Et Laval élimina le grand Dynamo de Kiev

28 septembre 1983, le Stade Lavallois en gagnant 1-0 en 1/32ème de finale retour de la coupe de l’UEFA élimine le grand Dynamo de Kiev des Blokhine, Kuznetsov ou autre Zavarov (voir le sujet sur l’équipe d’URSS de LOBANOVSKI 1986-88). Retour sur le plus gros coupe de tonnerre européen de cette saison 1983-84 et salué dans toute la presse européenne alors !

Les anecdotes et citations qui suivent ont été recueillies sur le site officiel du Stade Lavallois

Avant tout il faut se rappeler qu’à la fin des années 70, un homme, l’entraineur Michel Le Millinaire hisse Laval dans l’élite française pour l’installer pendant 13 saisons d’affilée ! Mieux le Stade lavallois joue les premiers rôles lors de la saison 1981-82 et termine 5ème du championnat. Laval peut croire à une 1ère qualification européenne et doit attendre la finale de la Coupe de France entre St Etienne et Paris SG pour savoir s’ils joueront l’UEFA. Une victoire des Verts et l’Europe s’ouvre aux Tangos ! Saint Etienne mène jusqu’à la 119e minute avant que Rocheteau n'égalise pour le PSG. Ces derniers remportent le match aux tirs aux buts et privent le Stade Lavallois d’une Coupe d’Europe.

Ce n’est que partie remise puisque les Lavallois se hissent à nouveau à la 5e place lors de la dernière journée du championnat la saison suivante. Cette fois-ci, cette place est qualificative pour la Coupe de l’UEFA et pour la première fois de son histoire le stade Francis Le Basser va accueillir une rencontre européenne. Reste à connaitre l’adversaire. Bien sûr déjà à l’époque, la réussite des petits clubs dérangent et Michel Le Millinaire répond aux critiques et défend son équipe qui a gagné sa place européenne sur les terrains : « Nous sommes très heureux et nous nous accordons le droit d’être fiers d’y participer (à la Coupe d’Europe). On a l’impression que la presse et le milieu du football considèrent que nous nous immisçons dans quelque chose qui ne nous regarde pas. Nous nous attendons à recevoir une volée de bois vert quand nous serons éliminés, surtout si c’est au premier tour. »

Bien entendu la tâche va s’avérer compliqué pur Laval qui n’a aucune expérience et sera donc forcément soumis à une tête de série lors du tirage au sort. Et Laval ne va pas être déçu en tirant LA tête de série : le Dynamo de Kiev quia l’époque est 85% de la puissante équipe d’URSS. Un ogre ! ce sera la bataille du pot de fer contre le pot de terre !
En Mayenne, on recueille déjà les premières réactions :
Michel Le Milinaire :
 « Evidemment on peut aligner tous les superlatifs à propos de cette équipe. Ce tirage au sort peut paraître insurmontable. Nous n’avons le droit que de rêver à l’exploit, rien d’autre. »
Patrice Bozon :
« On a pas été gâté. Il reste que nous disputerons le premier match à l’extérieur. C’est un avantage non négligeable à condition de ne pas dérouiller là-bas. »

Jean-Marc Miton :
« Il faudra faire un match héroïque à Kiev, y jeter toutes nos forces pour assurer un résultat honorable. Ceci afin de garder un peu de suspense pour le public au retour (…) Ils doivent se demander où se situe Laval. Pour ma part, j’aurais sans doute à marquer Blokhine… Dur ! »
Quelques jours avant le déplacement à Kiev, les Lavallois encaissent un sévère 3 à 0 à Nîmes et beaucoup de personnes s’attendent à une humiliation en Ukraine…
Michel Le Milinaire a pourtant sa petite idée : « Nous ferons en sorte de limiter les dégâts, dans un premier temps. En effet, il faut que le match du 28 septembre à Laval soit vraiment la fête pour tous ceux qui nous soutiennent (…) Pour cela, il nous faut éviter de prendre un carton à Kiev (…) Il faudra ensuite préserver un espoir de qualification. Petit certes, mais possible, dans la mesure où le football est avant tout une opposition d’homme à homme. »

