnol. Cependant malgré un mondial satisfaisant, LOBANOVSKI va se faire évincer de la sélection en 1983 après une défaite au Portugal dans les éliminatoires synonyme de non qualification à l’Euro 84. Pour les dirigeants soviétiques Lobanovski était coupable « d’erreurs graves » et de fait d’avoir jeté la honte sur la nation avec cet échec. Il est donc prié de retourner à ses affaires du côté du Dynamo de Kiev.

L'URSS 1985 sous MALOFEEV
C’est Eduard MALOFEEV qui le remplace. Dans un groupe de qualifications assez compliqué, l’URSS débute très mal (défaite en Irlande et match nul en Norvège). Après s’être refait une santé contre la Suisse, les soviétiques chutent lourdement face à la nouvelle terreur d’Europe du Nord : le Danemark. Pour les hommes de MALOFEEV, il ne reste plus 36 solutions pour aller au Mexique, ils leurs faut remporter leurs trois derniers matchs. Comme le hasard est bien fait ces trois rencontres ont lieu à domicile, la dernière face à la Norvège est même un cadeau de la FIFA. Mais avant d’affronter les scandinaves, il va falloir disposer dans l’ordre du Danemark et de l’Irlande à Moscou.
L’URSS réalise une véritable performance le 25 septembre 1985 en battant les redoutables Danois au sommet de leur art. Une victoire 1-0. Voici le résumé de la rencontre.


Un mois plus tard, c’est quasiment une finale auxquels les 100 000 spectateurs du Stade Lénine viennent assister. Le 16 octobre 1985, l’URSS reçoit l’Irlande pour un match décisif pour empocher le second billet du groupe pour le mondial mexicain. Feodor TCHERENKOV et Oleg PROTASSOV en propulsant le cuir au fond des filets envoient tout ce joli monde au Mexique. Voici le résumé de la rencontre :


Bien qu’ayant fait le plus dur, les soviétiques trembleront dans leur dernière rencontre face aux norvégiens (victoire 1-0), mais MALOFEEV a réussi sa mission, pourtant mal engagée, d’envoyer l’URSS au Mexique. MALOFEEV ancien joueur du Spartak de Moscou et du Dynamo de Minsk, contrairement à beaucoup de sélectionneur des pays de l’Est à cette époque, ne puisait pas ses joueurs dans le vivier des un ou deux plus grands clubs du pays. Ainsi l’équipe d’URSS n’était pas seulement la copie du Dynamo de Kiev ou du Spartak de Moscou (contrairement aux équipes de Lobanovski ou de Beskov).

L'URSS 1986 sous Lobanovski
Ainsi on retrouve des joueurs de Dniepr Dniepropetrovsk ou du Dynamo de Minsk comme piliers de l’équipe : Protassov, Litovchenko de Dniepr, Aleinikov, Gotsmanov, de Minsk, Chivadze de Tbilissi… Le tout complété avec certains joueurs du Spartak comme Dassaev, Kidiatouline, Tcherenkov et d’autres de Kiev comme Demianenko, Bessonov ou la star Oleg Blokhine. Mais curieusement la formule ne prend pas et cette qualification obtenue aux triceps va être le début de la fin pour lui. En 3 mois et 4 rencontres amicales, son sort va être scellé. 4 matchs et 4 défaites, contre l’Espagne, le Mexique, l’Angleterre (à la maison) et la Roumanie, c’en est trop pour les dirigeants à Moscou qui commence à envisager une solution de repli. La solution va venir de Lyon. Oh rien à voir avec l’OL qui se morfond en division 2 à cette époque là. Non le 02 mai 1986, à Gerland, le Dynamo de Kiev dynamite, disperse, ventile la défense de l’Atlético de Madrid qui repart du Rhône avec seulement un 3-0 finalement bien payé au vu du match. Une démonstration qui impressionne l’Europe entière et notamment les dirigeants soviétiques qui voient en Lobanosvki un sauveur lui qui avait trahi la cause 2 ans et demi plus tôt.


