Helmuth DUCKADAM, le héros et le dictateur.

Tout le monde se souvient de ce gardien du Steaua de Bucarest, héros de tout un pays un soir de Mai 1986, non ?
Alors petit rappel pour les plus jeunes et ceux qui ont la mémoire courte, sur ce roumain qui réalisa le plus grand exploit d’un gardien en coupe d’Europe !! Finale de la coupe d’Europe des clubs champions 7 Mai 1986, Stade Sanchez-Pizjuan à Séville, sur la pelouse même où Battiston laissa quelques chicots après avoir croisé le Schumacher express de 22h12. Les anglais ne sont plus en coupe d’Europe ils ont été exclus après le drame du Heysel, la donne à un peu changé du coup et si on n’est pas étonné de retrouver le barça des Bernd SHUSTER et Steve ARCHIBALD, ce n’est pas le cas de la présence du champion de Roumanie à ce stade de la compétition.


Pourtant l’année 86 sourit aux équipes du bloc de l’est. Le Dynamo de KIEV de Valéri LOBANOVSKI vient de donner à Gerland une leçon de football à Gerland en finale de la feu coupe d’Europe des vainqueurs de coupes face à l’Athlético de MADRID, balayant les colchoneros 3-0, sans appel. Le Steaua Bucarest ressemble un peu au Dynamo de Kiev, club privilégié du pouvoir dans le pays, il accueille tous les internationaux pour être une vitrine du pays à l’étranger. En outre la philosophie de jeu est la même, imprimer une densité physique de tout instant en multipliant les courses et en se montrant patient avec le ballon multipliant les passes (donc les appels) avant de porter une accélération. Bien loin du jeu direct des clubs anglais qui ont dominé les coupes d’Europe au début des années 80. Ajouté à cela quelques individualités au talent extraordinaire, à Kiev l’équipe compte deux ballons d’or, Blockine et Belanov même si cette année là c’est Alexandre ZAVAROV qui aurait du le remporter, au Steaua, le joueur de génie c’est le jeune Marius LACATUS, au milieu l’équipe compte aussi un joueur bien connu en France, l’ancien dentiste aux 108 sélections : Lazlo BOLONI.
Un vent nouveau souffle donc sur l’Europe mais pourtant personne ne prête des chances de victoire aux roumains, d’ailleurs comment peuvent il battre le Barça tombeur de la grande Juve de Platini en ¼ de finale et le tout en Espagne ??
La réponse s’appelle Helmuth DUCKADAM !

Dans un match triste, qui n’offrira aucun but au bout de 120 minutes, ce sont les tirs aux buts qui vont déterminer le futur champion d’Europe et les gardiens vont s’illustrer. Urruti, le gardien basque du Barça arrête pourtant les deux premiers tirs aux buts roumains, comme souvent des deux joueurs qui se sont le plus illustrés sur le terrain : Boloni et Lacatus mais il concède les deux suivants. 2 arrêts sur 4 c’est tout de même une sacrée performance pour un gardien mais que dire de celle de DUCKADAM en face ! Tout simplement imbattable et jamais vu à un tel niveau de compétition Helmuth DUCKADAM stoppe tout simplement tout les tirs aux buts catalans !! Pas un au-dessus ou à côté, non DUCKADAM arrêtes 4 tirs de suite et pas besoin d’en tirer un 5ème, le STEAUA est champion d’Europe !! Voici les arrêts de Duckadam en vidéo :


J’adore cette vidéo, j’aime voir le public derrière le but qui s’agace à chaque arrêt de DUCKADAM et qui est sans aucune réaction quand il arrête le 4ème, c’est assez incroyable ! Ce mec là a réussi à figer 80 000 personnes ! J’aime bien aussi sur son 3ème arrêt il balance le ballon et tout de suite il s’excuse auprès de l’arbitre (Michel VAUTROT), ça me fait bien marrer


En l’espace de 8 minutes chrono, DUCKADAM est devenu un héros national, une icône roumaine, une vitrine pour le régime de Nicolae Ceauşescu mais ça on va en reparler plus tard.
Tout d’abord, revenons sur la performance incroyable de DUCKADAM et son analyse, pleine d’humilité : "J’ai eu de la chance de partir du bon côté sur le premier tir. Ensuite, c’est la psychologie qui fait le reste. N’importe quel gardien aurait pensé pareil".