Le match aller

Le match aller est héroïque !! Et un dans les buts Jean-Michel GODART multiplies les parades ! Les Lavallois sont arc-boutés en défense mais tiennent courageusement et brillamment le choc. A défaut de causer des misères au gardien adverse, l’organisation lavalloise est parfaite et le score de parité à la mi-temps vient récompenser une équipe tango qui ne s’affola jamais même au plus fort de la domination soviétique. La pression se fît encore plus vive en seconde période et le pilonnage reprit de plus belle en essayant de miser sur l’apport numérique des arrières latéraux et sur leurs qualités dans le jeu aérien. L’ennui pour Kiev, c’est qu’il y avait toujours le crâne de Sorin, les tibias de Pérard ou Rabier, les mains de Godart pour déjouer tous leurs efforts…Dans ce désir de faire plier ces satanés petits français, les Ukrainiens confondent souvent vitesse et précipitation. L’entrée de Zavarov, un nouveau joueur de pointe, permet au dynamo de multiplier les dangers puisque 3 ou 4 hommes sont constamment aux avant-postes. Mais rien n’y fait et Godart veille. Il était dit que rien ne passerait et que cette équipe lavalloise, véritablement transcendée et sublimée, ne céderait pas et retournerait chez elle avec un résultat inespéré…Voici une petite vidéo avec quelques actions du match aller :


Avant le match, le président Henri Bisson avait tenu ces propos à ses joueurs : « Beaucoup d’entre vous ont tout juste 20 ans et certains même moins. Cette journée doit rester à tout jamais gravée dans vos mémoires. Vous avez une chance extraordinaire de jouer à votre âge un match de coupe d’Europe. J’espère que vous mesurez l’ampleur de cet événement qui est le couronnement de l’extraordinaire épopée que vit notre équipe depuis plusieurs années. »

On sait ce qu’il en est advenu : les Lavallois se sont battus avec un courage digne d’éloges…et toute la presse nationale salure l’exploit des tangos ! L’Equipe titrait : « Le grand combat des Lavallois», le journal Ouest-France : « Mission accomplie avec intelligence ». Et voici les réactions côté Lavallois, dont celle du gardien GODART qui sera repris dans les journaux sur les petits hommes bleus :
Le Milinaire : « Nous sommes bien sûr, très heureux, après avoir obtenu un tel résultat. Mes garçons ont tous été admirables et ils se sont battus remarquablement. Chacun a vraiment fait sa part de travail. Surtout, l’équipe a été étonnante dans le combat aérien, domaine où elle n’est pas toujours à l’aise (…) Il va falloir maintenant penser sérieusement au match retour et à la possibilité de qualification. Nous savourons l’instant présent. »
Godart : « Je ne sais pas très bien quoi vous dire… J’avoue que je suis un peu estomaqué. Je suis bien entendu, très content pour tout le monde, y compris pour nos supporters. Je crois en fait que les Soviétiques nous ont pris pour des Schtroumpfs. Alors, on les a bien schtroumpfés ! ».

Le site du Stade Lavallois raconte une anecdote amusante sur ce match aller : Quatre supporters lavallois ont fait en voiture le déplacement de Kiev (près de 6600 km !). Partis de Laval le dimanche, ils sont arrivés en Ukraine quelques heures avant le match (qui a lieu le mercredi) car, à la frontière de l’URSS, ils durent patienter, le temps de démonter complètement leur voiture, pour voir si par hasard, ils ne transportaient pas d’engin prohibé !

Le match retour

C’est un euphémisme de dire que la ville de Laval attend l’évènement, impossible d’ignorer le match, toute la ville en parle ! Le staff et les joueurs lavallois sont prêts.