Deux jours plus tard, MALOFEEV est remercié et remplacé par Lobanovski, à moins d’un mois du début du mondial et du premier match face à la Hongrie. Trois jours après sa nomination, LOBANOVSKI doit composer sa première sélection pour un dernier match amical face à la Finlande. Alors est-ce par faute de temps ? Par souci de revanche personnel ? Ou tout simplement une habitude inculquée par le régime soviétique ? En tout cas en 3 jours Lobanovski fait sa révolution ; Exit le melting pot d’URSS et place en force à la diaspora ukrainienne et plus particulièrement celle du Dynamo de Kiev. Exit Khidiatouline, Chivadze, Gotsmanov, Litovchenko même le génial Tcherenkov fait les frais de la Perestroïka made in Lobanovski. Les nouveaux venus sont Rats, Kuznetsov, Yaremchunk, Yakovenko, Belonov, Zavarov, les hommes de bases du Dynamo de Kiev. Seuls 3 joueurs arrivent à préserver leurs statuts de titulaires tout en évoluant pas à Kiev. Le héros national Rinat DASSAEV considéré comme le meilleur gardien du monde (voir le sujet sur Dassaev). Le brillant milieu de terrain Sergueï Alenikov, joueur de l’année en URSS en 1985. Enfin le dernier à conserver sa place est la grande star annoncée :

les 22 convoqués, et on observe bien la "kievisation" de l'effectif
Oleg PROTASSOV 35 buts en 34 matchs de championnat en 1986 et soulier d’or européen. Trois joueurs que Lobanovski ne pouvaient pas mettre à l’écart. Si le match contre la Finlande se solde par un triste 0-0, l’équipe d’URSS fait très peur. Et c’est une chose assez curieuse car l’équipe n’a pas gagné un match depuis des mois mais le fait de savoir qu’il va falloir affronter l’équipe du Dynamo de Kiev + le meilleur gardien du monde ainsi que le meilleur attaquant européen en la personne de Protassov (selon les journalistes soviétiques, enfin la propagande du gouvernement vous auriez rectifié de vous-même).

Des français qui a quelques jours de débuter le mondial ont grandement changé d’avis sur les joueurs soviétiques. Giresse qui pourtant était des campagnes favorables en 1983 avec les bleus et en 1985 avec les Girondins face à Dniepr, laisse place à la méfiance : « Dans ses grandes lignes, dit-il, le jeu soviétique n'a pas évolué, et si parfois quelques individualités comme Blokhine sortent du carcan, elles sont rares. Je me souviens qu'à Paris nous avions souffert durant la première demi-heure. Ça partait de tous les côtés. C'était impressionnant physiquement. Il sera préférable de les jouer en altitude. J'espère que les conditions naturelles les brideront. En 1983, comme à Lyon récemment, ils ont joué à deux cents à l'heure, tout en n'oubliant pas d'ajouter à leur méthode une touche de finesse ». Jean TIGANA qui lui aussi était de ces rencontres avec Gigi et qui a la mémoire plus longue se souvenant, mais c’est normal, de sa première sélection à Moscou en 1980 : « C'est un bon souvenir. Ce fut un très bon match. Nous l'avons perdu 1-0 et tout le monde était content. Trois ans plus tard, l’équipe d'URSS avait progressé et l'arrière gauche Demianenko m'avait fait une énorme impression. Les courses, les percussions à un ou deux avaient bien failli nous faire craquer. Dniepr avait le même style que Kiev en moins confirmé. ». On continue dans les citations. Luis FERNANDEZ pour qui affronter l’URSS lui rappelle des bons souvenirs. En 1983, pour sa troisième sélection, il inscrivit son premier but en équipe de France, seul but français de la rencontre. Il se rappelle: « Il s'agit d'un bloc difficile à manœuvrer, rude, pénible à affronter, devant lequel on sait de toute façon que l'on va souffrir. ». « C'est un football très difficile à contrecarrer et qui revient très fort actuellement ; l'arrivée à la tête de la sélection de Lobanovski ne pouvant que nous inquiéter », ajoute Max Bossis.