Tout le monde n’a pas une vision aussi minimaliste de l’exploit du portier et roumain et la légende commence à partir de ce moment-là. Le problème c’est que les faits qui vont être relatés ici, n’ont jamais été vérifiés ni démenti par le principal intéressé aujourd’hui président du Steaua Bucarest, qui est bien loin de sa splendeur passée au passage. Si je vous parle de légendes, de rumeurs c’est qu’un fait étrange est venu nourrir tout ça. En effet véritable héros, dont on montre les images dans tous les journaux télévisés d’Europe, DUCKADAM va disparaitre des terrains juste après cette séance de tirs aux buts et on ne le reverra sur un gazon qu’en 1989 soit 3 ans plus tard et dans une division amateur du championnat roumain ! Que c’est il passé ?

Tout serait parti d’un cadeau pour saluer son exploit de Séville, les versions divergent mais le fruit de ses malheurs serait une Mercedes flambant neuve, une MERCEDES 190 E même pour être précis. Pour certains journalistes ce présent aurait été offert par le président du Réal de Madrid pour remercier DUCKADAM d’avoir empêché l’éternel rival catalan de sa première coupe d’Europe des clubs champions, pour d’autres ce serait le roi himself, Juan CARLOS qui aurait offert ce présent.

Jusqu’ici on se dit que tout va bien pour Helmuth, mais c’est lors de son retour au pays que la situation va se corser. La Roumanie est un pays dur avec un dictateur au pouvoir, le terrible Nicolae Ceauşescu véritable despote, qui se fait fabriquer un sceptre pour marquer un peu plus le culte de sa personnalité et asseoir son « rang royal » !! Et comme tout souverain royal, il veut tester chez ses sujets leurs allégeances. C’est par l’intermédiaire de son fils que le Conducător va tester celle de DUCKADAM, en effet le propre fils de Ceauşescu, Nicu va réclamer à Helmuth DUCKADAM qui lui remette la Mercedes offerte. Chose que va refuser DUCKADAM (alors ça j’avoue que soit il était très con soit il était très couillu le Helmuth). Le fils du dictateur aurait alors ordonné à la Securitate (police secrète de la Roumanie, équivalent du KGB en URSS ou de la STASI en RDA) de s’occuper du gardien héros de Séville. Les gens de la Sécutitate qui ne font pas toujours dans la dentelle, retourne une par une les phalanges des deux mains du gardien et lui brisent les poignets. Ce qui, on le concoit, peu être assez gênant quand on est gardien.

Bien sûr, il n’est pas évident de connaitre la part de vérité sur les 3 ans d’absences de DUCKADAM même si son retour en seconde division est difficilement concevable comme un réel retour au haut-niveau ! Même avec la chute du régime, jamais la vérité sur cette histoire n’a été faite, seuls certains témoignages contredisent la version officielle de l’époque. Plusieurs témoins, qui ont retrouvé leur langue en même temps que la Roumanie retrouvait la démocratie, assurent avoir vu DUCKADAM quelques jours après la finale de Séville arrivé aux urgences d’un hôpital de Bucarest les mains en sang.
Ah oui au fait la version officielle, je n’en ai pas encore parlé, elle n’est pas tirée de derrière les fagots ! Et c’est DUCKADAM lui-même qui fût obligé de la donner en 1986, quand tout le pays s’étonnait de ne pas le revoir sur les terrains à la reprise du championnat !
"J’ai eu de la chance de jouer la finale. J’avais senti une gêne dans mon bras, mais je ne savais pas quel était le problème. Les tests ont finalement montré qu’il y avait un caillot sanguin et ma carrière était terminée. Si j’avais signalé ça au médecin avant la finale, je ne l’aurais probablement pas jouée".