Michel Le Milinaire peut compter sur la détermination de ses joueurs : « J’ai le sentiment qu’ils vont être super motivés » et a bien entendu une idée de ce qu’il faudra faire : « Il ne sera pas question cette fois, d’attentisme ou de calcul. A Kiev, il nous fallait assumer les responsabilités inhérentes à une participation à la Coupe d’Europe. Maintenant, c’est autre chose. Tout en sachant que notre tâche sera difficile, nous rêvons de nous qualifier. »
Comme pour répondre à son entraîneur, Patrice Bozon y croît : « Toute l’équipe veut y croire bien que nous nous attendons à un match très sévère. Pourtant, le résultat de Kiev nous a donné une nouvelle confiance en nous et je crois à notre qualification »

La compo des équipes :

Laval : Godart - Pérard, Sorin, Bozon (Cap), Miton - Rabier, Goudet, Souto - Jank (Paillard 85e), Sené, Stefanini - Entr : Le Milinaire
Kiev : Mikhaïlov - Kuznetsov, Baltacha (Cap), Evseev, Demanienko - Lozinski, Blokhine, Bal, Burjak - Evtuchenko, Zavarov - Entr : Morozov

Le match :

Ce furent les Mayennais, pleins d’enthousiasme et de conviction, mais aussi très calmes en apparence, qui passèrent les premiers à l’action, ils bousculèrent sérieusement la défense de Kiev grâce à un jeu prôné par Le Milinaire accès sur le dynamisme pour troubler l’imagination des Soviétiques sans oublier de ne pas s’exposer aux contres adverses. Poussés par un public chauffé à blanc et transcendés par l’événement, les Tangos vont continuer à maintenir leur pression et empêcher de cette façon les Ukrainiens de jouer à leur rythme et de trouver les espaces libres ; Mais si Laval domine, les Soviétiques sont bien regroupés derrière et toujours à l’affût du moindre ballon perdu pour partir dans des contres dangereux. Pourtant, ils éprouvent de plus en plus de difficultés à contenir les initiatives de José Souto très en vue, le travail de Eric Stefanini sur l’aile gauche ou la puissance physique de Omar Sené. Arrive alors la 33e minute…

Après avoir fait le plus dur et s’être débarrassé de son défenseur sur le côté droit, Sené repiqua vers l’intérieur et adressa un centre à la hauteur du point de penalty à destination de Jank. L’Allemand rata la balle mais celle-ci parvint tout de même sur la tête de Souto qui put alors la prolonger au fond des filets de Mikhaïlov !! 1-0 Pour Laval en route vers l’exploit ! Ce but arrivait au plus fort de la domination mayennaise et venait récompenser l’équipe la plus entreprenante et la plus audacieuse…Le public mayennais jubile.
La physionomie de la rencontre changea quelque peu au cours de la seconde période car le Dynamo Kiev, pour se qualifier, était désormais contraint de s’engager plus franchement. La seconde période, face à un Dynamo Kiev ayant résolument changé de tactique vît les Lavallois se retrouver dans la même situation que quinze jours plus tôt en Ukraine et ils souffrirent énormément… les Ukrainiens semblèrent prendre enfin conscience de leur fébrile situation. 

Mais depuis leur voyage à Kiev, les Tangos ont prouvé qu’ils savaient se serrer les coudes et s’organiser pour endiguer les tous les assauts. Et comme à l’aller, ils furent acculés sur leur but et obligés de défendre, tacler et aller sans cesse au contact. Les ultimes instants de la rencontre furent haletants et même insoutenables pour le public pour lequel le temps n’a jamais paru s’écouler aussi lentement. On regarde sans arrêt sa montre et les secondes semblent durer des heures. Après un dernier tir de Lozinski sur lequel Godart doit se coucher pour éviter le pire (90e), l’arbitre, M. Ulrich Nyffenegger siffle la fin du match ! C’est du délire dans le stade et malgré les forces de l’ordre, la pelouse est envahie par des supporters qui se jettent sur les joueurs qui ont bien du mal à regagner les vestiaires. Des ‘On a gagné ! On a gagné !’ résonnent à Le Basser dans une ambiance exceptionnelle et un concert de klaxons commence déjà à se faire entendre dans les rues de la ville…
Les réactions pleuvent à la sortie du terrain et des vestiaires :
Michel Le Milinaire :
« C’est fabuleux ! On ne sait plus quoi dire après un tel match et surtout une telle issue. Mes joueurs ont déployé un football de qualité pendant près d’une heure qui n’avait rien à envier aux joueurs de Kiev. Ensuite, Laval a montré son second visage durant une demi-heure : se battre avec son cœur, ses tripes pour préserver leur avantage (…) J’ai quelque mal à réaliser ce qui nous arrive ce soir. Il faudra sans aucun doute patienter deux ou trois jours pour véritablement situer la portée de l’événement »
Jean-Michel Godart :
« Nous sommes peut-être les smicards de la 1e Division mais nous avons su nous défoncer (…) Nous avons su tenir jusqu’au bout et qu’en ce sens il faut rendre hommage non seulement à toute l’équipe mais encore au public. Fantastique. Je ne crois pas trop exagéré en disant que c’est lui qui nous a tenu le match pendant le dernier quart d’heure »
Patrice Bozon :
« Je vous l’avais bien dit que nous allions nous qualifier, j’y croyais fermement et dîtes vous bien que nous sommes follement heureux »