Le groupe soviétique avant de partir au Mexique
Les craintes françaises sont justifiées au vu des derniers matchs du Dynamo de Kiev, véritable ossature de cet URSS new look. LOBANOVSKI va bâtir son équipe idéale en s’inspirant du travail qu’il a fait à kiev, lui qui admire le football total de Rinus MICHEL (voir le sujet sur l’équipe de Hollande 1974). Voilà ce que Valeri LOBANOVSKI disait en 1986 : « la dernière révolution spectaculaire dans le football a eu lieu en 1974 quand les Pays-Bas et, peut-être, l'Allemagne ont dévoilé au monde entier le football total. Depuis, le football progresse et change dans sa tactique, dans la construction du jeu, dans le placement et l'utilisation des joueurs sur le terrain. La vitesse et la force athlétique sont plus que jamais les deux notions essentielles du football moderne. Le football devient un sport de contact »
Tout comme Rinus MICHEL, LOBANOVSKI a conscience que le football total exige de la part des joueurs une condition physique nettement au dessus de la moyenne. Son football tend à l’efficacité absolue grâce à une grosse santé physique (je ne vais pas revenir sur les suspicions de dopage mais quand on connait le contexte de propagande sportive en Europe de l’Est à l’époque, il faut tout de même toujours le garder dans un coin de la tête), à sa vitesse, sa sobriété et sa perfection collective. Le jeu soviétique s’efforce de garder au mieux le ballon derrière, le faire circuler pas des dédoublements, des passes latérales pour très vite l’amener dans le camp adverse. C’est un sentiment curieux car, collectivement c’est très fort et alors que l’équipe adverse n’a pas le ballon, les soviétiques font circuler la balle longuement avant de la faire remonter très vite dans le camp adverse, si bien qu’on à l’impression qu’ils n’agissent que par contre attaque alors qu’ils monopolisent le ballon. Ce qui est curieux c’est que cette force est peut être le point faible de la cuirasse.

Mémorial Valeri Lobanovski
En effet quand on demande aux joueurs français, quel est la faiblesse du jeu soviétique, les avis concordent. Jugez plutôt : Tigana: « Ils sont un peu maladroits même si c'est relatif. Je l'ai constaté en regardant à la télé les matches de Nantes (Les canaris ont affrontés le Spartak de Moscou cette saison en UEFA) et celui de Kiev. Si cela n'avait pas été le cas, Kiev aurait mis 8-0 à l'Atletico Madrid. » Fernandez : « Ce ne sont pas des marqueurs. Ils font toujours un petit nul. Ou alors ils gagnent ou perdent par un but d'écart. En revanche, il vaut mieux contre eux ne pas être menés car ils savent défendre un résultat. » Bossis : « Leur inefficacité devant le but constitue un point noir. » Le Roux : « Ils ne concrétisent pas. Ils ont le monopole du ballon jusqu'à vingt-cinq mètres du but adverse. Ensuite ça se complique. Comme s'ils manquaient de maturité. » Ayache, qui puise dans le présent et l'avenir les raisons de se rassurer : « Même s'ils sont bien préparés, leur style de jeu ne résistera pas totalement aux effets de l'altitude. »

L’analyse des français est assez intéressante. Car ce jeu fait de multiplications de passes manque d’excès d’individualisme nécessaire dans les derniers mètres. C'est sans doute pourquoi Oleg PROTASSOV accaparait beaucoup l'attention des médias. Cette équipe au collectif parfait, avec dans les cages le meilleur gardien du monde n'offrait qu'un seul défaut, son manque de réalisme. Et voilà que tout d'un coup le profil type de l'avant centre, renard des surfaces, le buteur par définition, aux antipodes des caractéristiques des joueurs soviétiques, apparaissait du fin fond de l'Ukraine. Un jeune avant-centre de 22 ans meilleur buteur européen, venait colmater les brèches de l'effectif de Lobanovski.
Alors, plutôt que de regarder l'effectif, c'est dans la durée et les conditions de ce mondial qu'il faut voir un espoir de terrasser l'OURS d'URSS. En effet le jeu made in LOBANOVSKI demande des efforts physiques impressionnants de la première à la dernière minute et il est légitime, sur la durée d’une longue compétition comme la coupe du monde, de se demander si les joueurs soviétiques pourront reproduire tant d’efforts à chaque match. D’autant qu’à 2 000 m d’altitude, par 45°c au soleil en plein après midi, elles vont leur paraitre loin leurs plaines d’Ukraine aux joueurs soviétiques. En tout cas le mot de la fin, je le laisse au menhir de Plouvorn, Yvon LE ROUX : « Je n’aime pas beaucoup les rencontrer. Ils sont froids. Ils ne disent pas un mot. On a l’impression que pour eux rien n’est difficile. Quand ils prennent un coup, ils se ressaisissent sans rien dire. Ils ressemblent à des robots. »
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