Le journaliste Hongrois György Dragomán, lui vu cette interview devant sa TV bien des années plus tard et ne voulait pas croire cette version, il voulu en savoir plus et mena l’enquête à Bucarest car il ne voulait pas croire ce que le gouvernement roumain avait dit par rapport à l’origine de ce caillot sanguin : Extrait du livre de György Dragomán : "En allumant la télévision, je suis tombé sur Helmuth Duckadam, le grand gardien de but roumain. Tout le monde croyait qu'il était mort. Lors de la Coupe d’Europe de 1986, Duckadam avait arrêté quatre tirs au but puis mystérieusement disparu. On disait que Nicolae Ceausescu lui avait cassé le bras, jaloux de sa popularité. Pourtant, comme si rien ne s'était passé, il est revenu à la télévision, refusant de dire ce qui lui était arrivé. Il a fini par raconter comment l'équipe avait dû s'entraîner pour un match après l'explosion du réacteur de Tchernobyl. On avait alors demandé aux gardiens de ne pas toucher le ballon puisque l'on pensait qu'il pouvait récolter des particules dangereuses en roulant dans l'herbe. Cette idée d'un gardien devant fuir le ballon m'a semblé d'une absurdité totale, à tel point que seul un enfant pouvait raconter une telle histoire sans plaisanter"

DUCKADAM à peine débarqué et déjà avec la police roumaine !
C’est Dragomán, qui recueillit les témoignages sur l’arrivée de DUCKADAM à l’hôpital les mains en sang mais le principal intéressé ne contredira jamais aucune des 2 versions, laissant le doute et les hypothèses les plus tragiques. La palme de la plus belle connerie, à mon sens, revenant à l’Equipe qui ne se prive jamais de faire dans le sensationnel mais quand le journaliste ignore tout et ne prends pas le temps de vérifier ses dires, le quotidien sportif n’hésitant pas à dire que DUCKADAM avait pris sa retraite à cause d’une grave blessure à un bras avec une tronçonneuse, ah le massacre !!

J’ai vérifié, j’ai recherché, j’ai trouvé un paquet d’explications sur cette disparition de 3 ans !! Les versions pro- Ceauşescu diffamant les tortures subies, confortant la thèse du problème sanguin, d’autres au contraire bien virulentes et bien plus violents sur le sort subit par DUCKADM mais à aucun moment je n’ai lu ou entendu parler de tronçonneuse, hormis dans le témoignage de l’Equipe.
Si ici j’ai plutôt privilégié la thèse de la torture, c’est qu’il me semble que cette longue absence et le silence observé par DUCKDAM laisse une place aux doutes par rapport à la version officielle, qui par ailleurs, comme le dit György Dragomán parait bien saugrenue. En outre l’histoire montre que les dirigeants des anciens pays du pacte de Varsovie, n’aimaient pas les nouveaux « amis » du peuple, qui voyaient toujours comme une menace et il fallait toujours s’assurer de l’obéissance des sportifs, artistes et écrivains populaires au régime communisme et à l’époque en Roumanie ça voulait dire l’obéissance au Conducător !
En fait la seule chose que je ne comprends pas, c’est pourquoi DUCKADAM n’a pas donné la voiture !

7 commentaires:

  1. Excellent article one more time, je me souviens bien de cette finale, j'avais 13 ans et pro Barça !!

    A noter que Tudorel Stoica, qui figurait également dans l'équipe de 86 est le père d'Alin Stoica qui brilla à Anderlecht avant de se trainer à Bruges et à la Gantoise ds les années 2000

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  2. lol une histoire comme on n'en fait plus ! enfin une légende même. Sacré gardien et puis quel con il pouvait pas la donner sa merco, bordel !

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  3. Merci David, j'apprécie toujours tes commentaires complémentaires.
    Complètement d'accord avec Blogbandsam, ça valait pas le coup de la garder la Merco, surtout que je ne sais pas si au final il l'a gardé, bon d'un côté il aurait pas pu la conduire !!

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  4. Encore une fois, superbe Alex!!!!

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  5. J'ai une autre version (qui ne tient qu'à moi). Et si DUCKADAM avait tout simplement mis sa carrière de footballeur entre parenthèses (vous me direz, 3 ans, c'est long. Et c'est vrai). Peut-être voulait-il s'occuper de sa famille (s'il en avait une).
    Je ne sais pas, une idée, comme ça. En tous cas, elle me paraît moins saugrenue que l'histoire de hache, de scie ou de tronçonneuse du journal l'équipe...

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