José Souto :
« J’ai eu un peu peur en fin de match lorsque l’équipe s’est affolée mais je pense qu’il y avait dans cette attitude beaucoup de fatigue (…) Cela ressemblait plutôt à une bataille de tranchée (…) C’est un but qui le fait terriblement plaisir, pas le plus beau de ma carrière peut-être, mais le plus important puisque assurant notre qualification. »
Et ma préférée, Loïc Pérard : « C’est vraiment extraordinaire ! Les ‘Popovs’ ont les a bien eus quand même » 

Au tour suivant les tangos tomberont avec les honneurs face à l'Austria de Vienne mais ceci est une autre histoire.


En fait j'ai l'explication à la décontraction des soviétiques, c'est qu'avant la confrontation avec Laval ils avaient les doigts de pied en éventail au bord de la mère noire :


Voici la présentation complète de l'équipe de Laval saison 1983-84 :


Jean-Michel GODART
Loïc PERARD
Patric BOZON
Jean-Marc MITON
Michel SORIN
Jean-Paul RABIER
Thierry GOUDET
José SOUTO
Karl THODARSSON
Omar SENE
Klaus JANK
Stéphane OSMOND
Robert BUIGUES
Eric STEFANINI
Michel Le Milinaire
Equipe de Laval 1983-84












L'équipe de KIEV, issu d'un almanach et l'équipe n'est pas complète

CHANOV
MIKHAILOV
 

BESSONOV
 

BALTACHA
 

KUZNETSOV
 

DEMIANENKO
 

YAKOVENKO
 

RATS
 

EVTOUCHENKO
 

ZAVAROV
 

BLOCKINE
 

BELANOV
 

MIKHAILITCHENKO
 

MOROZOV (avec St-Petersbourg)
 

PUZAK (adjoint de MOROZOV)

Dynamo de Kiev 1984-85

11 commentaires:

  1. Un réel exploit, quand on voit l'équipe de Laval de l'époque on se dit qu'on est loin des noyaux de stars actuels ou les clubs se renforcent à coup de millions (depuis l'arret Bosman)!! on est dans la lignée des équipes de l'époque Lens et Auxerre des 70 ies 80ies

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  2. Laval en France c'était incroyable ! ils sont restés 13 ans en division 1 ! chaque année on disait qu'ils allaient finir bon dernier et chaque années ils finissaient bien voir souvent dans la 1ère moitié ! Le Lorient de GOURCUFF me fait beaucoup penser au Laval de Le Millinaire, un petit club mais avec une réelle identité et une marque de fabrique au niveau du jeu. Respect

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  3. Comparaison judicieuse effectivement... une anecdote perso quand j'étais gamin (10, 12 ans ans) j'aimais bien Laval car ils jouaient avec l'équipementier Patrick comme mon équipe de l'époque !!

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  4. Et pas pour Patrick DELAMONTAGNE ? il était vraiment bon lui

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  5. 10 ans j'accordais surtout de l'importance aux maillots etc... ma passion date de cette époque !! DELAMONTAGNE...un peu votre VANDENBERGH (à toi de trouver l'astuce héhéhé!!)

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  6. Toi et moi on a déjà parlé des déboires d'Erwin avec son fils mais je ne vois pas le rapport comme ça avec notre Delamontagne, je te laisse m'éclairer

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  7. AH ? j'ai des notions de russes, bulgares mais je ne suis pas flamand-phone ;-)

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  8. Je connais les supporters Lavallois qui eurent des déboires à la frontière russe.

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